Le Forum AFRAN 2019
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Australie
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Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
31 janvier 2020
Le Forum AFRAN s’est tenu cette année le 5 décembre 2019 à l’Université d’Adélaïde, sur le thème de l’interdisciplinarité, et du rôle des sciences sociales pour relever les défis du 21ième siècle.
Pour mémoire, l’association AFRAN est un réseau de chercheurs, industriels ou décideurs, impliqués dans des collaborations franco-australiennes dans le secteur de la recherche et de l’innovation. Acteur majeur de la structuration de la coopération bilatérale, le réseau AFRAN se réunit chaque année pour un forum consacré à une thématique prioritaire de coopération scientifique. Le thème choisi cette année a pour objectif d’intégrer les Sciences Humaines et Sociales aux grands domaines de notre coopération bilatérale tels que définis à l’occasion du Joint Science and Innovation Meeting (JSIM) de mars 2020. Ce choix faisait aussi suite à un accord récent de l’Ambassade avec l’Académie des Sciences Sociales en Australie, dont le premier appel à projets conjoints a rencontré un grand succès.
Partant du constat que nos sociétés sont confrontées à des pressions grandissantes, avec la croissance et les migrations de populations, le réchauffement climatique et la dégradation des écosystèmes, les mutations technologiques et les inégalités montantes, la montée du terrorisme et les menaces sur nos démocraties, l’objectif du forum était de réfléchir de façon globale à l’impact des activités humaines sur le monde et sur nos sociétés, de nos modes de production, nos systèmes de connaissances, nos modèles politiques et économiques, jusqu’à nos modes de vie.
Le Forum a été organisé autour de quatre panels, chacun soulevant des problématiques relevant de plusieurs disciplines.
- Panel 1 : L’intelligence artificielle et des interactions homme-machine
Le panel 1 s’est intéressé à l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans nos systèmes de décisions et aux interactions homme-machine. Nous n’en sommes pas (encore) arrivés au développement d’une IA « suprême », capable d’appréhender la complexité de la réalité du monde, cependant de nombreuses technologies et applications se développent, et certaines décisions sont déléguées à une IA. Si la tendance se poursuit, une société hybride devrait émerger, dans laquelle humains et machines coopéreront. Les questions qui se posent sont celles de la transparence des algorithmes d’IA, de leur niveau de complexité, afin de comprendre et de contrôler comment sont prises les décisions, mais aussi de l’origine des données sur lesquelles se basent les algorithmes (prennent-elles en compte la diversité des ethnies, des genres, des âges, et des cultures ?), ou de la responsabilité judiciaire lors d’un litige sur une décision d’IA… Cette société hybride qui se développe soulève également de nombreuses questions concernant les relations homme-machine : Comment travailler et vivre avec ces systèmes ? Comment y maintenir un niveau d’humanité, tenant compte des valeurs humaines, de nos cultures et de nos convictions ? Comment mesurer le progrès qu’ils apportent ?
Les réponses prendront en compte le coût énergétique de ces systèmes, les risques associés aux limitations de leurs technologies (applications médicales, voitures autonomes…), mais aussi le bienêtre des humains et leur acceptation et adaptation à ces technologies, les considérations éthiques, etc… Le panel a discuté les meilleures recettes permettant de lier les ingrédients issus des différentes disciplines nécessaires à l’exploration de ces questions. Cette exploration nécessite en effet les technologies informatiques, mais aussi les sciences sociales et cognitives, la psychologie, la robotique, etc… Elle ouvre de nombreuses opportunités de collaborations inter-disciplines et internationales, afin d’inclure le plus grand nombre dans les décisions sur les systèmes de nos sociétés futures. Elle nécessite enfin des formations interdisciplinaires, et la possibilité pour les chercheurs de publier sur des sujets relevant de plusieurs disciplines…
- Panel 2 : Inclusion, diversité et multiculturalisme
Dans un monde de mieux en mieux connecté, nos sociétés sont aujourd’hui ouvertes aux influences internationales. La diversité linguistique et culturelle est une réalité sur beaucoup de lieux de travail, mais elle est particulièrement tangible dans le milieu de l’éducation et de la recherche. Comment intégrer les différences de cultures des étudiants dans l’enseignement ? Comment promouvoir et préserver tous les savoirs et points de vue, traditionnels ou innovants, de toutes les cultures et genres, afin de construire une société plus inclusive et équitable ? C’était le thème discuté lors du second panel du Forum AFRAN, et avec lui, les enjeux d’équité des genres, d’inclusion des minorités, de traitements des groupes marginalisés…
La différence de langue constitue une barrière majeure aux échanges, et l’apprentissage d’autres langues est d’une importance cruciale ; mais il existe tout un tas d’autres différences culturelles qui peuvent faire obstacle à la coopération entre deux équipes de recherche ou à l’intégration d’un groupe au sein d’une société. Concernant le milieu professionnel, différents points de vue sur la hiérarchie de l’organisation, l’échelle de temps alloué à un projet, ou les taux d’incertitude et de risque acceptables, ont par exemple été relevés entre Français et Australiens. Des différences d’attitudes dans les relations humaines font également obstacle aux échanges, comme le compliment sandwich australien, ou l’esprit de provocation français. Et lorsque les différences culturelles sont plus contrastées que celles entre la France et l’Australie, comment intégrer ces cultures dans le moule de la société, tout en respectant la diversité ?
Les panélistes ont discuté de solutions passant par l’écoute et la connaissance de l’autre, le respect et l’acceptation des points de vue, mais aussi pour les étudiants, des formations linguistiques intégrées aux différents cursus, ou des projets artistiques qui transcendent le langage même pour transmettre une culture, des valeurs, des traditions ou des convictions…
- Panel 3 : Les impératifs du climat et de l’environnement
La voie vers un développement durable dans le contexte du changement climatique a fait l’objet du panel 3 de ce Forum. Comment mieux gérer nos ressources et nos infrastructures ? Comment intégrer des critères de durabilité dans l’évaluation technique et économique d’un projet de développement ? Comment adapter notre politique pour engager tous les acteurs vers une gestion durable ? Là encore, la question de l’interdisciplinarité entre sciences économiques, environnementales, technologie et politique était centrale aux discussions.
Des domaines relient déjà la gestion des ressources naturelles avec l’économie, et permettent d’anticiper, par exemple, la prochaine crise mondiale de l’eau, prévue autour de 2050. En Australie la gestion du plus important bassin hydraulique, le Murray-Darlin Basin, est sujet de controverse entre agriculteurs, politiques et chercheurs, et les rapports scientifiques, les réformes politiques, et la dynamique des activités agricoles ne sont pas coordonnées. Des moyens de coordonner et de créer des liens entre les différents acteurs ont pu être discutés au travers de la présentation d’un projet faisant participer des entreprises agricoles familiales, des communautés locales, des personnels de la santé, des décideurs politiques et des chercheurs, autour de la problématique globale de la durabilité des pratiques agricoles, et de la santé alimentaire. Sur ce projet, un groupe de travail est entièrement dédié à réguler les liens entre les différents acteurs, afin que les connaissances scientifiques soient produites conjointement, que le développement de ces collaborations soit évalué et encouragé, et que les résultats et découvertes de la recherche soient implémentés.
- Panel 4 : gouvernance, technologie, et modèles économiques
Nos sociétés évoluent à de nombreux niveaux, à la fois dans la gouvernance des entreprises pour lesquelles les gouvernements sont de moins en moins directifs, mais aussi dans leur organisation, où les pratiques de sous-traitance et d’externalisation des compétences deviennent courantes, ou encore dans l’évolution des technologies qui deviennent complexes à réglementer et ont un impact incisif et direct sur les individus. L’évolution de la gouvernance, de la technologie et des modèles économiques a été discutée lors du panel 4 du Forum AFRAN, selon le point de vue des sciences sociales et humaines. Le rôle des arts et de la littérature dans nos sociétés a été un point central des discussions, puisqu’ils permettent de plonger l’individu au cœur du questionnement sur le futur de sa société et de son environnement. Les sciences sociales et humaines reflètent la réalité telle qu’elle est ressentie, et permettent de la prévoir, de l’anticiper, et de guider notre société ou de l’alerter pour éviter les écueils qu’elles pronostiquent. Conjuguées avec d’autres disciplines, les sciences sociales et humaines ont un impact plus important, et des exemples associant droit et humanité ont été présentés par les panélistes, concernant notamment les réseaux sociaux, l’espace et les données massives. Si les sciences sociales et humaines ont une approche moins quantitative que d’autres sciences, elles peuvent complémenter et guider les autres disciplines lorsque les chercheurs auront établi un terrain d’entente épistémologique et méthodologique.
Finalement, de la conception et l’intégration des IA à l’impact des activités humaines sur le climat et l’environnement, de l’inclusion de tous et toutes aux choix de nos modèles économiques et de gouvernance, les sciences sociales et humaines ont un rôle crucial à jouer afin de guider la construction de nos sociétés, et d’assurer que les valeurs humaines, les cultures et les convictions y soient respectées.
L’association AFRAN soutient chaque année des projets initiés par ses membres ayant pour objectif de structurer la collaboration franco-australienne sur des thématiques stratégiques. L’association intégrera cette dimension interdisciplinaire dans ses prochains appels à initiatives.