Maroc - Entretien d’Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec "BFM TV" (Paris, 10 septembre 2023)
Q - Invitée du Live BFM, ce matin, Anne-Claire Legendre. Bonjour.
R - Bonjour.
Q - Vous êtes porte-parole du Quai d’Orsay (…). Merci d’être là, parce qu’il y a évidemment de nombreuses questions qui se posent pour les ressortissants français qui peuvent se trouver au Maroc, pour les familles françaises qui ont des proches là-bas… Mais d’abord sur l’aide internationale. Quand on voit ces images, la situation préoccupante, urgente, pour tenter de trouver des personnes, de les sauver, on s’interroge sur le fait que le Maroc n’ait pas répondu, pour l’instant, n’ait pas appelé à l’aide internationale.
R - Je voudrais tout d’abord souligner l’immense élan de solidarité qui s’exprime en France. Vous savez que le Président de la République et la Ministre se sont exprimés dès les premières heures du séisme pour marquer toute notre solidarité avec le Maroc, avec le peuple marocain ami, et pour montrer que nous étions disposés, quand le Maroc en fera la demande, à disposer et mettre en place le soutien nécessaire pour répondre aux besoins. Dans ce type de situation, il y a tout un travail d’évaluation qui est nécessaire pour pouvoir faire une demande d’aide et établir les besoins nécessaires à la conduite des opérations. Aujourd’hui, sur le terrain, les autorités marocaines, les forces royales du Maroc, avec la protection civile marocaine, sont à la manoeuvre sur les premiers secours, et je tiens à saluer, la Ministre a dit toute son admiration pour le travail fait par les secouristes marocains. Et le deuxième travail qui est en cours, c’est cette évaluation qui est en cours aujourd’hui du fait des autorités marocaines.
Q - Ça veut dire qu’une fois que les autorités marocaines auront évalué précisément les situations, elles feront éventuellement un appel à l’aide internationale.
R - Exactement. C’est en fonction des besoins qu’elles-mêmes peuvent évaluer, que cet appel à l’aide internationale pourra être fait, s’il est fait. Vous imaginez bien que cela demande tout un effort de coordination. Ce type d’opération est très complexe à mener sur le terrain et demande une organisation extrêmement rigoureuse.
Q - Vous rappeliez la mobilisation de la France. Quel dispositif a été mis en place ? Il y a une cellule de crise qui a été mise en place au Quai d’Orsay. Quel dispositif de secours a été anticipé dans l’éventualité où le Maroc demanderait de l’aide ?
R - Nous avons deux types de dispositifs. La cellule de crise, elle vise à apporter un soutien à nos ressortissants. Nous avons, dans le courant de la journée d’hier, répondu à plus de 4.000 appels de la part de nos ressortissants. C’est traité à la fois par notre ambassade au Maroc, qui est pleinement mobilisée depuis le séisme, et par le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. À cet égard, nous leur apportons des conseils, des recommandations, pour qu’ils puissent se mettre en sécurité.
Q - Est ce qu’on a une idée du nombre de Français au Maroc ?
R - On a une très forte communauté, comme vous le savez. Il y a dans la seule circonscription de Marrakech plus de 8.000 Français enregistrés. Mais vous savez que le Maroc est évidemment une destination très populaire, que les liens humains entre nos deux pays sont très intenses, et qu’il y a probablement beaucoup de visiteurs français. D’où le nombre d’appels.
Q - Cette cellule de crise pour les Français qui ont besoin d’aide, en termes de secours, s’il faut envoyer des équipes, qu’est-ce qui est prépositionné ? Qui est prêt à partir ?
R - Nous avons eu toute une série de contacts avec les autorités marocaines d’ores et déjà, mais aussi avec nos autres partenaires à l’intérieur de l’Etat pour évaluer les besoins qui pourraient être mis à disposition des autorités marocaines, si elles en font la demande. Il y a évidemment des besoins de nature probablement protection civile. Vous savez que la France a, par le passé, déjà envoyé des équipes de secouristes pour soutenir les équipes locales, mais aussi des équipes cynophiles par exemple, qui peuvent être utiles dans ce type de situation. Le ministre de la santé a également marqué sa disponibilité à pouvoir aider en matière médicale.
(…)
Q - Est-ce que la France a eu des échanges avec le roi, et est-ce qu’il a répondu au message d’Emmanuel Macron, ou est ce qu’il y a un blocage pour le moment avec la France ?
R - Comme je l’ai indiqué, nous attendons une évaluation générale. À ce stade, le Maroc n’a pas adressé de demande d’aide internationale.
Q - Il y a eu des échanges ?
R - Il y a eu des échanges, bien entendu. La Ministre a appelé immédiatement son homologue, dès que nous avons appris le séisme. Le Président de la République a pu échanger. Vous avez eu écho de cette lettre adressée par le Président de la République au Roi du Maroc. Nous sommes en contact constant avec les autorités. C’est le travail que fait notre ambassadeur aujourd’hui sur le terrain pour pouvoir évaluer la manière dont nous pourrions leur porter assistance, dès lors qu’ils en feront la demande.
Q - Le bilan est déjà terrible : plus de 2.000 morts, plus de 2.000 blessés. Parmi ces 2.000 morts, il y a un Français, huit autres qui sont blessés. Est-ce que vous avez aujourd’hui une idée, définitive est peut-être un grand mot, mais précise de la situation de l’ensemble des Français qui est sur place ?
R - Je voudrais tout d’abord adresser nos condoléances au peuple marocain face au terrible bilan humain, et à la famille de notre concitoyen qui a perdu la vie dans le cadre de ce séisme. Vous savez qu’il y a huit autres ressortissants blessés. Ils ont tous été pris en charge, avec le soutien de notre ambassade qui a été en contact avec leurs familles. Nous répondons à toutes les demandes d’assistance de nos concitoyens. À ce stade, il n’y a pas d’autres décès français à déplorer, mais évidemment on ne peut l’exclure, compte tenu de la gravité de la situation sur le terrain.
Q - Quel est le travail précis en ce moment que vous effectuez ? Vous nous le disiez, il y a eu ces 4.000 appels. Vous essayez de localiser chaque Français, de les mettre en contact avec leur famille, d’organiser leur retour éventuellement ?
R - Nous sommes en contact avec eux et avec tous ceux qui souhaitent obtenir des recommandations, des informations, être rassurés sur la situation sur le terrain. Nous avons à la fois des appels des familles en France, bien sûr, mais nous avons aussi des appels de nos ressortissants sur le terrain, pour leur donner des recommandations. Aujourd’hui, ce que nous leur recommandons, c’est de suivre les consignes données par les autorités marocaines, qui sont en contrôle de la situation, ce qui leur permet d’avoir la meilleure information. Comme vous le savez, les compagnies aériennes fonctionnent aujourd’hui. Air France a confirmé, hier soir, que tous ses vols étaient maintenus, et l’on voit que tous les aéroports aujourd’hui au Maroc sont fonctionnels. Donc aux ressortissants qui souhaiteraient partir, ce que nous recommandons, c’est évidemment d’emprunter ces voies qui sont ouvertes et pleinement fonctionnelles.
Q - C’est ce que vous recommandez, c’est-à-dire que vous dites aux Français qui sont sur place, "rentrez" ?
R - Non, nous ne recommandons pas cela. Nous leur recommandons de s’assurer de leur propre sécurité, et quand ils ont des demandes à cet égard, nous leur répondons sur ce point. Aujourd’hui, sur place, il faut suivre les consignes des autorités marocaines. Et s’agissant des Français qui souhaiteraient se rendre au Maroc aujourd’hui, il n’y a pas de recommandation générale. Il y a juste un point d’attention sur la circonscription de Marrakech, où il est déconseillé de se rendre, pour ne pas perturber le travail des secouristes sur le terrain.
Q - Est-ce que vous déconseillez aux Français qui pourraient avoir un voyage de programmé demain, après-demain ou dans les jours qui viennent au Maroc d’y aller pour l’instant ?
R - Ce que nous disons, c’est que dans la circonscription de Marrakech, il n’est pas conseillé aujourd’hui de se rendre. On voit bien que l’urgence, aujourd’hui, c’est la mobilisation des autorités pour faire face aux besoins des populations affectées, et nous leur devons tout notre soutien en la matière.
Q - Qu’est-ce qu’on vous dit au bout de la ligne, lorsqu’il y a, justement ces fameux 4.000 appels ? On n’est pas dans une situation d’expatriés normaux qui vont passer trois, quatre ans. Là, on est au Maroc, il y a des gens qui sont là installés depuis des générations. Je ne pense pas qu’ils aient l’intention de partir de toute façon. Mais qu’est-ce qu’on vous demande, très précisément, et qu’ils n’auraient pas, finalement, lorsqu’ils ont les autorités marocaines face à eux ?
R - Nous recevons des appels de toutes sortes, et toutes les situations sont représentées. Vous avez en effet des résidents français au Maroc qui sont là, établis depuis très longtemps ; vous avez aussi des visiteurs de passage, vous avez des familles inquiètes qui cherchent à joindre des proches. Nous essayons de répondre à toutes ces situations de la meilleure façon possible. S’agissant des résidents, nous leur donnons accès à toutes les informations données par les autorités marocaines elles-mêmes, puisqu’il y a toute une série de conseils qui est aujourd’hui apportée à la population résidente pour qu’elle puisse se mettre en sécurité, notamment vis-à-vis de la solidité des bâtiments, qui évidemment est une question centrale.
Q - On a vu que la Fédération marocaine de l’hôtellerie s’était hâtée, et c’est normal, c’est vraiment un grand enjeu économique, de dire que tous les hôtels, les infrastructures hôtelières étaient en bon état, qu’il n’y avait aucun problème, et que même les excursions touristiques pouvaient continuer. Il y a quand même, on le sait, dans l’Atlas une tradition, y compris chez les Français, de trekking, de partir en balade, en randonnée. Est-ce que vous arrivez aussi à avoir un oeil sur ces gens qui n’ont pas forcément de réseau, qui se retrouvent peut-être un peu piégés ?
R - S’agissant de l’Atlas, vous savez que toute une partie a été particulièrement frappée par le séisme. Nous sommes en contact, et notre ambassadeur fait ce travail avec les autorités marocaines, y compris les plus locales, pour essayer d’évaluer la situation pour nos ressortissants. À ce stade, nous n’avons pas d’appels à signaler qui permettraient d’indiquer qu’il y a des victimes françaises dans cette partie du Maroc.
Q - Merci beaucoup.
R - Merci.