Développement d’une nouvelle méthode d’étude des organoïdes cérébraux

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Autriche

Autriche | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
12 mars 2021

En 2013, un groupe de chercheurs de l’Institut de biotechnologie moléculaire (IMBA) de l’Académie autrichienne des sciences (Österreichische Akademie der Wissenschaften – ÖAW), dirigé par Jürgen Knoblich, publiait dans la revue Nature un article sur le développement d’organoïdes cérébraux, ce qui avait fait un certain bruit au sein de la communauté scientifique. Le laboratoire de Jürgen Knoblich a été l’un des tout premiers à s’intéresser aux organoïdes cérébraux humains et a récemment développé une nouvelle technique d’étude de ces organoïdes intitulée Crispr-LIGHT. Retour sur cette avancée scientifique.

Qu’est-ce qu’un organoïde ? En biologie cellulaire, un organoïde est une structure constituée de plusieurs types de cellules nerveuses, cultivées in vitro et produites à partir de cellules souches humaines (embryonnaires ou induites). Leurs cellules sont douées d’une étonnante propriété : elles sont capables de s’auto-organiser en 3D pour reproduire, dans une certaine mesure, l’architecture d’un tout jeune cerveau fœtal humain (définition rapportée dans un article du journal Le Monde consacré à Jürgen Knoblich). Il s’agit donc d’un modèle miniature de l’organe.

En 2013, la biologiste de l’IMBA Madeline Lancaster fut la première à produire des organoïdes cérébraux en laboratoire à partir de telles cellules souches. Elle a également été l’une des premières à montrer que les organoïdes cérébraux pouvaient servir de modèle pour l’étude de maladies cérébrales.

Même si ces structures ne représentent pas le cerveau dans son ensemble, les chercheurs peuvent les utiliser pour étudier et observer la genèse et les conséquences de certaines anomalies génétiques sur le tissu cérébral humain. Cette technique fait également appel aux ciseaux génétiques CRISP-Cas9 (découverte pour laquelle Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020), utilisés pour effectuer des modifications génétiques en culture cellulaire.

Jusqu’à présent, les scientifiques devaient travailler à partir de plusieurs organoïdes cérébraux afin d’examiner les gènes et déterminer leur fonction dans le développement du cerveau. Grâce à une nouvelle technique intitulée Crispr-LIGHT récemment développée par Mr. Knoblich et son équipe de l’ÖAW, les scientifiques pourront désormais examiner des centaines de gènes à partir d’un seul organoïde, rapportent Knoblich et ses collègues Christopher Esk et Dominik Lindenhofer dans la revue Science. Christopher Esk et Dominik Lindenhofer ont par ailleurs réussi à créer plusieurs centaines de mutations simultanées à partir d’un organoïde cérébral et d’étudier leurs effets sur le développement du cerveau. La technique Crispr-LIGHT utilise une méthode dite de de "double code-barres" qui a permis de fournir des sortes d’étiquettes d’adresse génétique à chaque cellule de l’organoïde ainsi qu’à ses cellules souches. L’équipe a ainsi pu observer les conséquences des mutations génétiques dans différents groupes de cellules mais aussi dans des cellules individuelles, et ainsi découvrir quels gènes jouent un rôle important ou non dans le développement du cerveau.

Cela a mené à la création d’une sorte "arbre généalogique cellulaire" qui permet d’identifier l’origine de chaque cellule individuelle de l’organoïde et de déterminer comment cet arbre généalogique évolue à la suite de mutations. Jürgen Knoblich et ses collègues ont notamment utilisé cette nouvelle technique pour étudier la microcéphalie, un trouble cérébral caractérisé par une croissance anormalement faible de la boîte crânienne et du cerveau et qui survient à un stade précoce du développement fœtal. Les chercheurs ont ainsi montré que des mutations dans certains gènes peuvent être à l’origine de cette maladie. Cette nouvelle technique permet donc une meilleure compréhension des mutations génétiques mais également de tirer des conclusions sur les processus du développement du cerveau.

Jürgen Knoblich et son équipe aimeraient à l’avenir déterminer si des défauts génétiques peuvent également jouer un rôle dans le développement de l’autisme.

Sources :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/