Développer l’Industrie des Technologies Quantiques Australiennes

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Australie | Politiques de recherche, technologiques et universitaires | Sciences et technologies de l’information et de la communication : TIC, télécoms, micro-nanotechnologies, informatique
26 juin 2020

Le CSIRO, agence nationale de recherche scientifique et industrielle, a rendu publique en mai 2020 une feuille de route pour le développement du secteur des technologies quantiques australiennes, qui, selon ses conclusions, devraient soutenir 16 000 emplois et rapporter 4 milliards de dollars de PIB par an au pays d’ici 2040.

De nombreuses technologies quantiques ont émergé grâce à une meilleure connaissance et maîtrise du comportement des particules et de leurs états quantiques. Ces technologies concernent par exemple la détection de précision, les communications sécurisées, et l’informatique quantique. La maîtrise des technologies quantiques est également la clé de grands enjeux de cybersécurité. De nombreux pays, tels que les Etats-Unis, le Royaume Unis, l’Europe, l’Inde, la Chine ou la Russie, investissent massivement dans ce domaine. Les données rendues publiques montrent des investissements publics et privés multipliés par 4 entre 2012 et 2017. Le rapport incite donc le gouvernement à soutenir le secteur afin de capitaliser sur une industrie quantique déjà émergeante, et de la positionner sur la scène mondiale.

Les capacités australiennes dans le secteur

L’Australie investit depuis plusieurs décades dans les technologies quantiques et a développé des capacités de recherche et de formation reconnues, contribuant à de nombreuses avancées technologiques.

  • conception des plans pour les premières plateformes informatiques quantiques,
  • éléments de base constitutifs de l’optique quantique,
  • algorithmes de simulation quantique,
  • réseaux de communication quantique,
  • composants critiques pour les technologies de détection quantique

En 2011 le gouvernement australien finance deux centres d’excellence dans ce domaine, financement renouvelé en 2017, pour un total qui dépassent aujourd’hui les 80 millions de dollars.

  • Le Centre d’Excellence for Quantum Computation and Communication Technology a pour but de développer les technologies de processeurs quantiques pour le transfert d’informations sécurisé. Ce centre collabore, entre autres, avec l’université de Paris 6 et celle de Pierre et Marie Curie
  • Le Centre d’Excellence for Engineered Quantum Systems entend explorer les technologies quantiques appliquées à des systèmes de santé, ou pour l’économie, l’environnement ou la sécurité. Ce centre est en lien avec l’institut NEEL du CNRS, et l’Observatoire de Paris

Le pays a également développé une industrie des technologies quantiques avec de nombreuses start-ups et jeunes entreprises, par exemple :

  • QuintessenceLabs développe des solutions pour la cybersécurité
  • Silicon Quantum Computing a produit des qubits à base de silicium pour les processeurs
  • Q-Ctrl a lancé des softwares adaptables aux technologies quantiques
    Ces start-ups s’appuient sur la propriété intellectuelle et l’expertise développées dans les universités australiennes et ont attiré plus de 125 millions de dollars d’investissements et de financement ces dernières années.
  • Le programme d’incubation du CSIRO soutient également des projets de commercialisation de technologies développées en dehors des organismes de recherche.

Les priorités identifiées

La feuille de route du CSIRO identifie un certain nombre de domaines pour lesquels les technologies quantiques joueraient un rôle disruptif, et souligne les champs prioritaires qui permettront de réaliser ces avancées. Ainsi le calcul quantique, la détection quantique, et les communications quantiques sont mis en avant.

- Le calcul quantique

Le calcul quantique utilise des phénomènes quantiques qui ouvrent de nouvelles possibilités pour les procédés de calcul informatiques, à l’aide de systèmes fabriqués avec précision : les bits quantiques, ou Q-bits. Ces systèmes permettraient de dépasser les limites des supercalculateurs classiques avec une puissance de calcul démultipliée sur certains algorithmes. Ainsi la modélisation et la simulation des propriétés chimiques et mécaniques de différentes molécules deviendraient possibles dans la recherche de nouveaux médicaments ou pour le développement de matériaux spécifiques. De nombreux développement deviendraient également accessibles pour l’apprentissage machine, ou le traitement de systèmes complexes tels que la gestion du trafic, les prédictions météorologiques, l’épidémiologie ou l’optimisation de réseaux d’énergie.

- La détection quantique

Les effets quantiques sont très sensibles à l’environnement et permettent de mettre au point des capteurs, ainsi que des mesures du temps et de l’espace d’une grande précision : horloges atomiques, accéléromètres (mesure de l’accélération) et gyromètres (mesure de la vitesse de rotation), magnétomètres (mesure de l’intensité ou de la direction d’un champ magnétique), etc. Les applications qui devraient en découler sont multiples et leurs technologies plus mâtures que celles du calcul quantique. Elles comprennent les systèmes de positionnement et de navigation de précision, des outils d’exploration des sous-sols par gravimétrie quantique, ou encore des dispositifs d’imagerie médicale à l’échelle nanoscopique pour des diagnostics précoces. L’Australie a développé au CSIRO le système LandTEM, magnétomètre portable pour la détection de dépôts de minerais souterrains, ainsi que le CryoClock, un chronomètre ultra-précis pour les communications ou l’informatique quantiques.

- La communication quantique

Les systèmes quantiques étant perturbés lors de leur mesure, toute interception extérieure perturbera le système et sera détectable. Ainsi, les propriétés quantiques ouvrent des possibilités pour sécuriser les communications en détectant avec certitude les intrusions. La technologie la plus aboutie est celle de la distribution de clé quantique de façon sécurisée, qui délivre la clé du code dans lequel un message est encrypté. Le développement d’un internet quantique qui relierait des capteurs ou des ordinateurs quantiques est également une technologie à explorer. Enfin, des algorithmes d’encryptage résistants au potentiel de décodage de l’informatique quantique deviendront nécessaires avec le développement des capacités du calcul quantique, pour protéger les systèmes non quantiques. L’Australie a développé dès 2006 des solutions de cyber sécurité au sein de la start-up QuintessenceLabs, et explore les technologies de réseaux quantiques optiques, ainsi que de cryptographie résistante au potentiel quantique.

Enfin, ce rapport souligne qu’une technologie quantique émergente devra s’accompagner du développement de technologies et de services adaptés, mais aussi de formations et de consultations auprès des différents chaînons du secteur.

Les recommandations du rapport

Le rapport du CSIRO propose 4 axes pour assurer le développement du secteur :

- 1. La définition et la coordination de l’effort de développement australien

La mise au point d’une stratégie nationale pour le secteur permettrait de mettre en œuvre les priorités à long termes définis, et de les évaluer à l’aide d’indicateurs. L’exploration de mécanismes de financement efficaces devrait aider à atteindre la commercialisation des technologies et la croissance du secteur. Le rapport recommande aussi de soutenir l’entrepreneuriat et les infrastructures de recherche du secteur.

- 2. La construction des capacités australiennes

L’Australie devra attirer, former et retenir les meilleurs talents du secteur, mais aussi établir une stratégie pour le développement et la croissance de sa main d’œuvre qualifiée. Elle devra également évaluer et soutenir les capacités industrielles et les infrastructures cruciales pour le développement du secteur. Des liens transversaux de recherche et de formation devront être créés avec les secteurs complémentaires des technologies quantiques, et les enjeux éthiques, sociaux ou environnementaux qui pourraient apparaître devraient être explorés.

- 3. La construction de collaborations locales et internationales

Le rapport recommande d’établir des liens de collaboration multidisciplinaires et multi-institutionnels, mais aussi de promouvoir les capacités nationales australiennes sur toute la chaîne du secteur, en particulier pour l’approvisionnement en matériaux critiques, et pour la définition de standards dans les applications quantiques.

- 4. La préparation à la génération quantique

Pour permettre une pénétration rapide des technologies quantiques, le rapport recommande une grande clarté concernant les régulations sur le commerce des technologies de défense, afin de rassurer les industries. Il encourage également les utilisateurs nationaux et gouvernementaux à s’impliquer dans l’écosystème quantique, et les universités à alléger leurs systèmes de gestion des droits de propriétés intellectuelles afin de favoriser collaboration, entrepreneuriat et commercialisation.

Les opportunités de collaboration avec la France et l’Europe, au travers par exemple du programme européen Flagship Quantum Technologies qui identifie les mêmes priorités pour la recherche européenne sur les technologies quantiques, sont nombreuses. La France participe en effet à de nombreux projets européens dans le domaine des technologies quantiques, tels que les projets CiViQ, QMiCS et SQuare, pour les communications sécurisées, ou les projets sur la simulation quantique (projets PhoQuS, Qombs et PASQuans), mais aussi le développement du calcul quantique (projet aQtion), ou enfin les capteurs quantiques (projet macQsimal).

Lire le rapport du CSIRO