Discours de Jean Castex, à la rencontre avec les ambassadeurs et les ambassadrices (31 août 2021)

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Monsieur le ministre,

Monsieur le ministre délégué,

Messieurs les secrétaires d’Etat,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs les ambassadrices et ambassadeurs,

Bien, monsieur le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, cher Jean-Yves, monsieur le ministre délégué, cher Franck, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le Secrétaire général, mesdames et messieurs les directeurs, mesdames et messieurs les ambassadrices, les ambassadeurs, c’est un grand moment pour moi. Jamais je ne m’étais adressé — physiquement, d’abord, puis j’ai compris que beaucoup d’entre vous, hélas, crise sanitaire oblige, le sont virtuellement — à autant de hauts dignitaires du corps diplomatique. J’en suis très fier et très heureux comme je suis, mesdames et messieurs, sachez-le, très attaché aux traditions.

Or, cette maison, car elle est étroitement liée à l’histoire de notre pays comme à celle de l’Europe, est faite de traditions. Celle qui veut que le Premier ministre intervienne, me semble-t-il, en clôture de la conférence des ambassadeurs et des ambassadrices et permettez-moi de l’exprimer ainsi une très belle et très utile tradition que la Covid, l’année dernière, était venue perturber. Une belle et utile tradition, mesdames et messieurs, dans un moment où le monde et notre pays affrontent des crises internationales, je le mesure bien d’une exceptionnelle gravité.

Dimanche, j’étais à l’aéroport de Villacoublay avec la ministre des Armées. Jean-Yves Le Drian étant avec le président de la République pour accueillir l’avion qui ramenait en France les personnels de notre ambassade en Afghanistan et avec eux bien sûr notre ambassadeur David Martinon ainsi que les forces de sécurité et les militaires qui assuraient leur protection et celle d’une partie de l’aéroport de Kaboul. L’action de nos personnels diplomatiques dans la gestion de cette tragédie ne pouvait mieux illustrer monsieur le ministre et cher Jean-Yves, la clairvoyance et le dévouement de votre belle administration en même temps qu’une capacité de mobilisation et une efficacité qui force le respect. Déjà, mardi dernier, ma rencontre avec les agents de la cellule de crise du Quai d’Orsay m’avait permis de constater, sans en être surpris, le sang-froid, la réactivité et en un mot, l’extrême professionnalisme des équipes, l’abnégation de nos diplomates comme de nos forces armées et des agents des autres administrations qui ont su trouver dans l’urgence des solutions tout en faisant preuve, on l’a vu, d’anticipations, d’humanité et de pragmatisme.

Je dois dire que cette mobilisation remarquable, nous parlons de l’Afghanistan, avait caractérisé et caractérise d’autres terrains d’action où, hélas, les tensions et les situations de crise sont très fréquentes. Comme par exemple au Liban, dans le Haut Karabagh, au Sahel ou encore en Haïti. A chaque fois qu’une région du monde est soumise à une catastrophe humanitaire ou naturelle, dans les situations de conflit graves, notre diplomatie est aux avant-postes.

C’est l’honneur de la France, c’est votre honneur, c’est l’honneur de votre mission. A ces crises internationales malheureusement récurrentes, est venue s’ajouter depuis 18 mois une pandémie mondiale aussi violente que longue, je ne peux l’évoquer sans penser d’emblée au précieux concours que nos postes particulièrement en Europe m’ont apporté lorsque la mission de préparer le premier, à l’époque, on ne le savait pas, déconfinement de notre pays, m’avait été confié par mon prédécesseur.

Oui, je le dis ici, je le rappelle. On ne savait absolument pas ce qu’il fallait faire. Et en fait, c’est ce qu’on appelle « le benchmark », les comparaisons, les contacts via les postes diplomatiques que j’ai pu nouer avec mes homologues que peu ou prou la plupart des pays européens avaient désigné que en comparant nos pratiques, en confrontant nos expériences et nos situations, nous avons pu ensemble élaborer des pistes de sortie et les proposer au Conseil de défense et de sécurité nationale. Et depuis lors, vous n’avez cessé, comme je dois le dire, l’ensemble de l’Etat avec un E majuscule et de nos services publics, d’être sur le pont. Je tiens en particulier à saluer la mobilisation exceptionnelle qui a permis l’année dernière de rapatrier plus de 370 000 Français bloqués à l’étranger par l’épidémie.

Toujours grâce à vous, à vos équipes et à l’administration consulaire, la France a pu accompagner socialement ceux de nos compatriotes installés à l’étranger qui ont été brutalement fragilisés par la crise sanitaire et organiser la vaccination dans quelque 60 pays où elle n’était toujours pas accessible. De même, le ministère s’est fortement investi cet été pour que nos compatriotes de passage en France, mais aussi les visiteurs étrangers, puissent se voir dans des conditions difficiles délivrer le passe sanitaire dès lors qu’ils étaient évidemment en mesure d’attester une vaccination homologuée.

Bref, évidemment, la France de l’intérieur des frontières s’est mobilisée partout. J’ai une pensée pour les représentants de l’Etat dans les territoires d’outre-mer mais c’est toute l’administration française, tout le service public dans tous les pays du monde qui a été à la manœuvre et qui continue de l’être dans le cadre de cette pandémie. Cette crise mondiale et sa gestion sont venues au fond, nous rappeler l’importance du multilatéralisme et de l’approche coordonnée de l’action sanitaire.

C’est aussi finalement des enseignements diplomatiques qu’il nous faut tirer de cette crise sanitaire. Je rappelle par exemple que la commande groupée de vaccins au niveau européen a permis d’élaborer une stratégie vaccinale efficace et de la déployer dans la durée et selon un plan concerté et ce qui apparaît au bout de quelques mois, il faut toujours se hâter là comme ailleurs, des jugements hâtifs.

C’est que faire cavalier seul au milieu de cette tourmente n’est finalement pas une stratégie payante. Regardez les pays rares qui sont partis seuls devant. Maintenant, on voit qu’il y a une efficacité vaccinale qui s’émousse et ils se retrouvent confrontés à des difficultés. Les premiers seront les derniers ou les derniers, les premiers.

En tout cas, ce qu’il faut dire, c’est qu’un microbe qui n’a pas de frontières, il faut là aussi une stratégie globale.

Aujourd’hui, nous nous comparons avec les pays européens qui sont entrés dans cette procédure, alors par souci d’émulation à celui-ci. 75 % celui-ci en 74, celui-ci en 69. On se tient la vérité dans un mouchoir de poche même si je me plais devant vous à dire j’y reviendrai, que les performances de la France sont excellentes. Mais la réalité, c’est que nous devons avoir une approche globale de la gestion de cette crise et une approche européenne en particulier.

Grâce à elle, d’ici quelques jours, l’objectif des 50 millions de primo vaccinés sera atteint dans notre pays. Nous pouvons être collectivement fiers d’une performance sanitaire qui nous place, je le rappelais, au premier rang des nations en matière de déploiement de la protection vaccinale. Mais je veux dire devant les ambassadrices, les ambassadeurs, que notre force et notre ambition ne doivent pas être seulement de gérer au mieux, de faire face, de soigner, de vacciner.

Il nous appartient également de savoir très vite tirer toutes les conséquences structurelles, toutes les faiblesses que cette crise a mises en évidence. Nous le faisons. Ça s’appelle le Ségur de la santé. Je ne vous parlerais pas de ces volets humains. Mieux payer pour renforcer l’attractivité des professionnels de santé, notamment dans les établissements de santé. Je ne vous parlerais pas du volet bâtimentaire. C’est l’investissement dans les établissements de santé que nous allons déployer à partir de cet automne de manière massive.

Je voudrais vous parler du volet de ce que nous appelons l’indépendance sanitaire. Qu’a fait apparaître cette crise ? Cette crise a bouleversé les chaînes d’approvisionnement des produits de santé, et a surtout montré les limites de la délocalisation d’un certain nombre de segments stratégiques de notre industrie de santé. Elle a mis en évidence des défaillances très anciennes du secteur de l’innovation en santé. Elle a souligné la nécessité d’accélérer la recherche médicale et surtout de soutenir l’augmentation des capacités de production sur le territoire français, et j’ajoute tout de suite, et européen, car vous savez ici que l’un et l’autre ne se séparent pas.

À l’échelle nationale, nous avons déjà engagé cette reconquête d’indépendance avec le plan Innovation santé 2030 présenté par le président de la République fin juin et qui prévoit 7 milliards d’euros d’investissements dans ce domaine. Cela veut dire que nous allons relocaliser ou continuer à relocaliser les produits les plus critiques, à l’exemple de ce que nous avons fait pour le paracétamol. Pour cela, nous devons attirer vers nos industries, chercheurs et entrepreneurs, notamment dans les biotechs. Cela doit devenir un axe fort de notre attractivité économique, sujet transversal monsieur le ministre, et vous avez un rôle à jouer en la matière. Nous devons réinvestir dans le champ des biothérapies, de la santé numérique et des maladies émergentes. Et cette reconquête passe aussi par l’Europe. C’est la raison pour laquelle, vous le savez, nous avons proposé de lancer un PIIEC, un projet important d’intérêt européen pour soutenir l’innovation dans les industries de santé, réduire la dépendance de l’Union européenne par le développement de nos propres processus de production et donc de construire ou de reconstruire les outils industriels nécessaires pour répondre à nos besoins. Les discussions sont déjà engagées avec une douzaine d’Etats membres et nous devrions pouvoir lancer le projet au premier trimestre de 2022.

De la même manière qu’à cette échéance, nous entendons lancer de nouveaux clusters de recherche en santé. Et pour en finir avec ce registre sanitaire, donc vous comprendrez qu’il est extrêmement important dans la politique gouvernementale actuelle, je veux également insister devant vous sur l’importance que nous attachons au déploiement du programme Covax qui apporte des vaccins, comme vous le savez, au pays les plus vulnérables. Là aussi, j’y reviendrai. Cette crise a mis en évidence ces inégalités profondes entre les pays face à la maladie et face à la vaccination qui a comme nous avons l’usage de le dire, la porte de sortie de cette pandémie.

Crise sanitaire, crise économique et sociale, elle-même fille de la crise sanitaire. Et là aussi, vous le savez, la France a fait un choix européen et multilatéral. Le plan de relance national que j’ai annoncé il y a bientôt un an, vise, vous le savez, autant à agir contre les effets de la crise, qu’à poursuivre et amplifier les transformations de notre pays à l’œuvre depuis 2017. Vous en connaissez les axes stratégiques, la transition écologique, l’indépendance économique et j’insiste sur la reconquête industrielle, la cohésion sociale et territoriale.

Aujourd’hui, mesdames et messieurs, les premiers résultats sont là. Plus de 40 % du plan de relance français est engagé. Objectif, c’est 70 % à la fin de l’année 2021. La croissance française est l’une des plus vigoureuses de la zone euro encore ce matin, vous l’avez vu. L’Insee a revu à la hausse. Ce sont des résultats, la croissance française au deuxième trimestre 2021. Le chômage a retrouvé avec beaucoup d’avance par rapport aux prévisions d’organismes très sérieux, internationaux, son niveau d’avant la crise sanitaire et le pouvoir d’achat de nos concitoyens mieux que partout en Europe a été préservé. Ce sont des faits précis, vérifiables, incontestables.

Parmi les raisons de ces résultats, outre les décisions de ne pas laisser tomber les secteurs impactés par la crise en déployant des moyens d’accompagnement massifs, figure le choix porté, vous le savez, à l’origine, par le président de la République et la chancelière allemande de coordonner cette relance à l’échelle européenne et d’impliquer l’Europe massivement dans le financement des plans de relance nationaux. Notre pays recevra ainsi de l’Europe plus de 40 milliards sur les 100 que représente le plan français. Et d’ailleurs, nous avons, vous l’avez vu, reçu le 19 août dernier un premier versement d’un peu plus de 5 milliards d’euros. C’est là et c’est majeur et c’est nouveau en tout cas à cette hauteur une nouvelle preuve concrète et très forte de la solidarité et de la plus-value de l’Union européenne. Et je ne peux m’empêcher, ayant connu des crises antérieures, de saluer le rôle majeur de la BCE, qui a également parfaitement accompagné la gestion de cette crise et permis d’éviter des drames dans les financements des économies.

Ainsi, malgré la crise, la France reste championne d’Europe en termes d’attractivité. Grâce à la politique de compétitivité menée depuis quelques années, aux décisions économiques qui ont suivi le déclenchement de la pandémie, au plan France relance et aux efforts spécifiques de pédagogie que vous avez notamment menée auprès des entreprises mondiales, la France a conservé en 2020 la première place pour le nombre de projets d’investissements annoncés devant cher Franck, le Royaume Uni et l’Allemagne.

Cette excellente performance pourrait être valorisée, devra être valorisée, mesdames et messieurs les ambassadeurs, à l’occasion de l’édition 2022 du sommet Choose France, le 17 janvier, et vous serez très prochainement sollicité à nouveau pour identifier les dirigeants invités.

En dépit de la crise sanitaire, le tissu exportateur français a continué à croître et a atteint au 31 mars dernier, dernier chiffre à ma disposition, un record depuis plus de 20 ans, 132 000 entreprises environ. Cette dynamique, soutenue par la stratégie du Gouvernement pour le commerce extérieur depuis 2018 et par le volet export de France Relance à hauteur d’environ 250 000 000 d’euros, devra continuer à faire l’objet d’un soutien constant de votre part.

Enfin, faut-il le rappeler, en dépit des graves coups de canif de la crise, notre pays a réussi à se maintenir comme première destination touristique au monde grâce, cher Jean-Baptiste, au soutien actif que nous avons apporté à ce secteur. Et je compte sur vous, là encore, pour contribuer dans vos pays de résidence, à relancer, à porter l’intérêt du tourisme international pour notre pays pour toutes ses richesses naturelles, patrimoniales et culturelles dans nos territoires. Une petite mention puisque nous devons en particulier partout dans le monde — désormais l’Olympiade est ouverte — préparer avec soin l’échéance de 2024 où ai-je besoin de vous le rappeler, Paris et la France seront le centre du monde en accueillant les Jeux Olympiques et Paralympiques. Tout ceci illustre ce que l’on appelle la diplomatie économique qui constitue, je le sais désormais, une part extrêmement importante de votre action et dont je veux rappeler et réaffirmer devant vous le caractère prioritaire.

Notre diplomatie, le président de la République a, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par les Français, rappelé qu’elle est placée sous le signe de l’indépendance, de l’humanisme et de l’Europe.

Plus que jamais, ces orientations, conduites par notre excellent ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, doivent fixer le cap de notre action internationale. Plus que jamais, nous avons besoin, dans un monde troublé, d’une diplomatie française qui analyse, explique, se mobilise autour de nos grandes valeurs, défendues et incarnées par la France autant que des enjeux qui façonnent et façonneront l’avenir du monde. Au cours des prochains mois, notre diplomatie devra ainsi continuer de répondre aux défis internationaux auxquels font l’écho les préoccupations de nos concitoyens. Ces enjeux sont bien entendu économiques, sécuritaires, climatiques, environnementaux, culturels et éducatifs, mais ils sont aussi démocratiques lorsqu’ils engagent les droits de l’Homme et leur corollaire quasi-consubstantielle qu’est l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Tous ces combats que nous portons sur la scène internationale avec le Forum Génération Égalité, le One Planet Summit, l’UICN, très prochainement à Marseille, s’inscrivent dans la continuité des actions et des réformes que nous menons avec détermination au plan national. Il n’y a pas la politique nationale d’un côté, la politique diplomatique internationale de l’autre. C’est la cohérence de l’ensemble qui fait la force de notre politique. Et ce sont les mêmes valeurs et les mêmes principes qui nous conduisent à agir contre les inégalités mondiales qui, vous le savez, servent de terreau à toutes les radicalités. Je veux insister devant vous sur la loi Développement solidaire, que vous avez porté, monsieur le ministre, avec détermination ; il a fallu se battre, gagner des arbitrages. Mais c’est voté, c’est fait et bien voté, avec un engagement très fort de la représentation nationale venant concrétiser l’engagement du président de la République d’élever notre aide publique au développement à 0,55 % dès 2022 avec une perspective de 0,7 % en 2025 et de concentrer nos efforts sur les batailles décisives : climat, biodiversité, santé, éducation, égalité.

C’est un grand texte. Récemment voté, on en a peu parlé. La crise sanitaire mobilise toutes les attentions, mais c’est un texte qui fera date dans l’histoire de notre pays et de notre politique étrangère. C’est également au service de la paix et des droits de l’Homme que notre pays est résolument, je le rappelle ici solennellement devant vous, engagé contre toutes les formes de terrorisme.

Nous avons, vous le savez, considérablement renforcé encore récemment notre arsenal juridique comme les moyens humains et technologiques affectés à cette mission. Et l’action pédagogique sur le terrain que vous menez est indispensable pour que notre action dans ce domaine soit bien comprise et éviter que des malentendus, appelons-les comme ça, ne génèrent de nouvelles menaces pour notre pays. Les adversaires de ces valeurs universelles que la France a pour mission historique de faire rayonner à travers le monde, par son exemple et par son action, veulent accréditer l’idée que notre pays aurait engagé, au nom de la défense de nos valeurs républicaines, une lutte contre l’islam et le monde musulman. Les islamistes radicaux cherchent évidemment à nous faire tomber dans un piège grossier.

Notre diplomatie doit donc concourir activement à combattre cette propagande mortifère et à construire, puis à déployer un contre discours offensif fondé sur la vérité et la réalité de ce qu’est le compte tenu de notre politique en la matière, c’est-à-dire le contraire, l’exact et le rigoureux contraire de ce que veulent faire croire les ennemis de la République. Parallèlement, car notre diplomatie doit pouvoir s’appuyer sur notre capacité d’intervention et de dissuasion, nous allons poursuivre notre mobilisation contre le terrorisme au Sahel en étroite concertation avec les pays de la région et les autres partenaires de la Coalition pour le Sahel dans le cadre de la transformation de notre présence militaire voulue par le président de la République et annoncée en juillet dernier.

Enfin, mesdames et messieurs les ambassadrices et ambassadeurs, l’année qui s’annonce sera bien évidemment marquée par la présidence française au premier semestre 2022 de l’Union européenne, sujet sur lequel je voudrais tout particulièrement insister devant vous.

Pour notre pays, membre fondateur de l’Europe, il s’agira là de la treizième, ça va nous porter chance, présidence du Conseil. Mais ce sera, vous le savez, notre première présidence depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009. C’est un événement majeur qui entraîne une responsabilité importante, d’autant que les présidences françaises suscitent traditionnellement beaucoup d’attentes. Elle est une opportunité réelle, 4 ans après le discours de la Sorbonne.

Nous devons en profiter pour montrer ce qui a changé, avancer en Europe notamment — nous ne sommes pas seuls — notamment à l’initiative de la France.

Nous devons également porter nos idées visant à renforcer, parfois à corriger, à réformer encore l’Union européenne. Nous avons d’abord le devoir d’expliquer, d’informer, de rendre compte à la fois de l’action concrète de l’Europe et de son utilité, alors qu’au fil des crises, j’en ai évoqué un certain nombre au début de mon propos, l’Europe s’affirme comme une échelle particulièrement pertinente pour trouver des solutions les plus efficaces aux défis que nous affrontons.

Nous devons donc d’abord profiter de cette présidence pour valoriser nos résultats dans tous ces domaines parce que ce sont les résultats de l’Europe. Dans le domaine culturel, avec la protection européenne des droits d’auteur. Dans le domaine de la défense avec comme premier budget européen de défense et des projets industriels franco-allemands désormais irréversibles comme l’avion et le char du futur. Dans le domaine économique, avec le plan de relance que je viens d’évoquer devant vous. Dans le domaine écologique, avec cet objectif de neutralité carbone fixé pour 2050, acté par tous les membres de l’Union et par les récentes propositions formulées par la Commission, c’était, je crois, le 14 juillet dernier et qui sont parmi les plus ambitieuses du monde. Dans le domaine éducatif, avec les universités européennes qui se développeront encore cette année.

Nous devons également revendiquer une Europe forte et expliquer qu’il ne peut y avoir une France forte hors de cette Europe forte. Nous revendiquons, je veux dire, nous l’assumons. Le président de la République est un Européen engagé.

Ce Gouvernement est un gouvernement tourné vers l’Europe, son héritage et son avenir. Je suis Européen. Cette présence doit donc traduire de façon impérative cette priorité politique que reste plus que jamais la construction européenne.

La conférence sur l’avenir de l’Europe, voulue et proposée par le président de la République en mars 2019 et officiellement lancée à Strasbourg le 9 mai dernier, aura précisément cet objectif en donnant la parole aux citoyens, qui doivent être les premiers acteurs de l’idée européenne. Nous allons organiser en France, avec au mois de septembre, dans chaque région de métropole ou d’Outre-mer, des panels citoyens représentatifs.

Nous allons organiser ce débat. Donc, nous synthétiserons les idées, les propositions, les critiques, avant la fin du mois d’octobre, de façon à nourrir notre agenda européen. C’est une initiative inédite.

Par ailleurs, près de 300 événements seront organisés en France sous le label de la présidence française de l’Union. 20 réunions informelles du Conseil et au moins deux sommets européens.

Nous devons nous servir de ces manifestations pour faire rayonner la présidence française sur l’ensemble du territoire national.

Vous savez mon attachement au territoire de la République, bien sûr, à Strasbourg, où se trouve le siège du Parlement, mais aussi partout ailleurs, y compris naturellement nos territoires ultramarins.

L’objectif est clair : montrer que l’Europe s’incarne concrètement, non pas seulement dans les capitales européennes, parfois lointaines, mais au plus près des acteurs des territoires. Et j’entends bien, du reste, que le déploiement du plan de relance, encore lui, soit l’occasion d’illustrer cette Europe du concret et du quotidien. Des réunions informelles des différentes formations du Conseil et les conférences ministérielles sur les thématiques correspondant aux priorités de la présidence française seront ainsi organisées partout en France, le secrétariat général de la PFUE veillant à leur bonne répartition sur le territoire national et ultramarin.

Autre exigence, Mesdames et Messieurs, de la présidence française, le respect scrupuleux des trois grands principes auxquels le président de la République est très attaché : la sobriété, l’exemplarité et le suivi de l’exécution. Ces règles s’appliquent à chacun de nous. Cette organisation engage l’image de notre pays et, à travers lui, de l’Europe. Les services à Paris, notamment le secrétariat général de la présidence de l’Union européenne et le SGAE, y travaillent depuis des mois. Je voudrais les en remercier devant vous, avec l’ensemble des ministères concernés, car c’est évident un travail interministériel.

Et je n’oublie pas, bien sûr, le rôle essentiel de notre représentation permanente à Bruxelles. Les préparatifs entrent désormais dans leur dernière ligne droite et vont encore s’intensifier d’ici le 1er janvier. Je m’y implique, je veux vous le dire, mais vous l’aurez compris, personnellement, de même que l’ensemble des membres du Gouvernement que je réunis très régulièrement à cet effet.

Et je voudrais, à ce titre, souligner sous ton autorité, mon cher Jean-Yves, le rôle essentiel du secrétaire d’État, Clément Beaune. La présence française sera, je vous l’ai dit, particulièrement attendue sur le thème de l’indépendance et de l’autonomie stratégique. L’idée d’indépendance européenne structure désormais une bonne part de nos travaux à Bruxelles et des propositions que la Commission a mises sur la table. S’agissant des priorités elles-mêmes, elles seront bien entendu établies par le président de la République en fonction de notre agenda propre de l’actualité internationale et, évidemment, de l’avancement des travaux sous présidence slovène. Mais nous savons d’ores et déjà qu’elles s’articuleront autour de trois thématiques qui sont, je le répète, au cœur des grandes priorités de l’action gouvernementale : la transition climatique et particulièrement le travail de négociation qui va s’engager sur le paquet « Fit for 55 ».

Nous allons notamment porter notre effort, je vous le dis, je le redirai au Premier ministre des Pays-Bas que je reçois tout à l’heure, sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin d’agir contre tout dumping environnemental dans les échanges commerciaux.

Deuxième grande priorité : tout ce qui touche à l’indépendance économique, politique, et numérique avec aussi les questions migratoires. Enfin, sur le registre de la cohésion sociale, nous allons concentrer nos efforts pour essayer, tout cela est très difficile, je le sais bien, d’obtenir un accord sur la directive relative au salaire minimum en Europe. C’est ambitieux, mais ça nous correspond tellement et en ouvrant la discussion sur un socle de droits pour les travailleurs des plateformes numériques dont la crise a révélé la précarité.

Le président de la République, vous le savez, a également l’intention d’avoir de nouvelles… d’ouvrir de nouvelles perspectives en matière de jeunesse ou encore dans le combat incessant pour l’État de droit et la défense de nos valeurs communes qui peuvent parfois être mises à mal au sein même de l’Europe. Je remercie tous nos postes diplomatiques qui sont d’ores et déjà mobilisés.

Ai-je besoin de rappeler l’indispensable travail de suivi des négociations dans chacun des États membres ? L’expérience, vous êtes parfaitement placés pour le savoir, montre que les négociations difficiles se règlent rarement uniquement entre Bruxelles et Paris. Il y a toujours un moment où la capitale de l’État membre en question est sollicitée. Et c’est là, évidemment, que votre rôle est déterminant. C’est votre action de persuasion, de pédagogie, d’explication, la force des liens que vous aurez créés, votre connaissance des dynamiques internes du Gouvernement de votre pays de résidence qui pourront être décisifs.

Je vous appelle enfin à vous déployer plus encore, comme je le demande du reste à tous les membres de mon Gouvernement, dans les prochaines semaines qui seront décisives avec vos interlocuteurs politiques et étatiques, je l’ai dit, avec les partenaires sociaux, avec les think tanks, les médias, les universités et les grands établissements ; il faut aller partout, aller écouter, expliquer et faire remonter toutes les réactions et les propositions. C’est de cette façon que nous obtiendrons, je l’espère, les résultats ambitieux que nous avons fixés pour notre présidence.

Et cette demande que je vous adresse, elle vaut aussi pour les ambassadrices et les ambassadeurs hors de l’Union européenne. La présidence française doit en effet rayonner partout sur la planète. Et plusieurs sujets que nous porterons requerront une implication forte de plusieurs d’entre vous, je le sais. Je pense notamment à nos priorités pour l’Indo-Pacifique ou bien encore pour l’Afrique. Il faut, et nous nous employons à cela depuis 2017, grâce à cette méthode, grâce à cette ambition, grâce à cette volonté que l’Europe parle davantage français comme au siècle des Lumières. Il ne s’agit évidemment pas simplement de langue, mais d’idées et de concepts.

Parler français, c’est d’ailleurs aussi quand même au sens propre que nous devons l’envisager. Et Jean-Baptiste Lemoyne et Clément Beaune feront bientôt de nouvelles propositions en faveur du multilinguisme et de la francophonie dans les institutions européennes.

Je compte donc sur vous pour faire de cette présidence, de notre présidence, un moment de relance, mais aussi de reconquête linguistique et culturelle dans chacun des pays où vous êtes en mission.

Mesdames et Messieurs, ces échéances impliquent, vous l’avez parfaitement compris, un engagement fort de votre part, dans un temps où les crises internationales se succèdent sans nécessairement s’annoncer et où, je le sais, nous vous demandons déjà beaucoup. Aussi, je sais pouvoir compter sur vous et sur vos équipes de façon à ce que cette présidence soit un plein succès pour notre diplomatie, pour notre pays, et j’allais dire pour l’Europe, bien sûr, pour cet idéal européen que les pères fondateurs qui signèrent le traité de Paris nous ont légué pour garantir la paix après que l’Europe ait été par deux fois à l’origine et la principale victime de deux guerres mondiales.

Je veux saluer ici, pour l’avoir bien mesuré comme Premier ministre, l’engagement, la créativité, la haute tenue de la diplomatie française et de celles et ceux qui ont l’immense honneur de l’incarner.

Je vous charge, Mesdames et Messieurs, de transmettre ces messages de gratitude et de mobilisation à l’ensemble des agents de nos postes, entendus au sens le plus large : la voix et l’action de la France comptent, doivent compter dans l’Europe et dans le monde. Et je le sais, c’est en large part grâce à vous.

Je vous remercie.