Iran/Israël - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec "BFM TV" (Paris, 16 juin 2025)
(Paris, 15/06/2025)
Q - Christophe Lemoine, bonsoir, merci d’être avec nous. Sur ces images, tout d’abord, que l’on vit là, en direct, ce qui est sûr, c’est que ces missiles iraniens qui sont envoyés ce soir en direction d’Israël, notamment sur Haïfa et Tel Aviv, ils réussissent une chose, c’est de paralyser la vie israélienne. Parce que ce qu’il faut dire, c’est que là, en ce moment même, la population israélienne a été invitée à se mettre à l’abri. Et ça a été comme ça aujourd’hui, la nuit dernière, la nuit d’avant, à plusieurs reprises.
R - Oui, absolument. On assiste à quelque chose qui est une escalade, en fait, entre Israël et l’Iran. Et bien évidemment, cela a des conséquences très fortes sur les populations civiles, à n’en pas douter. Ce qui semble certain, en tout cas, c’est que cette escalade ne peut pas continuer. Il va falloir trouver une issue à cette escalade. Et la position de la France a toujours été assez claire, c’est-à-dire qu’évidemment l’Iran constitue une menace existentielle pour Israël, pour la stabilité régionale et même pour nous-mêmes, mais c’est surtout par le biais de la négociation qu’on arrivera à trouver une solution.
Q - Ça semble mal parti à ce stade.
R - L’escalade qui est en cours est un mauvais signal, effectivement. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne retrouvera pas un chemin plus diplomatique à cette crise.
Q - Quels sont les contacts que vous avez avec les ressortissants français, notamment en Israël ? On sait qu’il y a des touristes qui sont bloqués sur place. Est-ce que des mesures vont être prises pour les rapatrier ?
R - Nos ambassades à Tel Aviv, mais aussi à Téhéran - puisqu’il y a quand même quelques ressortissants français qui habitent de manière stable en Iran, environ 1000 ; il y en a beaucoup plus en Israël, il y en a environ 100.000, plus beaucoup de Français de passage - ont mis en place diverses mesures pour informer, d’abord, nos compatriotes, les inviter à suivre bien évidemment les indications de sécurité des autorités locales. Pour le moment, nous sommes en lien avec tous ceux qui pourraient être dans une situation difficile. Je peux confirmer qu’on a des appels, mais globalement, ça se passe plutôt bien. Pour le moment, l’aéroport de Tel Aviv étant fermé.
Q - Oui, donc pour l’instant impossible de les rapatrier ?
R - Il n’y a pas de possibilité de sortie pour le moment.
Q - Donc à ceux qui nous écoutent, là, qui sont précisément dans ces abris, qu’est-ce que vous leur dites ?
R - Les consignes sont extrêmement claires. C’est d’abord de suivre les consignes de sécurité des autorités israéliennes : se mettre à l’abri et se confiner. Et en cas de besoin spécifique, il y a une ligne qui a été ouverte par l’ambassade de France à Tel Aviv, une ligne spécifique où quelqu’un pourra répondre à leurs appels et à leurs questions.
(…)
Q - Christophe Lemoine, sur ces scientifiques visés lors d’opérations ultra ciblées, sur ces raffineries visées, est-ce que ça pose question ? Est-ce que ça pose question notamment sur la légalité de cette opération ? Parce qu’on a beaucoup parlé de la légitimité de cette opération, parce qu’une menace existentielle a été très vite évoquée par Israël, mais est-ce que cette opération est légale ?
R - Israël a décidé de mener cette opération - sans nous en informer, d’ailleurs - t je pense que c’est une opération qui leur appartient totalement. Bien évidemment, c’est problématique, puisque c’est une opération qui mène à une escalade. Évidemment, il y a une attaque d’Israël, donc il y a une riposte de l’Iran. Et c’est tout ce dont cette région n’a pas besoin, précisément. C’est une région qui est très sensible, avec des États, pour certains, un peu fragiles, et il est important de maintenir un peu une stabilité régionale. Donc bien évidemment, ce sont des opérations fortement escalatoires et qui sont toujours en cours.
(…)
Q - Une question que je voulais vous poser, Christophe Lemoine : est-ce que vous considérez, vous, que l’Iran est aussi une menace existentielle pour l’Europe et la France ?
R - Mais absolument. L’Iran est une menace existentielle aussi pour l’Europe. Encore une fois, le programme de prolifération nucléaire iranien - et ça, c’est quelque chose que la France dit, mais aussi l’Allemagne et le Royaume-Uni - est vraiment très problématique et il faut que nous arrivions à un accord avec les Iraniens pour faire cesser cette crise de prolifération. Encore une fois, l’Iran qui serait doté d’une arme nucléaire représenterait quelque chose d’extrêmement dangereux, non seulement pour la région mais aussi pour l’Europe. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours plaidé pour avoir des négociations avec l’Iran pour limiter leur capacité…
Q - Ce qui, visiblement, n’a pas été très convaincant. Est-ce que la France a vraiment un rôle à jouer dans ce qu’on est en train de vivre ? Est-ce que la France est écoutée ?
R - Il y a toujours des cycles de négociations qui sont en cours. D’une part, entre les Iraniens et les Européens - c’est ce qu’on appelle les discussions E3+Iran. Il y a un canal de négociations qui a été rouvert entre les Iraniens et les Américains. Et ça, c’est quand même quelque chose d’assez nouveau. Donc, bien évidemment, ça va dans le bon sens. Mais vous savez comme moi que, de toute façon, on a une question de calendrier. L’actuelle résolution s’arrête au mois d’octobre. Et il faut que d’ici le mois d’octobre nous ayons réussi à retrouver une solution pour permettre cette limitation. Or, on a quand même constaté, et c’était le cas il y a quelques semaines, que les Iraniens font des déclarations en indiquant qu’ils accélèrent l’enrichissement de l’uranium. Enfin, ils prennent toute une série de mesures qui ne vont absolument pas dans le bon sens.
(…)
Q - Merci, Messieurs.