États-unis/Proche-Orient - Entretien de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec « France Info » (Paris, 6 février 2025)
Q - Aucun dirigeant dans le monde ne soutient l’idée de Donald Trump, qui veut prendre le contrôle de Gaza, évacuer ses habitants et faire du territoire « la Côte d’Azur du Proche-Orient ». D’ailleurs, la Maison-Blanche a quelque peu nuancé les propos explosifs hier du président américain. Et même si le président a méricain estime que « tout le monde adore sa proposition », les États-Unis ne financeront pas non plus la reconstruction à Gaza. Ça, c’est ce qu’a précisé hier la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt. Mais quelle est la position de la France dans ce dossier, après les annonces tonitruantes de Donald Trump hier ? Christophe Lemoine est porte-parole du Quai d’Orsay.
R - La France est totalement opposée à un tel projet, et ce pour plusieurs raisons. D’une part parce que le déplacement forcé de la population palestinienne en dehors de Gaza constituerait une entrave et même une violation grave du droit international. Mais surtout parce que ça irait à l’encontre des aspirations légitimes du peuple palestinien de vivre à Gaza. Et enfin parce que ça serait une entrave majeure à la mise en place d’une solution à deux États.
Q - Une solution que la France a toujours défendue. Un État pour les Israéliens, un État pour les Palestiniens. On comprend bien que ce serait la fin de ce scénario, si l’idée de Donald Trump était mise en place ?
R - Absolument, parce que l’idée de deux États qui cohabitent en paix et en sécurité côte à côte suppose que la population palestinienne soit sur le territoire palestinien, bien évidemment.
Q - Ce qui est compliqué, c’est qu’avec Trump, c’est un peu à chaque jour un nouveau sujet, une nouvelle proposition choc. Est-ce qu’en tant que diplomate, en tant que voix de la France, on est obligé de réagir à chaque fois ?
R - Quand la proposition est formulée dans de tels termes, oui, il faut réagir. Il faut redire effectivement que si cette solution devait être poussée plus en avant, ce serait plus qu’une mauvaise idée, ce serait un facteur de déstabilisation régionale assez massif et, surtout, ça irait totalement à l’encontre de tout ce qui a été fait depuis 1948 en faveur de la population palestinienne et de toutes les résolutions de l’ONU. Ce serait quelque chose d’extrêmement majeur.
Q - Mais est-ce que dans, les milieux diplomatiques, on comprend un peu où il veut en venir ? Est-ce qu’il y a eu des échanges, peut-être, avec les pays arabes ? Est-ce que vous avez demandé des détails au secrétariat d’État américain ?
R - C’est une déclaration qui a été faite récemment. Donc on a réagi à cette déclaration. Ensuite, nous verrons comment la discussion évolue. Encore une fois, nous avons une longue coopération avec les États-Unis, qui est un pays allié. Nous avons des discussions avec les États-Unis sur la région du Proche-Orient, de manière très dense. Je vous rappelle qu’on a été les promoteurs, avec les États-Unis, de l’accord sur le cessez-le-feu au Liban qui a été signé le 26 novembre dernier. C’est une coopération qui est ancienne et nous continuerons de travailler avec nos alliés américains. Simplement, il nous semblait utile et important de redire notre ferme opposition à tout projet qui viserait le déplacement forcé de la population palestinienne.
Q - Continuer à travailler avec les Américains, mais est-ce que, quand on décrypte un peu les coups de pression de Donald Trump ces dernières semaines… Est-ce qu’en Europe on considère toujours Donald Trump comme un allié ? Ou est-ce que, petit à petit, il devient une sorte d’adversaire à notre souveraineté, à notre sécurité, à nos intérêts ?
R - C’est le président élu par le peuple américain. Encore une fois, on n’a pas de commentaires à faire sur ce point-là. C’est le président d’un pays avec lequel nous avons des relations anciennes et denses, un dialogue qui concerne tous les sujets, et nous continuerons à parler de tous les sujets avec l’administration de Donald Trump. Ensuite, que le ton et la méthode aient changé par rapport à son prédécesseur, c’est une chose. Mais sur le fond, ce qui est important, c’est que nous continuions à avoir un dialogue avec l’administration Trump.