Discussion de l’académie des sciences australienne sur le forçage génétique

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Australie | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
26 juillet 2017

Le forçage génétique est un mécanisme qui permet à un gène d’être transmis avec quasi-certitude par reproduction sexuée : introduit chez un individu, tous (ou presque tous) ses descendants porteront ce gène. Il existe de nombreux mécanismes naturels de forçage génétique, mais les récentes découvertes du génie génétique rendent aujourd’hui possible et accessible le forçage d’un gène synthétique.
 

Le forçage génétique CRISPR, comment ça marche ?

A l’origine de ces découvertes, des séquences répétées d’ADN provenant d’un virus dans le génome de certaines bactéries : ces courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées, ou, en anglais : Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (CRISPR) permettent à la bactérie de reconnaître le virus lors d’une infection. Ensuite, une enzyme coupeuse d’ADN nommée Cas9, entre en action pour éliminer le virus.

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Illustration idéalisée de la transmission de gène selon les lois héréditaires de Mendel (à gauche), et avec un forçage génétique (à droite).


Australian Academy of Science

Or, en détournant ce mécanisme pour cibler non plus l’ADN d’un virus, mais celui d’une cellule, on peut désormais éliminer un gène précis de l’ADN, ou même, en utilisant le potentiel de réparation de l’ADN déjà présent dans les cellules, on peut modifier la séquence d’un gène, c’est-à-dire y introduire une nouvelle mutation ou en corriger une existante. De plus, cette technique est simple, rapide et peu onéreuse, ce qui en fait l’origine d’une véritable révolution du génie génétique.

La discussion au sein de l’Académie des Sciences Australienne

En Australie, étant donnés les succès mitigés de l’introduction d’organismes biologiques pour réduire les populations d’espèces invasives, l’utilisation de cette technique dans la nature exigera des conditions de confinement rigoureuses et une évaluation des risques complète.

Le forçage génétique pourrait avoir des applications dans de nombreux domaines :
 

  • Le forçage génétique pourrait permettre de réduire la population d’insectes porteurs de maladies telles que la malaria, et la dengue chez l’homme, ou la fièvre catarrhale chez les bovins. Mais le risque serait qu’une autre espèce (éventuellement plus dangereuse) devienne à son tour vecteur de la maladie, ou bien, si le forçage n’était que partiellement réussi, que la population victime de la maladie perde son immunité lors de la réduction de population de l’insecte vecteur, et devienne ensuite plus vulnérable, lorsque l’insecte vecteur se redévelopperait.
  • Le forçage génétique pourrait restaurer la faune et la flore endémique mise en danger par des espèces invasives en réduisant les populations, par exemple de crapauds buffles, de carpes européennes, ou de lapins. Cependant, les écosystèmes sont extrêmement interconnectés, et la dynamique des populations y est difficile à prévoir. La disparition d’une espèce, même invasive, pourrait avoir des conséquences inattendues. De plus, la présence d’espèces porteuses de gènes modifiés pourrait se répandre à d’autres régions du monde où ces espèces ont un rôle écologique ou culturel important.
  • Enfin, le forçage génétique pourrait contrôler les populations d’organismes qui détruisent les récoltes agricoles. Mais là encore, les conséquences de la réduction d’une espèce au sein d’un écosystème, et les risques de propagation d’organismes modifiés à d’autres régions sont difficilement maîtrisables.

La dimension sociale et économique de cette technique fait également partie de la discussion. Les organismes génétiquement modifiés, s’ils n’ont pas rencontré en Australie la même opposition qu’en Europe, ne sont cependant pas aussi bien acceptés, ni aussi répandus qu’aux USA. Une grande transparence, de même que le respect des règlementations et des cultures est nécessaire pour le public concernant les travaux menés dans ce domaine. Le forçage génétique pose un certain nombre de questions d’éthique, notamment concernant la commercialisation des produits issus de cette technique, et des droits de propriété intellectuelle. Les chercheurs doivent conduire leurs recherches selon le guide des valeurs et des principes éthiques du génie génétique édité en 2012, et considérer les conséquences sociales et environnementales de leurs travaux avant de commencer. La recherche dans le domaine des applications possibles du forçage génétique devra également suivre des conditions rigoureuses de confinement et de sécurité.

Les recommandations de l’Académie des Sciences Australienne

L’académie des Sciences Australienne recommande sur ce sujet :
 

  1. Une communication claire et transparente des dispositifs régissant la réglementation du forçage génétique.
  2. La mise en place des ressources nécessaires pour que l’étude du forçage génétique en laboratoire sur des populations isolées se fasse sur des échantillons et sur des durées assez importants afin de pouvoir observer les phénomènes de sélection, de résistance, de stratification de population, ou de distorsion de transmission génétique, ainsi que les conséquences attendues ou inattendues de ces phénomènes.
  3. Un confinement rigoureux et multiple lors de travaux sur le forçage génétique.
  4. Une prise de décision au cas par cas concernant la libération dans la nature d’un gène de forçage synthétique, fondée sur une estimation complète des risques environnementaux comprenant des simulations écologiques et d’évolution.
  5. Une communication et une consultation claires auprès du public par des médias appropriés dès le premier stade de la recherche, et en particulier auprès des communautés affectées.
  6. Une réflexion concernant les implications plus larges du forçage génétique (comme par exemple les implications commerciales).

Lire le rapport