Amérique latine/Caraïbes - G7 - Déclarations à la presse de Jean-Noël Barrot à son arrivée à Niagara, dans le cadre de sa participation à la réunion des ministres des affaires étrangères du G7 (11 novembre 2025)

Partager

Je reviens d’une tournée en Amérique latine et dans les Caraïbes, où j’ai eu l’occasion de présenter le plan de bataille du Quai d’Orsay dans la lutte contre les narcotrafics et la criminalité organisée, avec l’intention dans les 12 prochains mois de multiplier le nombre d’accords de coopération avec les pays de la région pour faire face à ce fléau qui est désormais un phénomène mondialisé ; de renforcer nos effectifs dans les ambassades, avec la participation des experts venus de tous nos ministères, de faire augmenter leur nombre de 20% et de tripler les moyens à leur disposition ; de cibler l’aide au développement dans les pays de la région pour qu’elle puisse soutenir des projets de culture de substitution, de lutte contre le blanchiment ou de sécurisation des infrastructures portuaires ; de créer une académie régionale de lutte contre la criminalité organisée et les narcotrafics, qui sera installée en République dominicaine et qui a vocation à former chaque année 250 experts, policiers, magistrats, douaniers des pays de la région avec lesquels nous coopérerons. Et enfin, j’ai annoncé mon intention de proposer la création d’un régime de sanctions européen contre les narcotrafiquants, et de proposer dans les prochaines semaines des premières désignations.

Et donc, me voilà à Niagara pour cette réunion des ministres des affaires étrangères qui intervient 50 ans, jour pour, après la création, à l’initiative de Valéry Giscard d’Estaing, du G7, qui s’est réuni pour la première fois à Rambouillet, du 15 au 17 novembre 1975. Je suis, en quelque sorte, venu ramener le G7 à la maison, puisqu’à l’issue de la présidence canadienne du G7, c’est la France qui en prendra la présidence l’année prochaine. Et je veux saluer le travail de la présidence canadienne, qui a permis de faire aboutir un certain nombre d’initiatives très importantes en matière d’intelligence artificielle, de sécurisation des approvisionnements, en particulier s’agissant des minerais critiques, ou encore en matière de sécurité maritime, un sujet qui compte beaucoup pour l’ensemble des membres du G7.

Au moment où nous nous apprêtons à prendre la présidence du G7, le Président de la République a voulu lui rendre sa vocation d’origine : celle de traiter des grands déséquilibres mondiaux, pour améliorer la vie quotidienne des populations de l’ensemble des pays de ce groupe. Cela passera tout au long de cette année de présidence française par une analyse conjointe des grands déséquilibres par les puissances économiques qui sont représentées dans ce groupe, ainsi que les déséquilibres qui proviennent d’autres puissances, et en particulier des puissances émergentes - surcapacité ici, sous-investissement chez d’autres, endettement et surconsommation ailleurs -, ainsi que la prise en compte, bien évidemment, de la nécessité pour les pays les plus avancés de soutenir les pays en développement, en refondant les politiques de solidarité internationale, d’aide au développement sur une logique partenariale, qui associe les grandes puissances émergentes qui ont désormais développé la capacité, elles aussi, de participer au soutien au développement des pays les moins avancés.

Cette présence du G7 sera aussi l’occasion de créer des ponts entre les pays membres du G7 et les autres grandes puissances de ce monde avec lesquelles nous avons vocation de coopérer. Et donc de sortir d’une logique de confrontation entre blocs, de confrontation entre ce que certains appellent le Sud global, ce que d’autres appellent l’Occident collectif, des définitions que nous ne reconnaissons pas puisque nous considérons que la fragmentation du monde ne se fait pas le long de lignes géographiques, mais en fonction des lignes qui séparent celles et ceux qui soutiennent le droit international et le multilatéralisme, et celles et ceux qui ne le soutiennent pas.

Et puis enfin, cette présidence française du G7 sera l’occasion d’apporter des réponses très concrètes aux préoccupations de nos compatriotes, et notamment aux préoccupations qui ont une dimension internationale. Je pense en premier lieu, je l’évoquais à l’instant, à la question du narcotrafic et de la criminalité organisée qui déferle en France et dans les autres pays du G7. Pour y faire face, nous avons besoin de construire des outils communs, des nouvelles formes de coopération pour pouvoir traquer les narcotrafiquants où ils se trouvent, et entraver leur circulation qui est désormais mondiale. Deuxième exemple, celui de la sécurité de nos approvisionnements, et en particulier, les minerais critiques et les terres rares.

Là encore, en partant des initiatives portées par la présidence canadienne, nous pouvons aller plus loin pour renforcer notre sécurité économique et trouver ensemble les moyens d’accéder aux ressources, de développer de nouvelles capacités de raffinage - vous savez que la France a été pendant longtemps le leader mondial du raffinage de terres rares - et de poursuivre ensemble des projets de recherche permettant d’améliorer notre capacité à nous approvisionner dans ces domaines, dont dépendent des pans entiers de notre industrie. Troisième exemple, celui du commerce, pour trouver les voies et moyens de maintenir nos exportations, nos importations, ce libre-échange régulé qui a permis aux économies du G7 de créer beaucoup de richesses au profit de leurs population. Et dans un moment où les tensions commerciales surviennent, c’est important que ce cadre, celui du G7, inventé par la France il y a 50 ans, puisse être mis à profit pour apporter des solutions communes.

Q - Vous parlez des narcotrafics et des problèmes qu’on a vus dans les Caraïbes. Est-ce que vous êtes concernés, est-ce que le G7, la France, est concernée par les actions militaires des Américains, du président Trump, au Venezuela ? Qu’est-ce que vous pensez, de ça ?

R - D’abord, tous les pays du G7 sont concernés par le déferlement du narcotrafic et de la criminalité organisée, avec des phénomènes qui peuvent prendre différentes formes, mais avec des conséquences majeures pour la santé publique et pour la sécurité des populations. Si je prends la France, par exemple, ce sont plusieurs milliers d’hospitalisations chaque année qui sont dues à la consommation de stupéfiants. Et une grande partie des assassinats, des tentatives d’assassinats sont liées à des règlements de comptes entre des gangs, entre des narcotrafiquants.

Et c’est la même chose que nous voyons dans de très nombreux pays, et pas uniquement les pays du G7, mais également les pays de production, les pays de transit et les pays de rebond des stupéfiants, comme j’ai pu le constater en Colombie et au Mexique ces derniers jours. Et donc nous avons tout intérêt à travailler de concert. Nous avons observé avec préoccupation les opérations militaires dans la zone Caraïbe parce qu’elles s’affranchissent du droit international et parce que la France, dans cette région, est présente avec ses territoires d’outre-mer, dans lesquels résident plus d’un million de nos compatriotes et qui pourraient donc être affectés par l’instabilité provoquée par d’éventuelles escalades que nous voulons évidemment éviter. Mais ce que nous voulons avant tout, c’est de pouvoir approfondir la coopération, je le disais, avec les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. C’est la raison de mon déplacement de ces derniers jours, juste avant de rejoindre Toronto, où j’ai trouvé une météo un peu différente. Et c’est également le cas des pays du G7 qui travaillent depuis longtemps, à partir du Groupe Lyon-Rome, à échanger du renseignement, à faire coopérer leurs forces de sécurité pour faire échec à des narcotrafiquants qui sont eux-mêmes organisés à l’échelle internationale, qui ont eux-mêmes mondialisé leurs relations. C’est l’un des objectifs que nous avons fixés à cette présidence française.

Q - The Americans are bombing these boats in the Caribbean and the UK has apparently stopped sharing intelligence. Is that something France would stop doing as well ?

R - What I’ve said is that all G7 countries are very concerned about the massive development of narcotrafficking and organized crime. And they are all suffering from the dire consequences of those phenomena. We’re seeing this in France, where thousands of hospitalizations are related to drug consumption, and where hundreds of assassinations or assassination attempts every year are related to drug trafficking. And this has to stop. The only way for us to make progress, in a moment where both consumption and supply are exploding, is to increase our cooperation, share intelligence, structure our cooperation in such a way that our security forces, our customs, our justice systems are able to communicate, in a world where narcotraffickers have a global presence and global operations. We’ve observed with preoccupation the recent military operations in the Caribbean, for one reason, which is that France is a Caribbean nation with overseas territories that, by the way, are at the front line of drug trafficking. And given that those military operations are not compliant with international laws. But most importantly, we’re willing to contribute jointly with the United States of America - they are a G7 partner of France - and more broadly, countries of the region where I was just before coming to Toronto, to step up our common fight against those traffics that are harming our populations. This will be one of the priorities of our G7 presidency next year.