Entretien de Pascal Confavreux, porte-parole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec « Al Jazeera » (Paris, 25 novembre 2025)

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Q - Quelle est la réaction de la France face aux récentes violations du cessez-le-feu à Gaza ?

R - Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a été très clair, jeudi dernier à Bruxelles : nous appelons toutes les parties prenantes à respecter le cessez-le-feu qui a été mis en place suite à l’accord de Charm el-Cheikh. Toutes les parties doivent le respecter. Et nous sommes conscients que ce cessez-le-feu est fragile, mais c’est notre meilleure chance pour aboutir à un accord de paix durable.

Cet accord de paix, ensuite, c’est celui qui doit être fondé sur, à la fois ce que nous avons bâti en franco-saoudien, en septembre, à l’Assemblée générale des Nations unies. Et puis le plan de paix, dans la foulée, à la fin du mois de septembre, qui doit maintenant entrer dans sa phase d’opérationnalisation. C’est-à-dire, avec d’un côté des besoins d’avancer sur le sujet humanitaire, ensuite d’avancer sur les sujets de gouvernance, et enfin d’avancer sur les sujets de stabilisation sécuritaire.

Q - Comment Paris évalue-t-elle la mise en œuvre du plan de cessez-le-feu soutenu par les États-Unis et approuvé par les Nations unies ?

R - Il y a eu ce vote de la résolution 2803 au Conseil de sécurité des Nations unies. La France a joué, à ce moment-là, un rôle constructif pour que les différents points de vue des parties y soient bien représentés, et notamment qu’on mette bien aussi l’horizon de l’État palestinien. Cet endossement est désormais un point de départ pour capitaliser sur la situation.

Nous avons trois priorités. Une : c’est la reprise massive de l’accès à l’aide humanitaire. Ce n’est pas le cas encore. Nous appelons à l’ouverture des points de passage qui ne le sont pas encore. Nous appelons à la reprise, notamment par les différentes ONG, de cette aide humanitaire. Le deuxième point, c’est le déploiement rapide de la force internationale de stabilisation. Pourquoi ? Parce que c’est celui qui va assurer la sécurisation des opérations humanitaires, c’est celui qui va apporter aussi une sécurité localement, pour éviter les violences, et donc pour permettre la reconstruction, et enfin pour réaffermir l’établissement de l’État palestinien localement. Et puis, troisièmement, la réforme de la gouvernance. Comme vous le savez, quand le président Abbas était à Paris, le 11 novembre dernier, lors de sa rencontre avec le Président de la République Emmanuel Macron, ils ont décidé ensemble d’établir un comité conjoint pour consolider l’État de Palestine. Notamment, les différents points que le président Abbas avait indiqués dans son courrier au Président Macron, le 9 juin dernier : c’est-à-dire la réforme constitutionnelle, l’organisation d’élections libres, la fin du système « pay for slay » - et surtout l’audit de cette fin du système « pay for slay » -, et puis enfin, la réforme des manuels scolaires. Toutes ces réformes qui sont déjà engagées et sur lesquelles on a besoin d’apporter des preuves, et surtout de les soutenir dans la durée.

Q - Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet européen visant à former 3 000 membres des forces de police et de sécurité palestiniennes ? La France a évoqué la possibilité de déployer une force de gendarmerie dans les territoires palestiniens : quelle serait sa mission et son cadre d’intervention ?

R - Nous soutenons le déploiement rapide de cette force internationale de stabilisation. Dans ce projet de stabilisation, il y a la volonté de soutenir le déploiement des forces de sécurité intérieure palestiniennes, qui pourraient se monter jusqu’à 3.000 personnes. Et dans ce cadre-là, la France est prête, comme le ministre Jean-Noël Barrot l’a annoncé la semaine dernière, la France est prête à déployer jusqu’à une centaine de gendarmes français pour venir les accompagner dans leur formation, à travers notamment des programmes européens, tels que EUBAM Rafah, qui est le programme de soutien au point de passage à Rafah, ou le programme EUPOL COPPS de formation des forces de sécurité intérieure palestiniennes.

Notre objectif est là de démultiplier les actions de formation des policiers palestiniens en vue de leur déploiement à Gaza, et de renforcer plus largement notre action de conseil à l’Autorité palestinienne sur ces sujets. C’est vraiment cet axe-là que nos gendarmes, jusqu’à une centaine, assureront, en particulier avec l’État palestinien. Et vous le savez, nous sommes très investis dans les opérations européennes sur ces sujets, et notamment le programme EUPOL COPPS, qui existe depuis quelques temps, et par lequel cette action passera.

Q - Quelles sont les prochaines étapes concernant la coordination franco-égyptienne sur l’aide humanitaire destinée à Gaza ?

R - L’aide humanitaire à Gaza, c’est un point sur lequel la France est extrêmement engagée depuis le début, depuis le 7 octobre 2023 et encore aujourd’hui. À titre national, la France, et le Président l’a annoncé le 11 novembre dernier, s’engage à hauteur de 100 millions d’euros en 2025, comme nous l’avons fait en 2024 avec cette même somme et comme nous l’avons fait auparavant.

Notre aide est dans la durée. Elle s’incarne aussi par des aides d’envois de matériels, d’aides alimentaires, d’aides en médicaments, d’aides en abris, de plusieurs dizaines de tonnes, qui sont en préparation.
Le ministre Jean-Noël Barrot s’est entretenu avec son homologue égyptien en marge du G20 à Johannesburg, le 23 novembre dernier. Ils ont évoqué notamment le projet de conférence humanitaire que nous prévoyons de coorganiser avec notre partenaire égyptien sur ce sujet, nous l’espérons, dans les toutes prochaines semaines, soit à la fin de l’année, soit au début de l’année prochaine.

Source : Al-Jazeera