Maroc - Entretien d’Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec "France Info" (Paris, 10 septembre 2023)

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Q - Bonjour Anne-Claire Legendre.

R - Bonjour.

Q - Vous êtes porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Au Maroc, le bilan ce matin dépasse les 2.000 morts, plus de 2.000 blessés. On a appris ces dernières heures qu’un Français faisait partie des victimes. Est-ce que c’est le seul Français aujourd’hui dont on peut déplorer la mort ?

R - Aujourd’hui nous avons, en effet, à déplorer une victime. Il y a également huit blessés qui ont été identifiés et qui, aujourd’hui, sont en contact étroit avec notre ambassade pour que toute l’assistance puisse leur être apportée dans les meilleures conditions.

Q - Ils sont déjà pris en charge, ces blessés français ?

R - La prise en charge est en cours par notre ambassade, oui, depuis hier soir.

Q - Avez-vous un chiffrage précis du nombre de Français présents dans la zone sinistrée ?

R - Dans la zone sinistrée, nous avions inscrit au registre plus de 8.000 Français. C’est la circonscription de Marrakech. Mais il y a beaucoup de Français qui sont en visite, un très grand nombre de touristes qui se rendent au Maroc et particulièrement dans cette région. Le travail est fait aujourd’hui par nos équipes du centre de crise ici à Paris, mais aussi par notre ambassade mobilisée sur le terrain, pour répondre à toutes les demandes des Français.

Q - Donc nous n’avons pas encore le chiffre précis du nombre de Français expatriés, binationaux, touristes, touristes isolés qui pourraient être sur place ?

R - Nous répondons aujourd’hui à toutes les demandes de Français qui nous parviennent. Hier, le centre de crise et notre ambassade au Maroc ont répondu à plus de 4.000 appels téléphoniques de nos ressortissants.

Q - Est-ce que la France va mettre en place des rapatriements ?

R - Aujourd’hui, il ne s’agit pas de rapatrier nos concitoyens, il s’agit de pouvoir leur apporter une aide sur le terrain dans la situation qui est la leur. Par ailleurs, vous savez que les vols sont toujours opérationnels. Les aéroports au Maroc n’ont pas été touchés et Air France a confirmé hier soir qu’elle maintenait ses vols à destination du Maroc.

Q - Quels sont les contacts que nous avons avec les autorités marocaines ? Certains ont pu s’étonner d’une forme de silence du roi Mohammed VI. Il a présidé une réunion hier certes mais il n’a pas eu de parole officielle. Est-ce que le dialogue est constant et suffisamment fin avec les autorités marocaines ?

R - Je crois que ce qu’il est important de souligner ce matin face à cette tragédie atroce qui frappe nos amis marocains, c’est vraiment la grande émotion et le grand élan de solidarité qui s’expriment depuis la France. Le Président de la République et la Ministre ont exprimé et marqué combien nous étions tous collectivement bouleversés par cette tragédie au Maroc, dès les premières heures de cette tragédie. Ils ont été les premiers aussi à marquer notre disponibilité à pouvoir aider nos amis marocains, et évidemment ce dialogue se tient avec les autorités marocaines.

Q - Oui, parce qu’au-delà de l’émotion qui est évidemment une chose importante, il y a la question des moyens techniques, de l’aide internationale. Pour le moment, il n’y a pas eu de demande d’aide de la part du Maroc. Est-ce que vous comprenez que, peut-être, cette demande puisse prendre un petit peu de temps ?

R - Dans ce type de situation la première réaction et la première nécessité, c’est de travailler à une évaluation de la situation pour précisément pouvoir exprimer des demandes pertinentes au regard des besoins sur le terrain. Donc nous sommes en contact, et notre ambassadeur sur le terrain a pu l’indiquer, avec les autorités marocaines qui conduisent aujourd’hui très efficacement cet exercice d’évaluation et de premiers secours avec une très forte mobilisation des autorités marocaines sur le terrain dont nous saluons le travail et que nous sommes évidemment prêts à aider, dès que possible.

Q - Donc il n’est pas inhabituel dans une telle situation qu’un pays sinistré ne réponde pas immédiatement, n’appelle pas immédiatement à l’aide. On imagine une partie de nos auditeurs qui peut-être se disent "mais c’est dans les premières heures qu’on peut sauver le plus de gens et les ONG ne sont pas encore dans les avions."

R - Comme vous l’imaginez bien, la situation nécessite une évaluation, tout d’abord des dégâts et des besoins, pour pouvoir apporter l’aide la plus pertinente aux personnes aujourd’hui dans la difficulté et dans les décombres au Maroc. Nous sommes prêts, avec des moyens qui sont prépositionnés, et nous sommes en contact avec tous les autres ministères, le ministère de l’Intérieur, pour pouvoir faire en sorte de pouvoir apporter des aides en matière de protection civile à nos amis marocains. Par ailleurs, je veux signaler que nous avons lancé hier, parce que cette solidarité s’exprime vraiment de tous les secteurs de la nation, nous avons lancé un fonds qui permet de collecter ; c’est un fonds à destination des collectivités territoriales et des entreprises, et nous avons déjà reçu dès hier plus de 2 millions d’euros de fonds qui ont été collectés pour pouvoir déployer très vite une aide à la population marocaine affectée.

Q - Justement, quels sont les moyens français prêts à partir ? On pense aux pompiers, aux équipes médicales. Est-ce que vous savez nous dire ? Vous disiez que certaines forces sont prépositionnées, mais on parle de quoi précisément ?

R - On parle de forces de la protection civile, donc de secouristes qui permettraient d’aider à identifier les personnes dans les décombres. Et vous savez que dans ce type de situation, il y a aussi des moyens cynophiles qui sont extrêmement utiles pour pouvoir, là aussi, conduire les recherches le plus efficacement.

Q - Et ça veut dire très concrètement que, en gros, il y a des bases peut-être militaires ou de sécurité civile où des avions sont prêts à partir déjà pleins ? Enfin, expliquez-nous qu’on comprenne bien jusqu’où en fait tout est presque prêt et qu’il n’y a plus que le feu vert des autorités marocaines.

R - Il faudrait évidemment quelques heures pour pouvoir déployer, mais nous avons, en effet, sur un certain nombre de points de départ dans le sud de la France, prépositionné des moyens qui sont prêts à partir.

Q - Le président Macron a parlé d’un soutien à court et moyen terme. Cela veut dire aussi qu’il va y avoir de l’aide éventuellement plutôt humanitaire sur l’eau potable ; ça aussi, ce sont des moyens que la France pourrait mettre à disposition du Maroc ?

R - Dans d’autres crises que nous avons eu à traiter, c’est de l’apport de moyens de protection civile, donc tous ces personnels qui permettent d’aider à l’identification et à la recherche des victimes dans les décombres. Nous avons aussi la capacité d’apporter de l’aide pour permettre aux personnes qui sont touchées, n’ont plus de logement, de pouvoir vivre dans les meilleures conditions malgré le séisme qui les frappe. Par ailleurs, il faut évidemment se projeter dans l’avenir et c’est ce qu’a fait le Président de la République.

Q - Il y a la question de la reconstruction qui va se poser derrière.

R - La question de la reconstruction. On n’est aujourd’hui pas en possibilité d’évaluer la totalité des bâtiments qui ont été détruits. On sait que la médina a été particulièrement touchée, on sait qu’un certain nombre de villages dans l’Atlas ont été tout particulièrement touchés aujourd’hui. Il faudra pouvoir aussi, si les Marocains le souhaitent, les aider à travailler à cette reconstruction.

Q - On sait que le ministère des Affaires étrangères émet des avertissements parfois sur certains pays. Est-ce que le Maroc est placé sous une… Voilà, est-ce que vous appelez à un peu de précaution de la part notamment des touristes, de dire "ce n’est peut-être pas le moment de retourner au Maroc" ?

R - Aujourd’hui, il ne faut pas perturber les travaux de recherche et de secours qui sont en cours. En effet, nous avons invité nos concitoyens, aujourd’hui, à ne pas se rendre dans la circonscription de Marrakech, pour ne pas perturber les travaux des autorités marocaines qui sont en cours et qui sont absolument nécessaires.

Q - Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. On le rappelle donc, la France, qui attend toujours la demande d’aide en bonne et due forme du Maroc afin d’envoyer des aides qui sont en cours de préparation sur notre sol. Merci beaucoup d’avoir été ce matin l’invitée de France Info.

R - Merci à vous.