Iran/Israël - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec "LCI" (Paris, 19 juin 2025)
Q - Christophe Lemoine, vous êtes porte-parole du Quai d’Orsay. Merci beaucoup d’être là.
R - Bonsoir.
(…)
Q - Vous représentez la parole de la France. Pour vous, pour la France, comment réagirait-on si les Israéliens ou les Américains tuaient Khamenei ?
R - La bonne méthode pour le moment, c’est d’abord de cesser les opérations, c’est de cesser cette escalade qui est extrêmement dangereuse, qui porte en elle des germes extrêmement dangereux pour la région, potentiellement dévastateurs. Donc la première des choses à faire, c’est de cesser les opérations et de retourner à la table des négociations. La crise nucléaire iranienne est un sujet sérieux, c’est un sujet qui a débuté il y a longtemps. Il faut maintenant reprendre le chemin des négociations.
Q - Mais pardon, vous n’avez pas répondu. Est-ce que, oui ou non, la France considère comme légitime qu’Israël tue le guide suprême iranien ?
R - Je vous renvoie aux propos du Président de la République, qui a dit il y a très peu de temps, lors du G7, que toute tentative de regime change de l’extérieur avec des armes était de toute façon une erreur stratégique. L’Histoire nous l’a montré. L’objectif est clair : c’est de rétablir la stabilité de la région, de réencadrer le programme nucléaire iranien…
Q - Donc vous dites que ce serait une erreur de tuer Khamenei ?
R - En tout cas, c’est une crise qui est née de la crise nucléaire iranienne…
Q - Ce serait une erreur ou pas une erreur ?
R - La vraie question, au-delà du chef d’Etat iranien, c’est le programme nucléaire iranien. C’est bien ça qui nous a amenés dans cette situation et c’est bien ça qu’il faut traiter aujourd’hui.
Q - Encore une fois, vous ne m’avez pas répondu, pardon. On est quand même dans un moment assez fort. C’est-à-dire qu’Israël dit qu’il n’existera plus. Cette fois, c’est clair, ils ne tournent pas autour du pot. Ils disent : "Oui, nous voulons le tuer." Est-ce que la France considère que ce serait une erreur, oui ou non ?
R - Encore une fois, c’est ce que disait le Président de la République : oui, c’est une erreur stratégique de vouloir faire du regime change de l’extérieur. L’Histoire montre que cela ne donne pas de résultats probants.
(…)
Q - Les Iraniens ont des capacités de nuisance, de destruction - la preuve, ce qu’on a vu tout à l’heure à l’hôpital de Beer-Sheva. Est-ce que la France aidera Israël à se défendre ?
R - C’est un principe qui existe depuis longtemps. Cela a été redit par les autorités.
Q - Ça veut dire, pour être extrêmement concret - pardon, Monsieur le Porte-parole - que si demain une nouvelle salve iranienne menace d’autant plus Israël, les avions français lutteront ?
R - Les avions français sont déjà là pour défendre les intérêts de la France dans la région.
Q - La France, c’est sûr. Mais d’Israël aussi ? Ils défendront le ciel israélien ?
R - Effectivement, on est prêts à contribuer, le cas échéant, en fonction de la situation. Mais encore une fois, le principe qui guide la diplomatie française aujourd’hui, c’est l’arrêt de l’escalade, l’arrêt des opérations. Donc on espère ne pas avoir à intervenir.
(…)
Q - Il faut dire un mot des otages, s’il vous plaît, Christophe Lemoine. Il y a deux Français qui sont de fait retenus en otage en Iran. Quelles sont les nouvelles qu’on a d’eux ?
R - Malheureusement assez peu. Et la situation actuelle rend leur situation encore plus inquiétante. Comme vous savez, on a beaucoup de difficultés à rentrer en contact avec eux. Les questions de protection consulaire sont extrêmement difficiles. Les autorités iraniennes sont assez fermées. Ils sont détenus dans des conditions qui sont extrêmement difficiles et qui s’apparentent même à de la torture, si on regarde les conventions internationales sur le sujet. C’est extrêmement inquiétant. Donc il y a eu des appels du Président de la République et du ministre [de l’Europe et des affaires étrangères] à la libération de Cécile Kohler et de Jacques Paris, qui sont emprisonnés - enfin, retenus en otage - par la République islamique d’Iran depuis plus de trois ans, alors qu’ils sont innocents et que l’ensemble des charges qui pèsent contre eux sont totalement injustifiées. Donc bien évidemment, il y a une réelle inquiétude à leur sujet.
Q - Merci beaucoup.