Comment Vienne a réussi à s’affirmer dans le domaine de la médecine de genre

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Autriche

Autriche | Sciences Humaines et sociales | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
12 mars 2021

L’université de médecine de Vienne (MedUni Wien) a joué un rôle fondamental dans le développement de la médecine de genre dans le monde germanophone. Retour sur cette récente discipline de recherche.

Lorsque les femmes et les hommes sont malades, ils le sont souvent différemment. C’est le constat d’une discipline de recherche relativement jeune, la médecine de genre. Cette discipline se penche sur l’influence du sexe et du genre dans le domaine de la santé et de la prise en charge médicale. L’INSERM a montré que la recherche médicale internationale a évolué depuis une vingtaine d’année pour de plus en plus intégrer la question du genre (ce qui relève du social) et du sexe (ce qui relève du biologique) dans les pratiques et les thématiques de recherche en médecine. L’objectif est notamment de prendre en compte la façon dont les rôles sociaux et le contexte culturel influencent la santé des femmes et des hommes sur le plan physiologique et pathologique.

Il a par exemple été montré que l’état de santé d’une personne peut être influencé par la nature de son activité professionnelle, de son niveau d’étude ou de son hygiène de vie. Ces déterminants sont souvent distincts chez les hommes et chez les femmes parce qu’ils s’inscrivent dans un contexte social et culturel différent. Par exemple, dans leur majorité, les hommes tardent plus souvent à consulter que les femmes. La relation entre le médecin et le patient peut être également influencée (souvent inconsciemment) par les représentations sociales liées au genre. Les recherches en sciences sociales, qui apportent un complément à cette problématique montrent également combien les codes sociaux de la féminité et de la masculinité jouent un rôle dans l’expression des symptômes ou encore le recours aux soins. Elles ont aussi montré que ces stéréotypes influencent la façon dont les professionnels de santé dépistent et prennent en charge certaines maladies.

Par exemple, il est étonnant de remarquer que les femmes meurent plus souvent d’infarctus car cette maladie est en général sous-diagnostiquée chez les femmes. Les femmes ont par ailleurs tendance à présenter des symptômes atypiques comme la faiblesse, les nausées ou les douleurs abdominales plutôt que des douleurs thoraciques ou un essoufflement. À l’inverse, des maladies psychiques comme la dépression ne sont souvent pas ou mal détectées chez les hommes.

Pour éviter que de tels cas ne se produisent, les médecins sont de plus en plus sensibilisés à la médecine de genre au cours de leurs études. Cette discipline de recherche est désormais ancrée dans la plupart des programmes d’études de nombreuses universités de médecine. « Il s’agit d’une question transversale qui devrait être enseignée dans toutes les matières des études de médecine » a déclaré au Standard Alexandra Kautzky-Willer, spécialiste de la médecine de genre à l’université de médecine de Vienne.

Alexandra Kautzky-Willer est considérée comme une pionnière en matière de recherche sur le genre. En 2010, elle a par exemple accepté la première chaire de médecine du genre dans le monde germanophone à la MedUni Wien et y a également créé une unité de médecine de genre, qu’elle dirige encore aujourd’hui. Dans cette unité, les enseignants et les chercheurs cherchent à adapter constamment le programme et les manuels à cette discipline de recherche. Par exemple, les manuels de médecine interne comportent un chapitre distinct sur la médecine de genre, et c’est également un thème abordé en cardiologie, en endocrinologie et en psychologie. En outre, une conférence obligatoire sur l’intégration de la dimension du genre dans la médecine a systématiquement lieu au début du premier semestre d’études de médecine à la MedUni Wien. Tout cela fait que Vienne joue un rôle de pionnier dans ce domaine et se démarque fortement en Autriche, où l’université de médecine d’Innsbruck est la seule autre université à avoir une chaire en médecine de genre.

Le ministère fédéral autrichien de l’Éducation, de la Science et de la Recherche a ainsi exprimé le souhait que la médecine de genre soit représentée dans toutes les universités de médecine, comme le rapporte le Standard. La professeure en médecine de genre explique que cela coïncide également avec l’augmentation du nombre de mémoires et de thèses de doctorat dans ces domaines – et donc de l’intérêt croissant de la part des étudiants et des chercheurs – mais également des recherches menées à l’échelle internationale.

Sources :

Rédactrice : Kalina Esmein, kalina.esmein[at]diplomatie.gouv.fr - https://at.ambafrance.org/