L’Aide alimentaire programmée : un outil dédié pour répondre à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère et renforcer la résilience
La récurrence des crises alimentaires (ou situations d’insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère) dans le monde a mis en exergue la nécessité de faire évoluer la réflexion autour de l’urgence et du développement, en décloisonnant ces approches respectives. Partant du constat que l’aide humanitaire qui permet de surmonter une crise de façon ponctuelle prépare rarement les populations aux crises futures, l’appui à la résilience des populations vulnérables entend traiter la question de la sécurité alimentaire de manière plus intégrée et durable, en complément des interventions d’urgence. L’Aide alimentaire programmée (AAP) s’inscrit pleinement dans ce cadre, en application des normes internationales fixées par la Convention de Londres relative à l’assistance alimentaire. A l’interface entre humanitaire et développement, l’AAP occupe une place intermédiaire, en finançant des projets d’assistance alimentaire visant principalement les populations en situation d’insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère et chronique (plutôt qu’une réponse à une crise immédiate, liée par exemple à une catastrophe naturelle), et favorisant leur retour à l’autonomie.
Principes généraux de l’Aide alimentaire programmée
L’Aide alimentaire programmée (AAP) est un levier majeur au service de la Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable (2019-2024). L’AAP est l’instrument français de réponse aux situations d’insécurité alimentaire et nutritionnelle sévère et chronique, qui se sont accrues dans le monde depuis plusieurs années (aggravées par ailleurs par les effets de la pandémie de Covid-19 puis par l’agression de l’Ukraine par la Russie). Dans ce contexte, les financements consacrés à l’AAP ont fortement augmenté depuis 2018 (33,5 M€), pour atteindre 140,4 M€ en 2022. L’AAP vise à allouer au moins la moitié de ses fonds aux pays prioritaires pour l’Aide publique au développement de la France, tel que définis par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en février 2018.
les aléas climatiques, comme le Sahel ou la Corne de l’Afrique, ou bien dans des contextes de fragilité prolongée due aux conflits, comme au Yémen ou en Syrie par exemple. Elle s’inscrit dans un cadre international bien défini : la Convention de Londres relative à l’assistance alimentaire, ratifiée par la France en 2017. Cette convention contribue notamment à faire évoluer les pratiques vers des réponses plus ciblées sur les besoins, en élargissant par exemple la palette des interventions éligibles afin de prendre en compte, au-delà de l’aide alimentaire en nature, la diversité des outils existants, qui peuvent s’avérer plus efficaces et mieux adaptés : transferts monétaires, bons d’achats, dépistage et traitement de la malnutrition, formations aux bonnes pratiques agricoles, nutritionnelles ou à la diversification alimentaire, soutien aux cantines scolaires, distributions d’intrants agricoles (outils, semences…), interventions vétérinaires… Les achats d’aliments sur les marchés locaux ou régionaux sont encouragés et l’écoulement des surplus agricoles est proscrit pour ne pas déstabiliser les marchés locaux. Ces modes d’actions visent à favoriser la résilience des populations vulnérables par une reprise de l’activité locale de production et de commercialisation.
Conformément à la Stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable (2019-2024), au moins 50% des financements d’AAP appuient des projets consacrés à la lutte contre la sous-nutrition, avec un focus sur la période dite des "1 000 jours » (de la conception à l’âge de deux ans), cruciale pour le développement cognitif et physique des enfants).
L’AAP finance par ailleurs des projets d’alimentation scolaire dans les pays en situation d’insécurité alimentaire, priorité d’action aux nombreux co-bénéfices notamment en matière de fréquentation scolaire et de maintien des filles à l’école (la France co-présidant la Coalition mondiale pour l’alimentation scolaire initiée par le Programme alimentaire mondial (PAM), dont elle accueillera la première réunion mondiale à Paris en octobre 2023). Enfin, les projets financés par l’AAP soutiennent l’égalité de genre, conformément à la loi de programmation relative au développement et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 (plus de 80% des projets intègrent cette dimension).
Le choix des projets par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec l’appui de ses ambassades, s’effectue sur la base d’un état de la situation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les pays concernés, et intègrent des dimensions importantes de notre approche de développement : nutrition, résilience, alimentation scolaire, prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques, appui aux petits producteurs locaux et à l’emploi décent des jeunes, tout en portant une attention transversale à la question du genre.
L’Aide alimentaire programmée française en 2022
Déjà observée depuis 2014, la dégradation de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde a été accentuée par les effets socio-économiques de la pandémie de Covid-19, puis par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses conséquences sur les marchés agricoles mondiaux.
Les conflits/l’insécurité, les chocs économiques et les conditions climatiques extrêmes, notamment liées au changement climatique, restent les trois déterminants principaux des situations de « crises alimentaires ».
En 2022, le budget total de l’AAP, géré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères avec l’appui du Comité interministériel de l’aide alimentaire (CIAA), s’est élevé à 140,4 M€.
Ces crédits ont permis de financer 118 interventions ciblant un peu plus de 5,4 millions de bénéficiaires directs dans 47 pays (contre 37 pays servis en 2021).
Plus de 66% de cette aide a bénéficié à l’Afrique. Les pays du G5 Sahel se sont vu allouer 24,82% des crédits. Viennent ensuite les zones Afrique du Nord/Moyen-Orient (14,75%), Asie (7,30%), Amériques/Caraïbes (6,07%) et Europe continentale (5,70%).
En Afrique, une attention particulière a notamment été portée au Sahel et à l’Afrique de l’Ouest, où l’insécurité alimentaire et la malnutrition ont une nouvelle fois progressé, ainsi qu’à la Corne de l’Afrique, touchée par plusieurs sécheresses successives.
L’Afrique de l’Ouest s’est vue attribuer 37,5 M€, principalement au bénéfice du Niger (9,9 M€), du Burkina Faso (9,27 M€) et du Mali (6,5 M€). Le Nigeria (4,2 M€), la Mauritanie (2,9 M€) et le Sénégal (1,5 M€) ont également été appuyés. La Guinée (0,75 M€), la Côte d’Ivoire (0,5 M€), la Gambie (0,5 M€), le Liberia (0,5 M€), la Sierra Leone (0,5 M€) et le Togo (0,5 M€) viennent également compléter ce tableau.
En Afrique orientale (27,6 M€), la situation en Éthiopie a nécessité un effort important (11 M€), de même qu’en Somalie (5 M€) et au Soudan du Sud (4,5 M€). Le Soudan (2,25 M€), le Kenya (1,7 M€), Djibouti (1,35 M€), le Burundi (1,3 M€), et l’Ouganda (0,5 M€) ont également bénéficié de financements d’AAP.
En Afrique centrale (21,5 M€), la République démocratique du Congo est le premier récipiendaire des crédits (8 M€), suivie du Tchad (6,25 M€), de la République centrafricaine (5,5 M€), du Cameroun (1,25 M€) et de l’Angola (0,5 M€).
En Afrique australe, Madagascar a bénéficié de 4,75 M€, le Mozambique de 1 M€, et le Zimbabwe de 0,5 M€ — soit 6,25 M€ pour la région.
Sur la zone Afrique du Nord/Moyen-Orient (20,7 M€), l’effort a principalement porté sur le Yémen (6,2 M€). En ce qui concerne les pays affectés par la crise syrienne, le Liban et la Syrie ont été servis à hauteur de 5 M€ chacun, la Jordanie bénéficiant par ailleurs de 1,5 M€. La France reste également engagée dans les Territoires palestiniens, avec une aide de 2 M€ en 2022. L’Algérie (0,5 M€ ; projet du PAM dans les camps sahraouis) et l’Irak (0,5 M€) ont également bénéficié de crédits d’AAP.
En Asie, les financements d’AAP ont été mobilisés à hauteur de 10,25 M€, dont 5,5 M€ pour l’Afghanistan. La Birmanie (1,5 M€) et le Bangladesh (1,25 M€) ont également fait l’objet d’un appui, en lien notamment avec la crise des Rohingyas. Figurant parmi les huit pays prioritaires de la Feuille de route nutrition de la France, le Laos a bénéficié de 0,5 M€. Les inondations au Pakistan (1 M€) et la crise traversée par le Sri Lanka (0,5 M€) ont également justifié d’un appui.
Sur la zone Amériques/Caraïbes (8,5 M€), cinq pays ont été attributaires de financements d’AAP : Haïti, au tout premier chef (5,25 M€), suivi du Venezuela (1 765 000 €), de la Colombie (0,5 M€), de Cuba (0,5 M€) et du Honduras (0,5 M€).
Enfin, et pour ce qui concerne l’Europe continentale, 8 M€ ont été alloués à l’Ukraine, en veillant à prévenir tout effet d’éviction aux dépens des autres foyers d’insécurité alimentaire sévère dans le monde.
Le premier opérateur de l’AAP reste le Programme alimentaire mondial (PAM), avec 85 M€ en 2022. Viennent ensuite, par ordre de financements décroissants, le CICR, Action contre la Faim (ACF), Solidarités International (SI), l’UNICEF, la FAO et l’UNRWA [1], notamment. Au total, les organisations internationales bénéficient de plus de 70% des crédits d’AAP en 2022 ; les organisations de la société civile (CICR et ONG) de 29%.
Mise à jour : avril 2023
[1] Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient