Déclaration à la presse de Jean-Noël Barrot à l’issue de la réunion ministérielle sur le plan de paix américain pour Gaza (Paris, 9 octobre 2025)
Bonsoir à toutes et tous,
Deux ans, presque jour pour jour, après le terrible massacre antisémite du 7 octobre 2023 ; deux ans, presque jour pour jour, après le déclenchement des opérations militaires israéliennes, un accord de cessez-le-feu a été trouvé entre Israël et le Hamas à Charm el-Cheikh pour mettre fin à la guerre de Gaza, l’une des plus grandes tragédies de notre temps, grâce aux efforts menés par le président Trump et l’administration américaine, et grâce aux efforts de médiation du Qatar, de l’Égypte et de la Turquie. C’est un immense soulagement.
En ces heures historiques, nous pensons aux victimes, à toutes les victimes israéliennes et palestiniennes de ce conflit dévastateur.
Nous pensons aux victimes israéliennes du 7 octobre, parmi lesquelles 51 de nos compatriotes, auxquels j’ai rendu hommage ici même, mardi dernier, au Quai d’Orsay.
Nous pensons aux otages, qui vont enfin sortir de l’enfer noir des tunnels du Hamas et pouvoir retrouver leurs proches.
Nous pensons aux dizaines de milliers de victimes civiles palestiniennes et à toute la population de Gaza, bombardées, déplacées, affamées, dont le calvaire va enfin prendre fin.
Je veux donc commencer par dire que cet accord de cessez-le-feu, que nous saluons, qui prévoit la fin des combats, la libération de tous les otages et l’entrée massive de l’aide humanitaire à Gaza, est le fruit des efforts conjugués de la communauté internationale, au premier rang de laquelle les États-Unis d’Amérique et le président Donald Trump, dont le plan de paix pour Gaza a permis cette percée décisive. Je voudrais une nouvelle fois saluer les médiateurs qui ont permis d’aboutir à cette conclusion.
Un cessez-le-feu, ce n’est pas encore une paix durable. C’est la première étape d’un long chemin vers une solution politique qui garantira la sécurité d’Israël, tout en reconnaissant les droits légitimes des Palestiniens à un État.
C’est pour mettre en œuvre cette solution que nous nous sommes rassemblés aujourd’hui à Paris, quelques heures après l’accord de cessez-le-feu : pour montrer notre volonté de faire réussir le plan de paix du président Trump. Comme nous l’avions fait à New York, nous avons réuni autour du Président de la République mes homologues des principaux partenaires européens, la haute représentante, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les pays arabes, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, ainsi que la Turquie, l’Indonésie, le Pakistan et le Canada. Je rendrai compte des résultats de cette rencontre à mon homologue américain Marco Rubio, que j’aurai au téléphone prochainement.
Ensemble, nous avons évoqué les principaux paramètres du jour d’après à Gaza, tels que définis par le plan de paix américain. Et ce qui ressort de ces échanges, aujourd’hui à Paris, c’est d’abord un soutien unanime aux efforts menés par le président Trump pour un cessez-le-feu, la libération des otages et préparer les conditions d’une paix durable au Proche-Orient. C’est la reconnaissance exprimée par tous aux efforts de médiation emmenés par le Qatar, l’Égypte et la Turquie.
Et c’est ensuite la volonté de voir aboutir cette première phase du plan de paix, qui consiste à la cessation des hostilités et à la libération des otages du Hamas, tout en maintenant une attention particulière sur les phases suivantes, à commencer par la phase deux, qui va mobiliser l’énergie de toutes les parties prenantes ; sans perdre de vue qu’à l’horizon doit se dessiner une solution politique telle qu’elle a été décrite dans la déclaration de New York, qui a abouti, lors de la conférence des 28 et 29 juillet dernier à New York et qui a fait l’objet d’une résolution adoptée à l’écrasante majorité des pays du monde à l’Assemblée générale des Nations unies le 12 septembre dernier.
Une volonté de coordonner les efforts que les uns et les autres souhaitent consentir avec les États-Unis d’Amérique, et en particulier dans les prochains jours et les prochaines semaines, l’effort en matière d’aide humanitaire et l’effort pour que puisse voir le jour cette force internationale de sécurité qui prendra le relais et qui va permettre d’assurer la sécurité des Palestiniens, mais aussi la sécurité des Israéliens et faciliter, si je puis dire, ou en tout cas être concomitante avec le retrait des forces israéliennes prévues par le plan du président Trump de Gaza.
Au-delà de ça, nous avons évoqué chacun des trois grands chantiers auxquels nous comptons bien contribuer : le chantier de la sécurité, le chantier de la gouvernance et le chantier de la reconstruction et de l’aide humanitaire. Sur chacun de ces chantiers ont été identifiées des contributions que chacun des pays participant à cette réunion entendent apporter. Et puis des éléments facilitants qui ont été identifiés et dont nous allons faire part aux États-Unis, pour qu’ils puissent les intégrer eux-mêmes dans l’effort qu’ils sont en train de mener.
Je voudrais enfin faire une dernière remarque. Comme le 16 avril dernier, quand la France avait rassemblé pour la première fois les Ukrainiens, les Européens et les Américains, c’est aujourd’hui à Paris que se réunissent tous ceux qui souhaitent faire réussir les efforts de paix et de stabilisation à Gaza. Malgré les turbulences de notre vie politique intérieure, cela témoigne de la vigueur de la diplomatie française, qui a de nouveau démontré aujourd’hui sa capacité à faire converger les efforts de la communauté internationale au service de la paix.
Je suis à votre disposition pour quelques questions si vous le souhaitez.
Q - Comment allez-vous vous assurer que le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, respecte ce cessez-le-feu alors qu’il en a déjà violé un précédemment, comment allez-vous vous assurer qu’il ne trouve pas une excuse pour le violer également ?
R - Toute l’intuition qui a été la nôtre avec nos partenaires saoudiens depuis un an en concevant cette initiative qui a abouti le 22 septembre à l’Assemblée générale des Nations unies, au moment où la France, par la voix du président de la République, a pris la décision capitale de reconnaître l’État de Palestine, cette intuition repose sur l’idée que pour qu’un cessez-le-feu soit pérenne, il faut un consensus sur l’immédiate après-guerre, c’est-à-dire ce qu’il se passe après la cessation des hostilités et la libération des otages. Et pour qu’un consensus se forme sur l’immédiate après-guerre, ce que l’on appelle le « jour d’après » la guerre, il faut un horizon politique dans lequel chacun puisse se retrouver. Et c’est cette même intuition que l’on retrouve dans le plan de paix présenté par le président des États-Unis il y a quelques jours. Et donc, contrairement aux tentatives précédentes qui avaient abouti à un cessez-le-feu, mais qui a été interrompu après quelques semaines, cette fois-ci, nous partons d’un plan qui part du cessez-le-feu, de la libération des otages, et qui va, si je puis dire, jusqu’à l’horizon politique qui est une condition nécessaire de l’implication pleine et entière de l’ensemble des parties prenantes et notamment des pays arabes. Je crois que nous sommes aujourd’hui dans une configuration très différente et c’est la raison pour laquelle vous avez, autour de ce plan de paix du président Trump, une volonté très largement partagée, de le faire réussir.
Q - Monsieur le Président de la République a dit dans son discours d’ouverture que la trêve reste fragile. On voit en Israël les oppositions diverses, comment ceux qui ont participé à cette réunion, les pays arabes de la région, vous, la France, l’Union européenne, vous allez faire en sorte que cette trêve puisse être maintenue jusqu’à la deuxième étape ?
R - En versant aux efforts menés par les États-Unis d’Amérique des contributions concrètes qui vont permettre d’assurer le succès de ce plan de paix. Prenez l’aide humanitaire par exemple, l’Union européenne et ses États membres vont, pour certains d’entre eux, accroître l’aide qu’ils apportent, développer un certain nombre d’initiatives dès lors que Gaza se réouvrira à l’aide humanitaire. Vous prenez le chantier de la gouvernance, là encore un certain nombre de pays vont apporter une expertise technique, si toutefois elle est souhaitée, pour que les comités prévus par le plan Trump puissent fonctionner et être dotés d’expertise. Vous prenez la question de la sécurité, là encore, je prends l’Union européenne avec ses deux missions, EU BAM Rafah et EUPOL COPPS. Nous allons très certainement, dans les prochains jours et semaines, en fonction des besoins, pouvoir étendre les capacités d’action de ces missions au service de la sécurité à Gaza. Mais comme je le disais, nous sommes d’autant plus légitimes à faire connaître à nos partenaires, américains ou d’autres, nos intuitions sur ce qui peut faciliter la gouvernance, la reconstruction, la sécurité, que nous apportons des contributions concrètes sur la table. Et c’était l’objectif de cette réunion que de montrer une forte unité derrière les efforts menés par les États-Unis, de montrer notre volonté d’y contribuer et d’adresser à nos partenaires américains ce que nous identifions comme étant les éléments facilitateurs permettant d’assurer les conditions de succès du plan.
Q - [inaudible] les contours d’un déploiement de la force internationale de stabilisation à Gaza, les contours restent ambigus, pourriez-vous nous en dire davantage sur les pays qui pourraient participer à cette force internationale ?
R - Un consensus se forme pour dire que la sécurité à Gaza devra être, pour la sécurité du quotidien en tout cas, assurée par des policiers palestiniens, comme ceux qui ont été formés par l’Égypte, par la Jordanie ou par le Canada, par exemple, dont il faut faire grandir le nombre, que cette police ou ces forces de police palestiniennes devront être soutenues dans leur action par cette force internationale de stabilisation et de sécurité, auxquelles un certain nombre de pays ont déjà dit qu’ils pourraient contribuer. Évidemment, pour qu’ils puissent le faire, il faudra qu’un mandat soit donné à cette force, et c’est le travail qui est engagé à New York, aux Nations unies, pour qu’une résolution du Conseil de sécurité puisse en fixer les paramètres. Je vous remercie beaucoup.