Iran - Inde/Pakistan - Entretien de M. Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec "France Info" (Paris, le 7 mai 2025)

Partager

Q - Section 209, section de haute sécurité de la terrible prison d’Evin, près de Téhéran en Iran. C’est là que sont toujours retenus depuis trois ans, aujourd’hui, deux Français : Cécile Kohler et Jacques Paris, accusés d’espionnage. Bonjour Christophe Lemoine.

R - Bonjour.

Q - Merci de nous rejoindre. Vous êtes porte-parole du Quai d’Orsay, du ministère des Affaires étrangères français. Après trois ans, ils sont à bout de force, disent ce matin encore leurs proches. Est-ce que vous avez, vous, ces dernières heures, de leurs nouvelles ?

R - Vous savez qu’il est toujours difficile d’avoir de leurs nouvelles. Nous essayons de faire des visites le plus souvent que nous pouvons. Nous demandons aux autorités iraniennes d’avoir accès à eux. Malheureusement, les autorités iraniennes nous le refusent très régulièrement, très souvent.

Q - Donc la dernière fois, c’était quand, par exemple ?

R - C’était il y a quelques semaines, mais pour reprendre sur la globalité de leur temps de détention, en trois ans, les autorités iraniennes n’ont autorisé que quatre visites de la part de l’ambassade, ce qui est très peu. Ce que nous avons condamné, ce que nous avons dit aux autorités iraniennes, et d’ailleurs à ce propos nous allons déposer une requête devant la Cour internationale de justice dans les prochains jours pour appeler l’Iran à respecter ses obligations en matière de droit international sur ce sujet.

Q - Oui, pour violation du droit à la protection consulaire, c’est ça ?

R - Absolument, c’est tout à fait ça.

Q - Le 17 mars, un autre otage, Olivier Grondeau, lui, est arrivé en France, libération qui a été possible. Pourquoi celle de Cécile Kohler et de Jacques Paris ne l’est pas à ce stade ? C’est vrai que vu de l’extérieur, on pourrait avoir du mal à comprendre pourquoi Olivier Grondeau a pu sortir et pas eux. Pourquoi leur dossier est-il plus complexe ?

R - On s’est effectivement réjouis de la sortie d’Olivier Grondeau, qui est l’aboutissement d’une discussion et d’une pression qui a été mise sur les autorités iraniennes. Pour être très franc avec vous, on est un peu, avec l’Iran, dans le royaume de l’arbitraire, et nous menons les discussions au cas par cas. Nous exerçons une pression constante, puisque c’est une priorité de nos autorités, mais il est très difficile, si vous voulez, de savoir pourquoi pour l’un ça va plus vite et pour l’autre ça va moins vite. Encore une fois, il n’y a pas vraiment de rationalité dans cette affaire. La détention de Cécile Kohler et Jacques Paris, c’est une détention arbitraire. Ils sont dans une situation qui est en fait éloignée de toute forme de légalité. Je pourrais vous rappeler tous les droits qui leur sont refusés, qui sont pourtant des droits fondamentaux auxquels toute personne détenue a le droit…

Q - Comme quoi, par exemple ?

R - Par exemple, ils n’ont pas de libre accès à un avocat. Je vous parlais des visites consulaires qui sont extrêmement rares. Il leur est interdit d’évoquer le processus judiciaire, ce qui est quand même assez extraordinaire puisqu’ils sont dans un processus qu’ils ne peuvent pas évoquer. Ce sont vraiment des conditions qui sont éloignées de toute forme de légalité. Donc, on est en plein royaume de l’arbitraire. Encore une fois, on s’est réjoui vraiment de la libération d’Olivier Grondeau. C’est la preuve que la méthode que nous employons, la méthode de la pression sur les autorités iraniennes, fonctionne. Nous continuerons sans relâche pour Cécile Kohler et Jacques Paris jusqu’à ce qu’ils soient libérés.

Q - C’est ce que dit Emmanuel Macron également ce matin, le fait que la France agisse sans relâche. Mais Louis Arnaud, lui aussi otage en Iran, qui a été libéré, était ce matin l’invité de France Info, il estime, écoutez-le, que la France ne fait peut-être pas le maximum.

(…)

Q - L’exécutif français n’est pas totalement au rendez-vous. 17 anciens otages en Iran. Louis Arnaud sur France Info. Christophe Lemoine, vous êtes porte-parole du Quai d’Orsay. Qu’est-ce que vous lui répondez ?

R - Que l’ensemble des choses qu’il cite sont des éléments qui participent de la pression que nous mettons sur les autorités iraniennes. Les sanctions européennes qui ont été décidées il y a peu visent directement les responsables de cette politique d’otages d’Etats. Ce sont des sanctions qui ont été adoptées à 27 à l’initiative de la France…

Q - Donc il n’y a pas un évitement de certains responsables iraniens ?

R - À ma connaissance, non. Et puis, encore une fois, la requête qui va être déposée devant la Cour internationale de justice, effectivement, c’est sur la question de la protection consulaire, mais qui est un point extrêmement important. Encore une fois, je pense que pour Cécile Kohler et Jacques Paris, qui sont dans des conditions de détention absolument abominables, le contact avec les autorités de l’ambassade est absolument nécessaire et c’est un point qui est extrêmement important. Donc cette requête qui va être déposée devant la CIJ, elle vise aussi à montrer clairement que l’Iran ne se conforme pas à ses obligations au regard du droit international.

Q - Et donc vous estimez que l’Etat est à la hauteur et que c’est votre priorité numéro un aujourd’hui de les faire libérer ?

R - Absolument, et c’est une méthode qui a été utilisée précédemment sur d’autres cas dont nous avons obtenu la libération, et nous avons bon espoir que nous obtiendrons la libération de Jacques Paris et de Cécile Kohler.

Q - Christophe Lemoine, un autre dossier, une autre question cette fois sur la situation entre l’Inde et le Pakistan, qui fait l’actualité également ce matin. La frontière entre les deux pays s’embrase, ils se sont mutuellement bombardés, des dizaines de morts. Est-ce que vous appelez, au nom de la France, les ressortissants français par exemple à quitter la région ?

R - Ce qui est certain, c’est que déjà, comme l’a dit le Ministre ce matin, nous appelons et l’Inde et le Pakistan à la retenue, parce qu’il ne faudrait pas qu’il y ait une escalade militaire entre ces deux pays. Il y a une question de frontières qui est assez délicate, mais l’appel a été passé aux autorités indiennes et pakistanaises, un appel à la retenue. S’agissant de votre question plus spécifiquement, nous suivons évidemment avec attention la situation. Pour le moment, nous n’avons pas changé nos conseils aux voyageurs, donc nous n’avons pas émis de demandes ou d’invitations à quitter le territoire, mais nous sommes extrêmement vigilants à l’évolution de la situation qui, effectivement, a fait des morts civils dans les régions frontalières entre l’Inde et le Pakistan.

Q - Merci beaucoup Christophe Lemoine pour votre réaction en direct sur France Info, porte-parole du quai d’Orsay.