Signature du premier contrat à impact de développement français destiné à soutenir la gestion de l’hygiène menstruelle en Ethiopie (28 janvier 2022)

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Le 28 janvier, le premier contrat à impact de développement (CID) [1] français, dédié à l’amélioration de la santé et de la gestion de l’hygiène menstruelle en Ethiopie, a été signé à Paris par les parties impliquées dans sa structuration : CARE France, qui déploiera le programme d’intervention avec un consortium d’ONG ; BNP Paribas, qui pré-financera le programme ; et l’Agence française de développement qui, avec l’appui du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, sera le payeur final.

Cet instrument de financement innovant liant secteur public et privé, d’un montant de 3 millions d’euros sur trois ans, contribuera à financer des projets liés à l’autonomisation des femmes visée par l’objectif de développement durable n°5. Labellisé Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), le programme soutiendra des organisations de la société civile éthiopienne.

La signature de ce contrat à impact de développement concrétise l’annonce faite par le Président de la République en juillet 2019 lors d’une conférence internationale, co-organisée par la présidence française du G7 et l’UNESCO, sur l’innovation pour l’éducation des filles, et repris dans le Plan d’action du partenariat pour le Sahel adopté par les chefs d’Etat du G7.

Le choix de cet instrument financier, autour d’un sujet encore tabou, s’inscrit dans une ambition politique forte de la France en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes en Afrique, et de la construction d’une expertise française sur des solutions innovantes de financement du développement.

1. Une réponse aux enjeux de santé, d’accès à l’eau et à l’assainissement, d’éducation et d’autonomisation des femmes en Afrique

Cause de stigmatisation de nombreuses jeunes filles et femmes et facteur important de leur déscolarisation, le manque de solution pour la gestion de l’hygiène menstruelle est à la croisée des enjeux de santé, de droits et santé sexuels et reproductifs, d’accès à l’eau et l’assainissement, d’éducation et d’autonomisation des adolescentes. En Éthiopie, 70% des jeunes filles n’ont par exemple jamais entendu parler des menstruations quand arrivent leurs premières règles, et 25% de celles vivant en zone rurale déclarent ne pas utiliser de protection menstruelle. L’accès à des produits d’hygiène menstruels abordables et de qualité, ou encore à des infrastructures adaptées, fait largement défaut dans le pays. L’hygiène menstruelle, et l’ensemble de normes sociales et de comportements culturels qui l’entoure, est un sujet essentiel à traiter pour encourager l’autonomisation des femmes.

Le programme d’intervention holistique, qui sera mis en œuvre dans la ville secondaire d’Adama et sa périphérie, en région Oromia, en Éthiopie, vise à accompagner les changements des pratiques et représentations autour de gestion de l’hygiène menstruelle et d’engager une transformation en faveur de l’égalité des genres.

Il est axé sur trois piliers :

  • plaidoyer et sensibilisation autour des enjeux de la gestion de l’hygiène menstruelle, afin de promouvoir les bonnes pratiques par une communication de masse, une sensibilisation ciblée, et un plaidoyer auprès des autorités locales pour harmoniser les actions existantes et mieux intégrer la gestion de l’hygiène menstruelle dans les politiques publiques ;
  • disponibilité des produits hygiéniques adaptés, par la production (nationale) et la distribution de ces produits afin de favoriser l’émergence d’un marché local durable par la création d’une demande et d’une offre continues ;
  • accès, dans les écoles, à des infrastructures sanitaires adaptées, par leur construction et leur maintenance (rénovation de toilettes et du système d’approvisionnement en eau, mise en place de salles de repos).

L’objectif est de sensibiliser les femmes et les jeunes filles, mais aussi les hommes et les garçons, c’est-à-dire la communauté dans son ensemble. Au total, 325 000 personnes seront sensibilisées par l’intervention, 95 000 élèves gagneront un accès amélioré à l’eau et l’assainissement, et 50 000 jeunes filles recevront une subvention pour l’achat de produits d’hygiène de qualité. Des campagnes de sensibilisation se feront dans les écoles mais aussi dans les universités, les cliniques, les usines du parc industriel de la ville ainsi que dans les communautés les plus vulnérables de sa périphérie.

2. Un financement innovant entre secteurs public et privé en faveur des objectifs de développement durable

L’ONG CARE France portera ce programme pilote, en collaboration avec CARE Éthiopie et ProPride, une ONG locale engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion des droits des femmes.

Ce programme sera préfinancé par BNP Paribas, investisseur qui porte le risque d’échec de l’expérimentation. Des seuils de rémunération de l’investisseur ont été définis en fonction de l’atteinte d’objectifs d’impact. Si l’évaluation finale de ce projet, réalisée par un expert indépendant, confirme l’atteinte des objectifs, l’investisseur sera remboursé par l’AFD, qui est le payeur final, à hauteur du capital investi et d’une prime. En cas de non atteinte des objectifs, BNP Paribas pourrait perdre la totalité du capital investi.

La mise en place de ce premier contrat à impact de développement par la France répond à une dynamique d’innovation financière soutenant l’investissement à impact comme levier de financement des objectifs de développement durable. Ce CID permettra de contribuer davantage à l’élaboration des standards de l’investissement d’impact dans une démarche partenariale.

Elle s’inscrit également dans une démarche partenariale renouvelée, liant les secteurs public et privé ainsi que la société civile, au service du financement du développement, en écho aux priorités portées par la Loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

[1] Le CID - adaptation des contrats à impact social (CIS) aux spécificités du développement - est un instrument innovant et encore rare (une dizaine de CID dans le monde). Par ce dispositif financier, des investisseurs pré-financent une action de prévention innovante et à fort impact développemental et, à l’issue du programme d’action, en cas d’atteinte des résultats définis en amont, le payeur aux résultats (ici, le bailleur) rembourse les investisseurs, avec un possible rendement.