L’Hydrogène pour le futur de l’Australie

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Australie | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement | Stockage de l’énergie
25 octobre 2018

Le Groupe d’experts ‘Stratégie de l’Hydrogène’ dirigé par le Chief Scientist Alan Finkel (Hydrogen Strategy Group) vient d’éditer un rapport adressé au ministre de l’énergie et aux membres du COAG, le conseil des gouvernements fédérés australiens, concernant le développement de l’exploitation de l’hydrogène comme produit d’exportation mais aussi comme vecteur d’énergie. Ce rapport s’appuie sur celui du CSIRO (le National Hydrogen Roadmap), paru également en Aout 2018 et qui établit une feuille de route pour le développement d’une industrie australienne de l’hydrogène.

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie. Aussi abondant qu’il soit dans l’espace, il faut le produire sur Terre. Le rapport évoque deux moyens de production à basse émission de gaz à effet de serre : un hydrogène issu d’énergies renouvelables par électrolyse de l’eau, et une production par réaction thermochimique sur le charbon ou le gaz, qui devra être couplée à une technologie de capture et de stockage des émissions de carbone qui en découlent, pour obtenir un hydrogène ‘propre’.

L’Australie s’intéresse sérieusement à cette filière hydrogène pour trois principales raisons :
L’exportation d’énergie : des pays comme le Japon ou la Corée du Sud vont chercher à importer une énergie propre pour remplacer leurs importantes importations de charbon, pétrole et gaz, afin d’atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de carbone. L’Australie veut se positionner sur la scène internationale comme un fournisseur incontournable d’hydrogène propre.
Des opportunités économiques internes : l’hydrogène est un vecteur d’énergie polyvalent, qui peut être utilisé pour le transport, le chauffage, l’électricité, en plus d’utilisations industrielles dans de nombreux procédés chimiques. Toutes ces applications vont développer de nouvelles filières industrielles et technologiques, créant des opportunités d’innovations et d’emplois, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
La résilience du réseau énergétique : L’hydrogène propre pourrait permettre d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays, et permettre de réduire sa dépendance sur les importations de carburants.

Le pays n’en est plus à étudier les possibles opportunités de cette filière hydrogène, mais à identifier les leviers qui permettraient l’activation de ce secteur d’activité sur le marché. La feuille de route du CSIRO a permis d’identifier où devraient se faire les prochains investissements dans le secteur pour que cette industrie se développe de manière cohérente et qu’elle devienne compétitive sur le marché mondial. Le rapport du CSIRO s’est penché sur les trois étapes de la chaîne de valorisation de l’hydrogène : production, stockage et transport, et utilisations.

  • La production : Si le pays veut s’emparer du marché, la production d’hydrogène doit être multipliée et le coût de production réduit. Un projet d’usine de production thermochimique à partir de lignite a été lancé dans la vallée de Latrobe (Victoria), associé à un réservoir de stockage de carbone dans le bassin du Gippsland. Ce projet devrait fournir un hydrogène compétitif en 2030. En attendant, la production d’hydrogène par électrolyse devrait couvrir la majorité de la demande, et de nouveaux progrès techniques, sur l’électrolyse à membrane de polymère en particulier, devraient faire baisser les coûts de production.
  • Le stockage et le transport : L’hydrogène est un gaz de faible densité, qui exige de grands volumes de stockage dans son état gazeux. Différentes techniques permettent de réduire ces volumes. Compression, liquéfaction, ou processus chimiques (attachant l’hydrogène à une molécule telle que l’ammoniaque) offrent différentes possibilités de stocker l’hydrogène selon la quantité, ou le moyen et la distance de transport utilisés. Le transport se fait sous forme compressée, par camions, train ou gazoduc sur de petites distances, et sous forme liquéfiée pour des distances plus importantes (1000km), mais le transport sous forme de composé d’ammoniaque et par bateau devrait se développer avec les exportations sur de grandes distances.
  • L’utilisation de l’hydrogène : De nombreuses utilisations de l’hydrogène sont déjà possibles ou en cours de développement technologique.
    • Transport  : les véhicules à pile à hydrogène présentent de nombreux avantages sur les véhicules à batterie électrique : autonomie sur de plus longues distances, rechargement rapide, légèreté. Le principal obstacle est le manque d’infrastructures soutenant leur utilisation (stations à hydrogène) et le coût de leur production. Mais une utilisation de masse, encouragée par des standards d’émission sur les véhicules, devrait faire baisser les coûts à la fois des véhicules et des stations de recharge d’ici à 2025.
    • Approvisionnement en énergie des régions isolées : avec la baisse de son prix de production, l’hydrogène devrait devenir compétitif par rapport au diesel utilisé jusqu’à présent dans les zones reculées, avec un impact environnemental bien moindre, et des utilisations multiples (électricité, transport, chauffage, véhicules de manutention…). Les premiers projets devraient cibler les opérations minières isolées.
    • Approvisionnement industriel : là encore, l’hydrogène devrait devenir compétitif par rapport au gaz pour les utilisations industrielles. Le besoin de réduire la dépendance australienne aux importations de carburants devrait de plus accroître son utilisation pour le traitement de carburants issus de la biomasse.
    • Export : l’exportation d’hydrogène favorisera le développement de toute une filière industrielle qui s’appuiera sur l’expérience australienne en exportation de gaz naturel liquide, et poussera le pays vers une production à bas coût pour être compétitive sur le marché
    • Stabilité et fiabilité du réseau électrique : Avec le développement des énergies renouvelables intermittentes, et les variations de consommation saisonnières, la gestion des réseaux électriques doit s’adapter. L’électrolyse permet de compenser les variations rapides, en stockant les surplus de production électrique sous forme d’hydrogène et en les restituant en cas de besoin. Le stockage et les piles à hydrogène peuvent apporter une solution aux variations saisonnières.
    • Chauffage : l’hydrogène ne devrait pas être compétitif pour remplacer le gaz de ville avant 2030, et nécessiterait une adaptation complète des infrastructures, cependant il peut venir enrichir le gaz de ville et faire ainsi son entrée sur ce marché.
    • Carburants synthétiques : les carburants synthétiques ne concurrencent pas les carburants dérivés de matériaux bruts, mais si l’Australie veut pouvoir être indépendante, l’hydrogène pourrait jouer un rôle dans la synthèse de carburants pour les moyens de transport lourds (avion ou bateau).

L’Australie dispose d’atouts pour développer une filière industrielle de l’hydrogène :

  • D’importantes ressources fossiles à bas prix, et proches de sites adaptés à la séquestration à grande échelle du carbone (sites off-shore où le carbone capturé est envoyé par des gazoducs dans des cavités sous la mer)
  • Une position géopolitique et des relations commerciales déjà en place avec l’Asie dont certains pays, Japon et Corée du Sud en particulier, très dépendants des importations en énergies fossiles, s’intéressent à l’hydrogène propre pour réduire leurs émissions de carbone.
  • L’Australie est déjà une puissance exportatrice d’énergie. Elle a l’expertise ainsi que des infrastructures adaptables au développement d’une chaîne d’approvisionnement en hydrogène.
  • Enfin, le pays a une grande capacité de production d’énergie renouvelable

Pour l’Australie, la prochaine étape sera d’établir des accords internationaux, des régulations et des standards de sécurité, ainsi que des infrastructures adaptées à la production, au transport, et à l’utilisation de l’hydrogène. Le rapport se conclut sur l’importance que jouera l’hydrogène dans une économie de basses émissions de carbone, et sur la part de ce marché mondial sur lequel l’Australie peut développer un avantage compétitif.

Site du CSIRO