À la découverte de la matière manquante de l’Univers

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Australie | Science de la terre, de l’univers et de l’environnement : énergie, transports, espace, environnement
26 juin 2020

Une équipe internationale de chercheurs de l’Université Curtin, à Perth en Australie, ont localisée la matière manquante de l’univers…

Nous connaissons approximativement la composition matière-énergie de l’Univers. Environ 68 % de l’Univers est constitué d’énergie noire et 27 % de matière noire. Les 5 % restants (en jaune sur le graphique) sont de la matière normale, ou baryonique, composée de particules appelés Baryons. Ce sont les particules qui constituent tout ce que nous pouvons voir, comme les protons et les neutrons qui composent les étoiles, les planètes, vous et moi.

Le rayonnement résiduel du Big Bang, le fond diffus cosmologique, nous permet de savoir quelle était la quantité de matière baryonique au début de l’Univers. Mais il y a quelques décennies, lorsque les astronomes ont commencé à comparer cette quantité à la matière baryonique qu’ils parvenaient à détecter, ils n’en ont trouvé que la moitié environ.

C’est cette matière manquante qu’une équipe internationale de chercheurs (comprenant des astronomes d’Australie, des États-Unis et du Chili) de l’Université Curtin, à Perth en Australie, ont localisée : depuis le début, elle se cachait dans l’espace intergalactique. L’article, intitulé ‘Les ondes radio rapides localisées complètent le recensement des baryons de l’Univers’ (Localized fast radio bursts complete the baryon census of the Universe) a été publié dans la revue Nature le 28 mai 2020. L’auteur principal, le professeur associé Jean-Pierre Macquart, du Centre international de recherche en radioastronomie (ICRAR) de l’Université Curtin, s’explique : “Cela fait plus de 30 ans que nous cherchons la matière manquante. L’espace intergalactique est très peu dense. La matière manquante équivalait à un ou deux atomes dans une pièce de la taille d’un bureau moyen. Il était donc très difficile de détecter cette matière en utilisant les techniques et les télescopes traditionnels”.

C’est la raison pour laquelle les chercheurs ont utilisé de puissantes ondes radio appelées FRB ou Fast Radio Burst (sursauts radio rapides), provenant de lointaines galaxies, afin de sonder l’espace entre les étoiles et de déceler où se cachait cette matière qui n’avait jamais été détectée jusqu’à présent. Le professeur J. Xavier Prochaska, de l’Université de Santa Cruz (Etats-Unis), co-auteur de l’article, a déclaré : "La découverte des FRB et leur localisation dans des galaxies lointaines ont été les percées clés nécessaires pour résoudre ce mystère".

Concrètement, les FRB sont de brefs éclairs d’énergie (sous forme d’ondes radio) extrêmement puissants qui semblent provenir de directions aléatoires des profondeurs de l’espace et qui ne durent que quelques millisecondes. Les chercheurs ne savent pas encore ce qui les provoque.

La plupart d’entre elles n’ont été détectées qu’une seule fois, elles sont donc extrêmement difficiles à prévoir et à localiser. Cependant les astronomes ont réussi à identifier une technique pour remonter jusqu’aux galaxies qui les émettent.

Le professeur associé Ryan Shannon, un autre co-auteur de l’Université de technologie de Swinburne (Australie), a souligné le rôle décisif du télescope utilisé, le radiotélescope ASKAP (Australian Square Kilometre Array Pathfinder) du CSIRO situé à l’observatoire de radioastronomie de Murchison, dans l’Outback de l’Australie occidentale. ASKAP est un précurseur du futur télescope Square Kilometre Array (SKA) : "ASKAP dispose d’un large champ de vision, environ 60 fois la taille de la pleine lune, et peut produire des images en haute résolution. Cela signifie que nous pouvons capturer les salves de FRB avec une relative facilité et ensuite localiser leurs galaxies hôtes avec une précision incroyable."

L’équipe de recherche a établi la relation entre la distance à laquelle se trouvait la source d’émission des FRB et la façon dont la rafale se propage lorsqu’elle traverse l’Univers : “Le rayonnement des FRB est étiré par la matière manquante de la même manière que les couleurs de la lumière du soleil sont séparées dans un prisme”.

En effet, les radiations quittent leur source sous la forme d’un faisceau compact sur l’ensemble du spectre radioélectrique. Mais lorsqu’il arrive, détecté par le télescope, le signal est étiré, certaines longueurs d’onde arrivent jusqu’à plusieurs fractions de milliseconde avant d’autres. Ce sont ces délais qui sont analysés pour calculer la quantité de matière traversée par le signal, à partir de la résistance due à la matière qui a engendré la dispersion des longueurs d’onde.

L’équipe n’aura eu besoin d’observer que six salves pour identifier la matière manquante. La densité mesurée est très proche des estimations réalisées sur la quantité de matière qui devait flotter autour de l’univers. Ce n’est pas une nouvelle anodine : les astronomes sont convaincus que les endroits où la matière manquante est la plus concentrée, notamment autour des galaxies, pourraient leur fournir des informations essentielles et aider à mieux comprendre comment l’Univers a évolué au fil des années.

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