Russie - Ukraine - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole adjoint du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, en duplex avec "LCI" (Paris, le 18 mars 2024)
Q - Je voudrais juste qu’on prenne en ligne Christophe Lemoine, qui nous attend depuis le Quai d’Orsay. Vous êtes porte-parole du Quai, merci, d’être avec nous. Je voudrais vous partager à l’instant la réaction de Washington sur l’élection de Vladimir Poutine, c’est le Département d’État qui communique à l’instant et qui dénonce, je cite "un processus incroyablement antidémocratique" ; tout à l’heure on avait un certain nombre de ses opposants qui disaient "il faut dénoncer cette illégitimité de Vladimir Poutine". La France n’a évidemment pas félicité Vladimir Poutine, ça, c’est évident. Il faut aller plus loin ?
R - Bonsoir. Écoutez, oui, quant aux résultats de l’opération qui a eu lieu hier en Russie, que le Ministre a qualifiée à juste titre d’opération électorale spéciale, à défaut d’être des vraies élections, puisque c’était une élection sans réels opposants, puisque Vladimir Poutine a éliminé tous les opposants qui étaient un peu sérieux, on l’a vu avec Alexeï Navalny, il y avait une répression de la société civile, une répression des médias aussi. Donc c’est un processus qui était très peu ouvert, très peu équitable et très peu pluriel. On ne peut pas féliciter Vladimir Poutine à l’issue d’un processus qui était connu, je pense que le résultat d’hier soir ne présentait aucunement une surprise. Mais c’était sa volonté et Vladimir Poutine a tout fait pour verrouiller ce processus. Donc oui, il n’y a pas eu de félicitations à Paris pour une élection qui était complètement fermée, sans aucun observateur étranger.
Q - Christophe Lemoine, à l’instant, il fait un discours sur la Place Rouge et il salue le retour à la Patrie de ces territoires ukrainiens qu’il occupe. Donc on parle de la Crimée, puisque c’est le dixième anniversaire de l’annexion de la Crimée, de l’occupation de la Crimée, plus exactement, "le Donbass aussi, on l’a fait, on avance ensemble", dit-il. Est-ce que les discussions, ou en tout cas les réflexions, pour autant qu’il y en ait, des discussions sans doute pas encore, doivent se faire sur cette base-là, sur la base des territoires qui sont occupés pour le moment par la Russie ?
R - Vladimir Poutine est depuis dix ans dans une stratégie d’agressivité assez forte. Cela a commencé avec la Crimée en 2014, et cela s’est continué à partir de l’hiver 2022 avec les territoires de l’Est de l’Ukraine et le Donbass. Ce sont des territoires qui sont occupés illégalement par la Russie, et d’ailleurs les opérations électorales qui ont été menées dans ces territoires ne sont pas légitimes. Effectivement, cette stratégie d’agressivité doit faire l’objet d’une réaction, à savoir que les territoires disputés, de toute façon, sont des territoires ukrainiens, que Vladimir Poutine essaye de saisir par la force.
Q - "Essaye de saisir par la force", pour certains, il y est quasiment parvenu, cela fait dix ans que la Crimée est occupée par les Russes. À l’époque, on n’a pas beaucoup bougé.
R - Oui, mais la réaction, encore une fois, se fait de manière graduelle. Mais c’est un point qui est certain, c’est-à-dire que l’Ukraine est un pays souverain avec des frontières qui sont reconnues et l’Ukraine a le droit à l’entièreté de sa souveraineté sur son territoire./.