La France à l’initiative face à la désinformation

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Si l’espace numérique semble abolir les frontières, il est devenu, notamment sous l’action d’acteurs hostiles, un nouveau théâtre d’affrontements invisibles : celui des perceptions. La France, (deuxième pays le plus ciblé après l’Ukraine en Europe en 2024) est une cible majeure des manipulations et des ingérences numériques étrangères. Sur notre propre sol, nos adversaires avancent masqués pour manipuler le débat public, interférer dans nos processus démocratiques et diviser la société. À l’étranger, ces compétiteurs orchestrent des campagnes d’influence massives, qui mêlent désinformation, falsification et détournement du réel avec un objectif : nuire à l’image de notre pays et brouiller sa politique étrangère. Ces efforts fragilisent la sécurité de nos agents diplomatiques, désorientent nos citoyens, brouillent nos messages et entravent l’action de la France sur la scène internationale.

En 2018, le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE) publiait un rapport du Centre d’Analyse de la Prévision et de la Stratégie (CAPS) et de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) sur les manipulations de l’information.

Depuis lors, le MEAE a renforcée ses moyens pour analyser les dynamiques et agir dans le champ informationnel. L’objectif ? Défendre les citoyens français, l’intégrité de l’information et notre modèle démocratique.

1. La désinformation comme enjeu de politique étrangère

La France défend un ordre multilatéral basé sur des règles au service de la souveraineté des États, de la résolution pacifique des conflits et de la préservation des biens publics mondiaux. Notre pays est directement attaqué parce qu’il fait entendre sa voix et défend cette conception singulière des relations internationales. Il fait face à des attaques informationnelles ciblées, qui visent à discréditer ce modèle et à fragmenter le champ des perceptions.

La France porte à tous les niveaux, en particulier au niveau européen les réglementations les plus exigeantes. Deux textes majeurs ont été adoptés pendant la Présidence française de l’Union européenne de 2022 : le règlement sur les services numériques (DSA, Digital Services Act) et le règlement sur les marchés numériques (DMA, Digital Markets Act). Le DSA responsabilise les plateformes pour protéger l’intégrité de l’information en faisant le constat que l’autorégulation des plateformes du numérique ne fonctionne pas. Le DMA a pour objectif de garantir des marchés numériques plus équitables et ouverts en imposant de nouvelles obligations aux plateformes numériques.

Les manœuvres informationnelles sont devenues un levier de politique étrangère à part entière de la part de nos compétiteurs.

2. Des moyens en faveur d’un environnement informationnel transparent

En 2018, le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE) publiait un rapport du Centre d’Analyse de la Prévision et de la Stratégie (CAPS) et de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) dédié aux manipulations de l’information.

[EXTRAIT]

Les manipulations de l’information ne sont pas un phénomène nouveau. Leur actualité récente est liée à la combinaison de deux facteurs : d’une part, les capacités inédites de diffusion rapide et de viralité offertes par internet et les réseaux sociaux, couplées, d’autre part, à la crise de confiance que vivent nos démocraties et qui dévalue la parole publique allant jusqu’à relativiser la notion même de vérité.

Les élections américaines de 2016 et française de 2017 ont jeté une lumière crue sur ce phénomène, ses ressorts et ses conséquences. Pour autant, l’impact des manipulations de l’information, dans certains cas leur existence même, sont parfois remis en cause.

Ne sommes-nous pas dans le cadre du débat démocratique, dont les excès peuvent être corrigés par la législation en vigueur ? L’accent mis par un certain nombre de gouvernements sur les « fausses nouvelles » n’est-il pas un moyen commode de se dédouaner ou de pointer du doigt de prétendus ennemis de la démocratie, y compris extérieurs, afin de consolider sa propre position politique ?

Alerter, riposter, influencer et protéger » : les missions du MEAE dans le champ informationnel se sont adaptées aux nouvelles réalités. Le Ministère se mobilise en faveur d’un espace informationnel intègre et transparent et le débat démocratique.

(i) Occuper l’espace

La France c’est :

  • Le 3ème réseau diplomatique mondial – 163 ambassades, 208 consulats, 101 Instituts français
  • 11 841 025 followers multiplateformes sur les comptes des ambassades ainsi que francediplo.

(ii) Rétablir les faits

Que cela soit depuis Paris ou via ses ambassades, la diplomatie française n’hésite pas à se mobiliser pour répondre aux attaques informationnelles visant notre pays partout dans le monde afin de rétablir les faits et protéger ses intérêts.

France en Afrique du Sud

France Diplomatie

France en Mexique

(iii) Protéger les voix qui agissent pour un environnement informationnel sain

Le journalisme subit la concurrence directe de contenus manipulatoires et préjudiciables qui prolifèrent dans l’espace en ligne : propagande, manipulation de l’information. Les journalistes sont emprisonnés, les médias indépendants subissent des pressions, les citoyens ciblés par des campagnes de désinformation.

Dans ce contexte, le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères soutient les écosystèmes médiatiques à travers le monde pour fournir aux acteurs locaux les moyens de contrer par eux-mêmes les manipulations de l’information.

La France est le 1er pays à s’être doté d’une stratégie pour préserver la liberté de la presse et maintenir une pluralité de médias indépendants nécessaire à la démocratie, objectif prioritaire de la politique étrangère.

Le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères mène des actions sur le long terme dans une logique de prévention face aux manipulations de l’information pour :

  • Former des journalistes et des fact-checkers (principalement via l’action structurante de l’agence française de coopération médias, Canal France International) ;
  • Renforcer la protection des journalistes et des médias en exil ;
  • Soutenir l’audiovisuel public extérieur et les médias indépendants d’intérêt public ;
  • Conforter notre plaidoyer au sein des enceintes multilatérales prescriptrices, notamment en faveur de la régulation des plateformes
  • Encourager l’éducation aux médias et à l’information ;

Dans les faits, le MEAE s’est dotée d’une feuille de route qui présente un bilan encourageant :

  • 2000 journalistes formés pour mieux contrer les manipulations de l’information (depuis 2023) ;
  • 55 pays réunis au sein du Partenariat pour l’information et la démocratie, accord intergouvernemental à l’initiative de la France et de Reporters Sans Frontières pour promouvoir et mettre en œuvre des principes démocratiques dans l’espace global de l’information et de la communication ;
  • 100 médias soutenus financièrement dans plus de 30 pays par le Fonds international pour les médias d’intérêt public (IFPIM), auquel la France a contribué à hauteur de 14.5 M€ depuis 2022 ;
  • 2 hubs pour accueillir une centaine de journalistes en exil à Paris et à Bucarest (Roumanie) et leur permettre de nous informer malgré les contextes de crises et les conflits ;
  • 1700 médias dans 85 pays engagés dans un processus de certification transparent via la Journalism Trust Inititative, pour faciliter l’accès à une information fiable respectant les principes d’un journalisme éthique et professionnel ;
  • France Médias Monde, groupe de l’audiovisuel extérieur de la France remplit des missions de service public international. Au quotidien les chaînes France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya, garantissent une information certifiée, honnête et équilibrée suivies par 254 millions d’auditeurs chaque semaine sur les 5 continents en 21 langues afin de lutter contre toutes les formes d’infox : rumeurs, propagande, manipulations.

Quelques exemples :

Lancé en 2022 le projet Yak Vdoma (« comme à la maison » en ukrainien), mis en place conjointement par France Médias Monde (FMM) et CFI, a permis d’apporter un soutien à plus de 40 journalistes ukrainiens afin d’assurer leur sécurité et celle de leur famille, ainsi qu’un environnement favorable pour continuer à couvrir le conflit de manière indépendante et sûre. Pour en savoir plus : https://cfi.fr/fr/projet/yak-vdoma

Le projet Voix en Exil(2024–2027), mené en partenariat avec RSF, SINGA et la Maison des journalistes, vise à faire de la France une terre d’accueil pour ces professionnels. Le programme propose un soutien global : aide à l’installation, accès à des espaces de travail, renforcement de compétences et accompagnement à la création de projets ou de nouveaux médias. Pour en savoir plus : https://voixenexil.substack.com/p/l...

(iv) Mobiliser le droit international et nos partenaires

Au niveau européen et international, auprès de ses partenaires et de multiples enceintes multilatérales, la France agit pour :

  • La pleine mise en œuvre des textes assurant la liberté de la presse, l’indépendance des médias et des journalistes, la sauvegarde de financements stables pour les médias publics et la régulation des plateformes, à l’image, au niveau de l’UE, du règlement sur les services numériques (DSA).
  • La mise sous sanctions d’acteurs et d’entités étrangères qui utilisent la désinformation comme une arme (ex : RRN/Doppelganger) via un régime de sanctions dédié
  • La défense de l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, relatif à la liberté d’expression.

La France se mobilise avec ses partenaires pour lutter contre les manipulations de l’information au sein de plusieurs formats multilatéraux, notamment le triangle de Weimar (Allemagne, Pologne, France). Partage d’analyse, dénonciations communes, mises sous sanctions : une communauté internationale de lutte contre la désinformation agit pour préserver l’intégrité de l’espace informationnel.

Mobiliser ses agents, et les citoyens français

Depuis le 10 novembre 2022, « l’influence » a été érigée par le Président de la République comme le sixième pilier de la Stratégie de défense et de sécurité nationale française. Les cinq autres piliers sont la dissuasion, la prévention, la protection, l’intervention et la connaissance/anticipation.

C’est dans ce contexte qu’a été créée la sous-direction « veille et stratégie » au sein de la Direction communication et presse (DCP) du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).

La sous-direction veille et stratégie (VS) est active depuis novembre 2022 et poursuit plusieurs missions : analyser le champ informationnel (audiovisuel, presse, RS), riposter aux manipulations de l’information, moderniser la communication du MEAE et des ambassades en s’adaptant aux nouveaux usages (apparition de nouveaux médias, importance des réseaux sociaux…) et développer des partenariats interministériels et internationaux (SEAE, OTAN, G7, OCDE) comme avec la société civile (ONG, organismes de recherche).

Par ailleurs, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a lancé officiellement la réserve diplomatique citoyenne avec un 1er contingent expérimental composé de 200 volontaires.

La réserve diplomatique citoyenne en 3 informations-clefs  :

  • Lancée en juin 2025,
  • Elle intervient dans trois domaines : l’expertise au profit du MEAE, le plaidoyer ou l’influence, l’action concrète au profit de la politique étrangère,
  • Juridiquement, elle constitue une réserve thématique de la réserve civique.