Table ronde sur le futur de la bioéconomie à Berlin
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3 juillet 2015
L’entreprise BIOCOM AG a organisé le 24 juin 2015 une table ronde dans les locaux de la fondation Konrad Adenauer à Berlin sur la thématique : "Bioéconomie : révolution industrielle ou impasse ?", avec la participation de : M. Franz-Theo Gottwald, auteur d’un ouvrage polémique en Allemagne, "Impasse bioéconomie" [1] ; M. Holger Zinke, président de l’entreprise de biotechnologies blanches Brain AG ; Mme Martina Fleckenstein de l’association WWF Allemagne et M. Ralf Fücks de la fondation Heinrich-Böll (fondation affiliée au parti vert allemand).
La soirée s’est entamée par une présentation de la place de la bioéconomie en Allemagne. Définie comme "la production et l’utilisation de ressources biologiques selon une approche scientifique pour proposer de manière durable des produits, des procédés et des services dans tous les secteurs de l’économie" [2], elle représente 12,5% des emplois allemands et 7,6% du PIB. La vision de la bioéconomie a beaucoup évolué en 10 ans : en 2005, celle-ci était considérée comme une solution au problème de la raréfaction des ressources pétrolières ; aujourd’hui que les ressources fossiles sont connues comme étant trop abondantes par rapport aux objectifs de limitation du réchauffement planétaire à 2°C, elle est perçue comme une voie innovante pour entrer dans l’ère de l’économie circulaire et décarbonée.
Difficultés de la bioéconomie
Selon les intervenants, la bioéconomie s’est récemment discréditée en Allemagne, malgré un soutien gouvernemental fort, du fait de deux thèmes. D’une part les OGM qui sont autorisés dans l’agriculture et dans les magasins malgré une opposition forte de l’opinion. D’autre part le débat "Tank-oder-Teller" (littéralement, "réservoir ou assiette"), qui a sévèrement critiqué le développement des cultures énergétiques au détriment de l’agriculture nourricière, ce qui a conduit à un coup d’arrêt du développement des biocarburants de première génération. Ces débats ont été particulièrement ravageurs du fait du manque de transparence du secteur. En effet, les critères de durabilité ont été insuffisamment pris en compte au début pour les biocarburants 1G, ce qui a précipité leur désaveu par l’opinion.
Sur le plan de la commercialisation des produits, la bioéconomie souffrirait aussi de problèmes de ciblage des consommateurs. Un étiquetage adapté et des produits plus orientés vers des marchés spécifiques permettraient de séduire des groupes de consommateurs désireux d’avoir des produits respectueux de l’environnement. Par ailleurs, la bioéconomie doit aussi impliquer des circuits de distributions plus courts, régionaux et sur lesquels les revendeurs devraient insister davantage.
Un nouvel élan ?
Malgré les difficultés, des succès sont à prévoir prochainement dans le domaine de la chimie : les avancées dans le domaine des bioraffineries proposant des composés chimiques de substitution aux ressources fossiles permettent d’envisager la rentabilité à court-terme, même avec un prix du baril de pétrole faible. Dans le domaine des biocarburants 2G (produits à partir de biomasse non-alimentaire), plusieurs usines géantes sont en cours de construction à travers le monde, et n’ont pas été arrêtées par la chute du cours du pétrole, ce qui laisse augurer de leur rentabilité. En Finlande, la bioéconomie (principalement basée sur le bois) représente déjà une grande partie des exportations. En Allemagne, le Cluster de pointe "Bioeconomy" est parvenu à mobiliser d’importantes ressources en hêtre jusque-là inexploitées, et est capable de proposer de nouvelles utilisations du bois pour exploiter au mieux ces ressources.
[1] "Irrweg Bioökonomie" d’Anita Krätzer et Franz-Theo Gottwald aux éditions Unseld.
[2] Définition du haut conseil allemand à la bioéconomie. Voir (en allemand) : https://www.biooekonomierat.de/
Source : Présence du rédacteur à la conférence (24/06/2015, Fondation Konrad Adenauer, Berlin).
Rédacteur : Sean Vavasseur, sean.vavasseur[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr