COVID-19 : Comment une publication antérieure à la crise du coronavirus participe à la gestion de la distanciation sociale en Autriche
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Autriche
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Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
18 juin 2020
Des travaux de recherche de l’institut de science des systèmes complexes de l’Université médicale de Vienne sur la réaction des systèmes complexes en cas d’épidémie commencés avant la crise du coronavirus ont trouvé une application dans la gestion de la réponse au coronavirus. Les modèles créés par les chercheurs viennois prennent en compte les effets de la distanciation sociale sur la propagation d’une maladie, ce qui s’avère utile pour effectuer des projections.
Stefan Thurner est un physicien et économiste qui a été nommé en 2017 « chercheur autrichien de l’année ». Il travaille depuis plusieurs années sur des modèles de systèmes complexes et dirige l’institut de science des systèmes complexes de l’Université médicale de Vienne. Dans le cadre de ces travaux, il a en 2018 publié un article sur la propagation d’épidémies dans des réseaux co-évolutifs. Dans un réseau co-évolutif, les individus adaptent leurs comportements selon le nombre d’infections, et en retour, le nombre d’infections est impacté par les comportements individuels. Cette caractéristique explique que ces systèmes tendent vers la désorganisation.
Le modèle de réseau mis au point en 2018 par Stefan Thurner et ses collègues porte le nom de SIS pour « susceptible-infected-susceptible », ce qui signifie qu’un individu est susceptible d’être infecté (S), ou infecté (I) et qu’il peut à nouveau tomber malade après rémission. Les chercheurs ont également fait l’hypothèse que si le nombre de personnes infectées augmente dans un groupe, les membres de ce groupe adapteront leurs comportements sociaux, notamment en limitant leurs contacts avec d’autres personnes, ce qui correspond aux mesures de distanciations sociales mises en place pendant la crise du coronavirus.
Stefan Thurner explique que le choix de ces hypothèses n’était pas inspiré par les coronavirus, bien que les chercheurs aient eu en tête le cas d’épidémie graves, et particulièrement celui d’Ebola. Toutefois, ces modèles se sont révélés particulièrement pertinents dans la gestion de la crise sanitaire actuelle, car ils permettent de prévoir à l’avance (une ou deux semaines) le taux d’infection d’un système avec une bonne précision. Cette précision est permise par l’usage de données de qualité sur le comportement humain pour alimenter des algorithmes de prédictions. Selon Stefan Thurner, interrogé par le Fonds autrichien pour la science, c’est aussi grâce à la capacité des chercheurs à estimer les erreurs et à calibrer les équations utilisées grâce à des données correctives issues de différentes disciplines de recherche.
Les chercheurs ont également travaillé à déterminer des signaux d’alerte précoces qui permettraient de prévoir les limites du système, à savoir à quel moment exact celui-ci s’effondre.
Au début de la crise du coronavirus, Stefan Thurner a été contacté par le gouvernement fédéral autrichien sur la base de sa publication de 2018. Il est aujourd’hui membre du consortium de sur les prévisions du coronavirus (COVID-PROGNOSE-CONSORTIUM) mis en place par le gouvernement.
Les travaux commencés précédemment se sont poursuivis en collaboration avec le Complexity Science Hub Vienna et d’autres structures européennes, dont l’Université d’Oxford. Leurs résultats ont été cités par le la revue Nature en avril 2020 sous la forme d’un article sur les stratégies de mitigation du coronavirus. Cette analyse a permis d’évaluer les réponses de chaque pays à la crise et d’établir des comparaisons. Sur le cas autrichien, il en ressort que l’Autriche fait partie des pays à avoir instaurés des mesures strictes et précoces. Au niveau international, les premiers résultats suggèrent que les pays les plus pauvres ont instauré des mesures plus strictes que les nations les plus riches.
Sources :
- Nature, Whose coronavirus strategy worked best ? Scientists hunt most effective policies, le 27.04.20 (en anglais)
- Site du Fonds autrichien pour la science, Wie ein Zufall hilft, die Pandemie zu beherrschen, le 18.05.20 (en allemand)
Rédactrice : Marie Belland, marie.belland[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/