3 - Entretien de Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe, avec « France 2 » - Extraits (Paris, 14 novembre 2025)

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Q - Bonjour à tous. Bonjour Benjamin Haddad.

R - Bonjour.

[…]

Q - Monsieur Haddad, vous êtes le ministre en charge des affaires européennes. Et voilà un domaine, l’Europe, où, contrairement à la tendance générale, les dépenses vont augmenter en 2026 pour atteindre 28,8 milliards d’euros, soit une hausse de presque six milliards. Pourquoi la contribution de la France, au budget européen augmente-t-elle tant ?

R - Il faut expliquer. Tous les sept ans, les États membres de l’Union européenne et les parlements nationaux votent un budget de sept ans pour l’Union européenne. Et donc, tous les ans, on a une contribution qui est envoyée à l’Union européenne, qui parfois diminue, qui parfois augmente, selon les rattrapages de paiements sur certaines dépenses. Mais ce que je voudrais quand même expliquer, c’est que la France est le premier bénéficiaire des fonds européens en Europe, que ce soit…

Q - Le premier bénéficiaire ?

R - Le premier bénéficiaire, que ce soit par exemple…

Q - Mais le premier contributeur aussi avec l’Allemagne…

R - Alors, c’est l’Allemagne le premier contributeur, mais par exemple, soit le budget pour nos agriculteurs – c’est 9,5 milliards d’euros par an –, que ce soit les fonds pour nos territoires, que ce soit pour nos universités, nos centres de recherche. On est le premier bénéficiaire du plan de relance aussi qui avait été créé lors de la crise Covid, ou des investissements de la Banque européenne d’investissement. Et puis, cette contribution, c’est aussi un levier d’influence. Si la voix de la France porte en Europe sur les sujets comme l’Europe de la défense, sur les sujets comme l’innovation, ou encore le soutien à l’Ukraine, c’est aussi grâce à cette contribution. Je le dis parce que ce que nous avons vu hier à l’Assemblée nationale…

Q - Justement, permettez-moi juste de vous interrompre un instant. On entend La France insoumise et surtout le Rassemblement national dire : « Pourquoi la France ne bénéficie-t-elle pas de rabais comme d’autres pays, alors qu’elle est donc une très forte contributrice et qu’aujourd’hui, elle doit faire des économies ? » Et le Rassemblement national dit notamment : « pour compenser la suspension de la réforme des retraites, il suffirait que la France baisse sa contribution à l’Europe. »

R - Mais ce qu’on a vu de façon très claire hier à l’Assemblée nationale, vous avez une majorité des députés qui ont fait le choix de dire : « Nous, on veut faire partie de l’Union européenne, on veut continuer à contribuer, on veut continuer à bénéficier de notre appartenance à l’Union européenne, au marché intérieur, que ce soit le PS, les Verts, le bloc central, les Républicains. » Et puis, vous avez eu une coalition du Frexit entre La France insoumise et le Rassemblement national qui, au fond, veulent remettre en question ce qui font les règles communes de notre appartenance.

Q - Il n’y a rien entre les deux. C’est le Frexit, on sort de l’Europe ou on paie beaucoup. Il n’y a pas moyen de payer un petit peu moins, c’est leur argument en tout cas ?

R - Mais se mettre en contravention avec les règles communes de l’Union européenne, tous les pays de l’Union européenne respectent leurs engagements, paient cette contribution. Nous, nous portons une voix exigeante. Quand on est pro-européen, on est aussi lucide, on veut transformer l’Europe. On est exigeant que ce soit sur la défense, que ce soit sur le soutien à l’innovation, sur la simplification des règles. On a des mesures récemment pour que l’Europe se protège aussi contre la concurrence déloyale de la Chine, par exemple, sur l’acier ou sur les véhicules électriques. Ça, c’est la voix de la France qu’elle porte. Ce n’est pas en s’isolant, en se mettant en contravention avec les règles, en se mettant sur un strapontin que l’on va défendre nos intérêts. Nous, on défend les intérêts de la France et des Français, des entreprises, des agriculteurs au sein de l’Union européenne. On ne fait pas le Frexit.

Q - Monsieur Haddad, on reste dans ce domaine européen avec cette médiation de l’Allemagne, c’est la coopération franco-allemande qui a permis la libération de Boualem Sansal. Est-ce qu’à cette occasion, on en parlait dans le journal de 8 heures, on assiste, selon vous, à un réchauffement des relations entre Paris et Alger ? Ça, c’est la première question. Et puis, comment avoir accepté finalement que la France n’accueille pas directement l’écrivain alors qu’il aurait pu revenir directement sur le sol français ?

R - Je voudrais d’abord remercier l’Allemagne, le président allemand Steinmeier qui a joué le rôle d’un tiers de confiance. On a été en lien permanent avec l’Allemagne pour obtenir cette libération qui est un immense soulagement.

Q - Parce que la France seule n’aurait pas pu le faire ? C’est ça que vous dites ?

R - Vous l’avez vu, il y avait eu des relations qui s’étaient dégradées entre la France et l’Algérie. Et au fond, on parlait à l’instant du rôle de la France dans l’Union européenne, mais c’est utile d’avoir des amis, des alliés, des partenaires de confiance, là, dans ce cas comme l’Allemagne, c’est un sujet qui a été une immense inquiétude et une exigence du président de la République. Il l’a répété à de très nombreuses reprises. Pour avoir un dialogue franc, respectueux, d’égal à égal, qui défende les intérêts des deux populations entre la France et l’Algérie, on avait besoin d’avoir cette libération. Nous avons des intérêts communs à faire valoir. Je pense à la coopération sur le plan sécuritaire, à la coopération sur le plan migratoire, évidemment, avec l’Algérie.

Q - Mais vous confirmez qu’il y a aujourd’hui un vrai réchauffement qui va avoir lieu à l’occasion de cette libération ?

R - C’était une exigence du président de la France.

Q - On sait que le ministre de l’intérieur notamment, Monsieur Nuñez, va se rendre sur place.

R - Le ministre de l’intérieur l’avait dit. Et c’est une étape importante, effectivement, dans ce dialogue que nous appelons de nos vœux.

[…]

Q - Merci beaucoup, Benjamin Haddad, ministre en charge de l’Europe, élu de Paris. Et c’est la suite de Télématin.

R - Merci.