Le système d’innovation agricole australien

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Australie | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Agronomie et alimentation
31 janvier 2020

Le ministère australien de l’Agriculture et des Ressources en Eau a publié en mars 2019 un rapport proposant une vision sur l’avenir du système d’innovation agricole (agriculture, pêche et sylviculture) australien

Ce rapport a été commandé au cabinet de conseil EY (Ernst & Young) dans le but d’établir une stratégie pour le développement du secteur à partir de trois sources de données : consultation des acteurs, estimations des futures tendances mondiales, et comparaison avec les systèmes de premier plan déjà en place dans le monde.
Le but annoncé est de hisser l’Australie à la première place mondiale dans le domaine de l’innovation agricole, assurant ainsi sa place sur la scène économique internationale, ainsi que sa sécurité alimentaire et de l’emploi.

La nécessité d’un changement

  • Le système actuel est peu coordonné, car constitué d’une multitude d’institutions mises en place au cours du temps sous les juridictions des Etats, des territoires ou du Commonwealth. Il résulte de l’histoire de l’Australie, mais également de ses particularités géographiques et climatiques. Si ce système a assuré jusqu’à présent la force du domaine agricole australien, il n’est plus adapté pour répondre aux enjeux mondiaux émergeants.
  • De nombreux facteurs de changement sont identifiés, avec l’augmentation démographique, les menaces sur la production alimentaire (parasites et maladies), les aléas climatiques (augmentation des températures et des évènements extrêmes), la durabilité des ressources (eau, terres agricoles réduites par la désertification et l’urbanisation) et les nouvelles attentes des consommateurs.
  • L’évolution du marché mondial change les équilibres économiques actuels, avec l’émergence de nouvelles forces et stratégies (capacités de productions intensifiées au Pays-Bas et aux Etats-Unis, marché tourné vers les produits de qualité supérieure en Nouvelle-Zélande, écosystème d’innovation Agri-tech attractif en Israël…), de même que l’accroissement global de la demande et du niveau de vie de nombreux pays (clientèle Asie-Pacifique).

Le système actuel nécessite une adaptation dans le but d’être plus productif, résilient et durable. La Fédération nationale des agriculteurs (NFF) s’est fixé l’objectif d’atteindre un chiffre d’affaire de 100 milliards de dollars d’ici 2030 pour le secteur agricole. Des mutations majeures seront essentielles pour l’atteindre.

La vision du futur

L’évolution des tendances, des menaces, et des opportunités dans le secteur agricole seront plus complexes et rapides dans le futur, nécessitant une réponse du système d’innovation agricole coordonnée, agile et interdisciplinaire. De plus, si l’Australie est reconnue pour ses capacités dans le domaine de la recherche, l’absence de système d’innovation à une échelle globale est un frein à l’agilité et à la résilience du secteur. Les initiatives sont isolées, et mal intégrées à travers le secteur et ses industries, elles manquent de vision globale des enjeux et visent des objectifs productivistes, de courts termes ou des intérêts particuliers. Enfin, le secteur manque de capacités de commercialisation, de visibilité et d’esprit entrepreneurial.

Le but est donc de construire un système cohérent, intégré à l’écosystème agricole, orienté vers le futur, et reconnu mondialement. Cette vision a déjà été avancée dans plusieurs autres rapports d’acteurs du système actuel (NFF, CSIRO, départements de R&D, Académie des Science, SIA, …).

Recommandations et feuille de route proposée

Le rapport propose 5 recommandations majeures, indépendantes de la configuration du système actuel. Le but est de proposer une vision et d’ouvrir la discussion sur des actions pratiques à mettre en place :

  1. Renforcer la coordination du système : Décider d’objectifs clairs, à l’échelle nationale, permettant de guider les initiatives. Augmenter la communication et les interactions entre les individus, mais également entre les zones rurales. Créer une gouvernance forte et reconnue pour établir une visibilité sur la scène internationale.
  2. Assurer un financement pertinent : Rediriger et augmenter les investissements publics vers les orientations stratégiques, en créant par exemple un fond dédié à l’innovation agricole. Diversifier les sources de financement en stimulant la concurrence et les partenariats public-privé (co-investissement) afin d’attirer les investissements privés (des multinationales par exemple). Développer la culture du risque en jouant sur les incitations fiscales ou les fonds public (en particulier pour les start-ups). Intensifier les activités commerciales basées sur la propriété intellectuelle.
  3. Assurer l’excellence des pratiques d’innovation : Eriger certains centres de recherche en centres d’excellence nationaux pour l’innovation agricole. Encourager les projets de recherche répondant aux besoins des consommateurs ou des utilisateurs finaux, et ayant des stratégies de commercialisation et d’adoption. Attirer les talents et les jeunes générations d’entrepreneurs, et amplifier les collaborations internationales.
  4. Renforcer les régions et les groupes agricoles existants, piliers des orientations et de l’expertise du système. Créer de nouvelles communautés inter-régionales voir internationales dans des domaines spécifiques.
  5. Assurer l’équipement de la prochaine génération en créant des infrastructures physiques pertinentes (laboratoires, incubateurs, …), et en intégrant les nouvelles technologies (Big Data, Machine Learning, IA, drones, capteurs, etc.). Dans un premier temps, continuer les améliorations en cours, comme le rail intérieur, le réseau internet national et le « Mobile Black Spot Program » (initiative du gouvernement fédéral visant à améliorer et à étendre la couverture de la téléphonie mobile dans les régions et les régions reculées d’Australie).

Une feuille de route conclut le rapport, proposant la mise en place d’un nouveau système sur 3 ans (2019-2022) pour une arrivée à maturité d’ici 2050 (Ndlr : objectif annoncé à 2030 lors du discours officiel de lancement du rapport). Cette mise en place passe par l’établissement d’un système de gouvernance temporaire à l’échelle nationale, coordonnant les différents acteurs autour de la construction d’objectifs communs sur le long terme découlant des recommandations énoncées.

Commentaires

Le but de ce rapport est de fournir au gouvernement australien une vision de l’orientation stratégique dans le domaine de l’innovation agricole. Si beaucoup de ce qui a été annoncé peut être mis en place rapidement, les recommandations proposées remettent en cause nombre d’institutions existantes et des changements profonds devront être mis en œuvre avant que puissent ressortir les avantages énoncés.
À noter que le rapport n’évoque que très peu le contexte particulier de l’Australie par rapport aux pays utilisés en étude de cas, laissant des incertitudes quant à l’impact des caractéristiques propres à sa géographie de pays-continent et à son climat pour la mise en œuvre de la feuille de route selon la chronologie proposée (absence de couverture réseau sur une partie non négligeable du territoire agricole, changement d’échelle sur les coûts et l’empreinte carbone des transports intérieurs, aléas climatiques d’ampleurs, législations différentes entre états fédérés, etc.).
Enfin, ce plan base intégralement les modalités de réussite de la transition et la résilience économique et écologique du secteur agricole australien sur le pouvoir disruptif des innovations technologiques…
Néanmoins, ce rapport met en lumière des opportunités futures fortes pour la France en matière de partenariats avec l’Australie dans le domaine de l’innovation agricole, et permet également de profiler qui pourront en être les principaux concurrents. À ce sujet, pour les acteurs du système d’innovation agricole français, les questions posées par ce rapport permettent une mise en perspective intéressante des orientations stratégiques françaises. Elles mettent également en lumière des acteurs encore peu étudiés et pourtant d’intérêt tel que l’écosystème de l’Agri-Tech israélien.

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