Recyclage des terres rares : un projet européen piloté par l’IMC Krems

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Autriche

Autriche | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
29 octobre 2021

Comment les terres rares, qui sont utilisées dans la fabrication de nombreux équipements électroniques, peuvent-elles être recyclées ? Un projet européen dirigé par l’Université des sciences appliquées de Krems (IMC Krems) s’est penché sur la question en développant une technique de recyclage qui s’appuie sur des micro-organismes. Retour sur ce processus innovant.

Les terres rares désignent 17 métaux : le scandium, l’yttrium, et les quinze lanthanides. Ces matières minérales aux propriétés uniques sont utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie. Avec le boom du numérique et des nouvelles technologies vertes à l’échelle de l’économie mondiale, les terres rares sont aujourd’hui considérées comme des métaux stratégiques et leur demande augmente rapidement.

Le problème est que l’extraction et le traitement des terres rares polluent et produisent des déchets toxiques. De ce fait, de nombreux pays ont fermé leurs exploitations et c’est aujourd’hui la Chine qui assure l’essentiel de la production mondiale, ce qui lui donne un quasi-monopole.

Recycler plutôt que produire : voilà ce que proposent de nombreux chercheurs pour faire face à l’accroissement de la demande en terres rares. Une solution serait donc de recycler les déchets électroniques pour en extraire les terres rares et les réutiliser. Cependant, les méthodes de recyclage utilisées actuellement sont généralement plus coûteuses que l’extraction des métaux eux-mêmes, et impliquent également l’utilisation de produits chimiques toxiques.

Le projet européen REEgain, dirigé par l’IMC Krems et financé à hauteur de 1 million d’euros par le Fonds européen de développement régional (FEDER) jusqu’à la fin du mois de juin 2022, a tenté d’apporter une réponse à ce problème par le biais d’un phénomène biologique : dans certaines conditions, des micro-organismes tels que les bactéries, les algues ou les champignons peuvent absorber les terres rares dans leurs cellules et les faire fermenter. Le projet REEgain vise alors à démontrer la faisabilité du processus.

Jusqu’à présent, la faisabilité semble très bonne : "Nous cherchons à savoir quels organismes absorbent quelles quantités de terres rares dans quelles conditions", a expliqué au Standard le biotechnologue Dominik Schild, professeur au département des sciences de la vie de l’IMC de Krems et directeur du projet en tant qu’ingénieur des procédés et expert en fermentation. "Les meilleurs candidats absorbent environ 75 à 80 % de terres rares dans une solution."

Pour lancer le processus de fermentation, il faut d’abord disposer de terres rares issues de déchets électroniques sous forme de poudre, qui sont ensuite dissous dans de l’acide nitrique. L’acide nitrique n’est pas inoffensif pour l’environnement, mais comme il sert de source d’azote pour les organismes concernés et qu’il n’est utilisé qu’en très petites quantités, il n’en reste rien à la fin du processus. Le micro-organisme ainsi qu’une solution nutritive sont ensuite ajoutés à la poudre dissoute. En ajustant les paramètres du processus tels que la température, le pH ou la concentration en oxygène dans le milieu nutritif, il est ensuite possible de contrôler la croissance des organismes. La durée du processus dépend de l’organisme utilisé : avec les bactéries, la fermentation prend environ 72 heures, les champignons unicellulaires ont besoin de trois à cinq jours, les algues de deux à trois semaines. Les terres rares peuvent ensuite être retirées des micro-organismes et à la fin du processus, il ne reste que les micro-organismes et le liquide biodégradable issus de la fermentation.

Pour optimiser encore davantage le processus, les chercheurs de l’IMC Krems étudient également ce que l’on appelle les co-cultures : il s’agit de combiner deux types d’organismes différents qui se comportent comme des symbiotes. L’un des objectifs est de cultiver un organisme photoautotrophe - qui n’a besoin que de lumière et de dioxyde de carbone pour se développer - avec un organisme hétérotrophe - qui se nourrit de carbone. En effet, les organismes photoautotrophes comme les algues peuvent produire des substances à partir du dioxyde de carbone présent dans l’air, qui servent de source de nourriture aux organismes hétérotrophes tels que les bactéries. Les différents micro-organismes absorbent également les terres rares de manière différente. Il faudra un certain temps avant que le procédé puisse être utilisé à l’échelle commerciale. Mais la faisabilité de base du processus semble désormais hors de doute.

Pour en savoir plus :

Sources :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/