Des chercheurs viennois développent une substance active qui pourrait ralentir le développement de certains cancers

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Autriche

Autriche | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
29 avril 2022

Comment réduire le développement des cancers, qui comptent parmi les maladies graves les plus répandues au monde, et mieux les traiter ? Face aux nombreux cas de cancer diagnostiqués chaque année dans le monde, de nombreuses recherches sont menées par les scientifiques pour mieux comprendre et soigner le cancer, et les techniques de traitement évoluent et se veulent plus précises.

D’un point de vue biologique, le cancer se caractérise par une division et une multiplication incontrôlées des cellules. Cela est dû à des mutations dans les gènes qui contrôlent ces processus. Les traitements anticancéreux tentent de stopper cette multiplication. Dans ce contexte, des chercheurs de l’antenne viennoise de l’entreprise pharmaceutique allemande Boehringer Ingelheim ont annoncé avoir découvert une substance active qui pourrait précisément avoir cet effet sur de nombreux types de cancer.

Boehringer Ingelheim est l’une des 20 plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales. Elle gère trois centres de recherche et de développement dans le monde, l’un d’entre eux étant à Vienne – le Centre de recherche en cancérologie – et réalise également de la recherche fondamentale à l’institut de recherche pour les pathologies moléculaires (IMP).

La substance découverte inhiberait la mutation incontrôlée de l’un des quatre gènes responsables de plus de la moitié des cancers intitulé KRAS – qui est présente à plus de 40% dans les cas de cancers du côlon, à plus de 30% dans certains cancers du poumon et à environ 90% dans le cancer du pancréas, particulièrement agressif. Au cours de ce processus, la protéine KRAS, issue de la mutation du gène du même nom, active les facteurs de croissance cellulaire et peut donc entraîner un cancer en cas d’activité accrue et incontrôlée due à la mutation. La protéine KRAS fonctionne en interaction avec une autre protéine intitulée SOS1, qui contribue à faire muter la protéine KRAS beaucoup plus rapidement. Pour cela, les deux protéines doivent entrer directement en contact.

L’antenne de Vienne de Boehringer Ingelheim a ainsi cherché à développer ce que l’on appelle un inhibiteur de la protéine SOS1 : "KRAS est comme le cœur battant du cancer et SOS1 le pacemaker qui lui est associé. Avec l’inhibiteur de SOS1, nous ralentissons les battements, avec les inhibiteurs de KRAS, nous pouvons les arrêter", explique au Standard Darryl McConnell, directeur de l’antenne viennoise de Boehringer Ingelheim. En effet, la particularité de cette nouvelle substance active est qu’elle intervient dans un mécanisme central du développement des cancers en se liant entre les protéines KRAS et SOS1 : elle empêche ainsi la protéine SOS1 d’entrainer une mutation trop rapide de la protéine KRAS. Il existe déjà des traitements potentiels à l’étude mais qui n’agissent que sur certaines mutations de la protéine KRAS. En revanche, l’inhibiteur développée de la protéine SOS1 pourrait être utilisé pour presque toutes les mutations de KRAS (et c’est ce qui confère donc à cette découverte son caractère novateur) : cela s’explique par le fait que l’interaction à SOS1 est nécessaire pour entrainer le développement d’un cancer, indépendamment des différentes mutations de la protéine KRAS.

Des données précliniques ont montré que l’inhibiteur de SOS1 inhibe de manière ciblée la croissance des cellules cancéreuses présentant une mutation de la protéine KRAS. La substance active se trouve actuellement en phase 1 des essais cliniques, après quoi elle pourrait être testée sur un plus grand nombre de patients à titre expérimental dans le cadre d’autres études.

Sources :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/