Portrait de la chercheuse en linguistique, Elisabeth Heiszenberger, représentante de l’Europe centrale à la finale mondiale du concours « Ma thèse en 180 secondes »

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Autriche | Politiques de recherche, technologiques et universitaires
9 janvier 2025

En novembre dernier, Elisabeth Heiszenberger, doctorante en linguistique et phonétique de l’Université de Vienne et de l’Université de Grenoble, représentait le consortium de l’Europe centrale à la finale mondiale du concours international de vulgarisation scientifique en français, Ma thèse en 180 secondes, à Abidjan. Le service scientifique et universitaire de l’Ambassade de France en Autriche s’est entretenu avec elle abordant son expérience au concours, sa recherche et ses projets futurs.

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©Elisabeth Heiszenberger

« Gagner la finale autrichienne et régionale de l’Europe centrale de Ma thèse en 180 secondes et représenter le consortium régional à la finale internationale en Côte d’Ivoire a été une expérience incroyable et un véritable honneur. »

« C’était une expérience exceptionnelle et inoubliable ! » Ainsi sont les premiers mots de la finaliste autrichienne après une année passée jalonnée par trois étapes de participation au concours « Ma thèse en 180 secondes ». En effet, Elisabeth Heiszenberger a d’abord remporté la finale nationale autrichienne en mars dernier, lui permettant de représenter l’Autriche à la finale régionale de l’Europe centrale face à 9 autres finalistes de Pologne, de République-tchèque, de Slovaquie et de Hongrie, en juin à Budapest. Grande gagnante de cette finale, elle a représenté le consortium Europe centrale lors de la 10e édition de la finale internationale le 21 novembre dernier en Côte d’Ivoire  : un événement très prestigieux réunissant 20 finalistes internationaux qui lui a donné l’impression de participer à « une sorte d’Eurovision de la science ! », explique-t-elle.

Face à plus de 1 500 spectateurs, la chercheuse autrichienne a dû présenter sa recherche en 3 minutes en français. « Ce qui était un véritable défi lorsqu’en tant que chercheuse le travail se fait normalement derrière une porte close, loin du public, et de surcroît en étant la seule finaliste de langue maternelle non-française et représentant un pays non-francophone ! » déclare Elisabeth. Franchir les différentes étapes pour arriver à la finale internationale lui ont été vraiment bénéfiques. Selon la chercheuse, cela lui a permis de renforcer à la fois ses compétences en communication scientifique, utiles pour les conférences scientifiques, mais également de réfléchir sur son rôle de chercheuse. Cette expérience lui a permis de prendre du recul sur sa propre recherche en effectuant ce travail de simplification de concepts, nécessaire pour tenir dans les trois minutes impartis. Cela lui a également permis de se rendre compte des différences de sujets de recherche entre l’Afrique et l’Europe. « En Afrique, la recherche est beaucoup plus pragmatique et orientée vers les besoins réels de la population […] Cela m’a appris à prendre du recul et à penser non seulement à l’aspect théorique de mes travaux, mais aussi à leur impact concret sur la société. », précise-t-elle. Enfin, la rencontre avec des chercheurs du monde entier a été véritablement le moment le plus marquant pour elle. « Bien qu’il s’agisse d’un concours, nous étions vraiment une équipe : de jeunes chercheurs partageant la même passion pour la science, mais venant de cultures et de disciplines différentes. Cette expérience a ainsi été « un échange extrêmement enrichissant tant au niveau humain que professionnel », ajoute la chercheuse en linguistique.

« Si l’on peut expliquer sa thèse en trois minutes dans ces conditions folles, on peut relever tous les défis du monde scientifique »

Comprendre les mécanismes de l’acquisition de la prononciation du français

Depuis toujours Elisabeth a eu un très grand intérêt pour les langues, et c’est ainsi tout naturellement qu’elle a poursuivi des études pour enseigner le français et le russe. C’est au cours d’un projet de master portant sur mélanges de langues (Code-Switching) chez des enfants préscolaires franco-autrichiens à Vienne, notamment sur la difficulté de faire les liaisons, qu’Elisabeth s’est intéressée à la manière dont les élèves francophones bilingues et monolingues à l’oral apprennent à maitriser l’écrit. « Ce sujet était alors presque inexploré, et cela ouvrait donc à une opportunité théorique fascinante », explique-t-elle. Son doctorat, en cotutelle entre l’Université de Vienne et l’Université de Grenoble, lui permet ainsi d’analyser la manière dont l’orthographe influence la prononciation à l’oral en étudiant 96 enfants et adolescents, monolingues et bilingues, qui grandissent soit avec l’allemand et le français à Vienne, soit uniquement avec le français à Grenoble, en France. Elle se concentre sur l’impact de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sur le comportement de la liaison, au début et à la fin du CP : la prononciation change-t-elle lorsqu’ils apprennent à lire et à écrire ? Elle les analyse et les compare à ceux d’adolescents, des lecteurs plus avancés. Cela révèle la manière dont le langage et l’écrit interagissent dans le cerveau, et quels outils sont nécessaires pour l’acquisition linguistique des enfants à l’école.

Par ailleurs, effectuer sa cotutelle entre la France et l’Autriche offre la possibilité d’identifier des spécificités intéressantes en termes de pratique de la recherche, mais très complémentaires. « À Vienne, on m’encourage à être très indépendante dans mes recherches, tandis qu’en France, l’accent est mis sur un accompagnement plus encadré. Cela m’apporte un équilibre précieux et m’aide à m’adapter à différentes manières de penser et de travailler », affirme Elisabeth. Grâce à cette cotutelle franco-autrichienne, elle a également pu adopter une approche plus appliquée et orientée vers un terrain plus large, en France et en Autriche, rendant ainsi la recherche d’autant plus pertinente.

Les perspectives pour Elisabeth sont nombreuses, en étant attiré à la fois par un parcours dans le monde universitaire mais également dans la vulgarisation et la communication scientifique. En participant à Ma thèse en 180 secondes, elle souhaitait donner une autre image de la science, et déconstruire l’image de chercheuse, parfois stéréotypée, et la rendre accessible à un plus grand nombre. En se référant au proverbe, « si on ne sait rien, on doit tout croire », Elisabeth veut contribuer à démystifier la science et de la rendre accessible et utile à tous. Ainsi, elle souhaite continuer à faire progresser la recherche pour le bien de la société. « L’un des plus grands défis aujourd’hui est de rendre les connaissances scientifiques compréhensibles et exploitables, afin que chacun puisse se faire sa propre opinion sur des sujets qui affectent notre quotidien », précise-t-elle. C’est pourquoi elle s’est également engagée au sein de l’initiative « Science Ambassador » du Ministère fédérale autrichien pour l’éducation qui vise à encourager les chercheurs à aller à la rencontre des jeunes pour leur parler de leur domaine scientifique. « Cette initiative me permet de partager ma passion, mais aussi d’ouvrir de nouvelles perspectives de carrière pour des élèves issus de milieux variés », conclut la jeune chercheuse.

Rédactrice : Emeline Ogereau, emeline.ogereau[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org