La formation des vagues scélérates enfin comprise
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Australie
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Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique
30 septembre 2019
Une poignée de chercheurs Australo-Européens se sont penchés sur la physique des vagues scélérates, ces vagues immenses qui naissent ponctuellement, et qui mesurent plus du double de la hauteur de la houle
Né d’une collaboration entre l’université de Sydney (Amin Chabchoub), l’université nationale australienne (Nail Akhmediev), l’university college de Dublin (Frédéric Dias), l’université d’Oxford (Ton Van den Bremer), et l’université d’Aix Marseille (Christian Kharif), ce projet de recherche a abouti à non pas un, mais deux mécanismes expliquant la formation des vagues scélérates.
Après avoir été considérées comme une légende, quelques vagues scélérates ont été observées et mesurées, à partir de 1995, de façon suffisamment précise pour confirmer leur existence… Mais l’explication de leur apparition échappait aux chercheurs. En effet, les vagues scélérates peuvent naître aussi bien sur une mer calme que lors d’une tempête, dans des eaux très profondes ou aux abords des côtes. Elles ont une forme particulière. Outre leur hauteur entre crête et creux qui dépasse le double de celle des autres vagues, elles sont asymétriques avec une courbure plus faible sur l’avant, qui leur donne l’aspect d’un vertigineux mur d’eau. Autant de caractéristiques qui interloquaient nos chercheurs…
Les vagues de pleine mer sont déclenchées par le vent, de la même façon que des rides se forment à la surface du thé lorsqu’on souffle dessus. Ces vagues ondulent sous l’effet de la pression du vent et de leurs propres poids. Avec un vent constant, la distance entre deux vagues et leurs hauteurs devraient être constantes, formant une houle régulière. Mais si le vent varie, changeant la vitesse des vagues, une petite houle peut se faire rattraper par une plus grande, ou si deux sources de vent soulèvent la mer dans des directions convergentes, deux trains de houle peuvent se rencontrer. Les vagues interagissent les unes avec les autres, et dans certains cas elles peuvent s’additionner ! Ce phénomène de la physique ondulatoire, appelé « interférence constructive », est connu depuis longtemps, et a été la première tentative d’explication des vagues scélérates. Mais il n’explique pas leur forme particulière ni leur abondance : il devrait y avoir de 10 à 100 fois moins de ces monstres des mers s’ils étaient dus seulement aux interférences constructives.
L’explication réside dans le fait que les vagues ne sont pas de belles sinusoïdes parfaitement régulières qui se suivent indifféremment. Des effets non-linéaires, compris dans les équations complexes du mouvement des fluides, (les équations d’Euler, datant de 1755 !), viennent perturber leurs formes, leurs vitesses, et couplent l’énergie et la dynamique des vagues entre elles. Ils rendent aussi les calculs impossibles. C’est seulement aujourd’hui, avec l’utilisation de supercalculateurs suffisamment puissants que les chercheurs en viennent à bout, et ont découvert, non pas un, mais deux mécanismes à l’origine des vagues scélérates. Le premier mécanisme amplifie le phénomène d’interférence constructive, avec des transferts d’énergie contribuant à élever localement la surface de la mer, créant une ‘infra-vague’ qui vient s’ajouter à l’interférence constructive. Le second mécanisme est issu lui aussi d’un phénomène connu, « l’instabilité de modulation » qui vient du fait que, même dans une houle régulière, la vitesse des vagues se répartit entre différentes valeurs autour d’une moyenne. Ce phénomène crée des paquets de vagues, où certaines vagues sont plus hautes que d’autres, et à certaines fréquences spécifiques, une vague scélérate peut alors se former.