TRANSVERSALES - Entretien avec Amaury Mallet (publié le 25.06.19)

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La délégation aux fonctionnaires internationaux (DFI) poursuit sa série d’entretiens, dédiée à nos compatriotes qui occupent des postes dits "transversaux", qui peuvent être exercés dans de nombreuses organisations internationales (OI).

Amaury Mallet, vous travaillez comme conseiller en gestion de recrutement au siège du Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS). Quel est votre parcours professionnel et pourquoi avoir choisi l’UNOPS ?

Je suis diplômé d’école de commerce en France et en Belgique. Mes premières expériences étaient en cabinets de recrutement pour travailler sur des missions de recrutement de postes seniors et complexes. Une étape clef de ma carrière a été mon stage. Cette opportunité offerte par mon école de commerce française m’a permis de développer de solides bases en recrutement et me faire remarquer dans ce domaine (petit conseil pour les jeunes diplômé(es) : ne négligez pas votre stage et faites au mieux pour trouver un(e) bon(ne) maître de stage). J’ai ensuite été chassé (eh oui les chasseurs de tête se font aussi chasser) pour rentrer dans une multinationale danoise, un des leaders mondiaux dans l’équipement d’usine de cimenterie de de minéraux. J’ai travaillé sur des missions complexes de recrutement principalement basées en Afrique et en Asie. J’ai ensuite été promu responsable de recrutement monde et ai eu l’opportunité de former des recruteurs de très bonne qualité. Je suis ensuite entré à l’UNOPS.

Un jour sur LinkedIn j’ai vu une offre d’emploi de cette organisation qui recherchait un Talent Outreach Advisor (conseiller en gestion de recrutement). Ce qui m’a immédiatement interpellé était les responsabilités du poste, le mandat de l’UNOPS et son business plan. Je me suis rendu compte que cette entité onusienne portait un très fort accent sur ses résultats principalement dus à son modèle d’autofinancement. Personnellement, j’ai toujours voulu travailler dans un contexte international du fait de la richesse des projets et des personnes mais je n’avais jamais pensé à l’ONU – pensant que c’était réservé aux énarques/ Sciences Po et surtout qu’il fallait avoir des relations dans le monde onusien (venant d’une école de commerce, du sud de la France et fils d’artisan, je ne collais pas trop à ces stéréotypes). Cependant j’ai tenté ma chance et ai envoyé mon CV.

A ma grande surprise, quatre semaines plus tard, j’ai reçu un courriel de la part de l’UNOPS me disant que mon profil les intéressait et m’invitant à passer des évaluations. Quelle surprise ! Je me suis dit que finalement l’ONU/UNOPS n’était pas si long à revenir vers les candidats et que c’était peut-être possible de rentrer chez eux.

En quoi le métier d’un recruteur pour une organisation internationale diffère-t-il de celui d’un recruteur pour des entreprises privées ?

Lorsque je suis rentré à l’UNOPS, je me suis rendu compte que finalement il n’y avait justement pas trop de différences avec le privé dans les tâches quotidiennes. Nous travaillons vraiment et bien !

Cependant l’UNOPS m’a recruté pour améliorer les pratiques en matière de recrutement. Selon moi un(e) recruteur(euse) n’est pas un agent administratif (nous ne sommes pas là pour remplir des fiches ou écrire des rapports). Un(e) recruteur(euse) doit recruter. Cela veut dire activement rechercher et évaluer les meilleurs candidats. Cependant sur ce point-ci, il y a bien une distinction sur la définition des responsabilités des RH en charge du recrutement entre le privé et les entités publiques. L’ONU/UNOPS par son mandat, son positionnement, et ses avantages était jusqu’ici capable d’attirer et de recruter des candidats en se basant sur une stratégie de publication d’offres d’emploi (inbound strategy). Or, nous avons de plus en plus de mal à recruter. Il faut donc changer nos méthodes et les diversifier afin d’attirer de nouveaux profils.

Après deux ans au sein de l’UNOPS et de nombreuses formations données auprès de mes collègues RH en charge du recrutement, l’UNOPS a une approche beaucoup plus moderne. C’est-à-dire que, par exemple, nous portons plus d’attention sur l’expérience candidat dans les procédures de recrutement, nous publions les annonces sur plus de sites Internet/plateformes afin de développer la visibilité de nos offres vis-à-vis d’un public plus varié, nous encourageons les personne en « minorité » dans notre organisation à postuler (par exemple, les femmes), nous utilisons les réseaux sociaux et allons à la rencontre du public dans les universités et foires aux emplois.

Une autre différence porte sur l’importance de développer la diversité dans notre masse salariale. Au-delà de notre devoir onusien sur ce sujet, la diversité permet d’améliorer nos performances et ainsi la qualité des résultats pour nos bénéficiaires. Nous faisons donc beaucoup d’effort pour améliorer la diversité de nos candidatures. Notre directrice exécutive, Grete Faremo, nous a demandé par exemple d’atteindre la parité des sexes au sein de l’UNOPS. Ayant une représentation en majorité du sexe masculin, nous nous efforçons actuellement d’attirer les meilleurs talents, notamment féminins. Un des avantages organisationnels d’insérer une politique de genre dans nos politiques RH est qu’il permet d’augmenter la qualité de nos recrutements.

Une autre différence est sur l’utilisation des politiques (les règles). Dans le privé, les politiques RH sont souvent flexibles mais dans le public c’est moins le cas. Cela permet de travailler de façon plus transparente et équitable pour toutes et tous. Nos politiques RH sont régulièrement revues afin d’être améliorées (si possible simplifiées) pour être plus efficace et agile. Voilà peut-être pourquoi l’UNOPS arrive à avoir des procédures de recrutement clôturées en moyenne en deux mois.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ? Et le moins ?

J’aime particulièrement la richesse et l’engagement de mes collègues. Je suis ravi de travailler avec des femmes et des hommes de différents horizons, qui soient si passionnés par leur travail. Les notions d’excellence et de résultat sont omniprésentes au sein de l’UNOPS (et cela me plaît beaucoup !) Les projets et les questions sont très variés dans notre agence. Par exemple, les équipes RH en Afrique centrafricaine n’ont pas les mêmes défis que nos collègues à Bangkok ; ou encore un responsable de projet au Brésil n’a pas les mêmes questions que notre directrice régionale du Moyen Orient. Ainsi, je n’ai pas de sentiment de routine et ça j’adore ! Cela me permet également de rester au niveau et de trouver de nouvelles améliorations.

Ce qui me plaît le moins, c’est peut-être les procédures d’achat qui restent selon moi très administratives mais heureusement les équipes d’achat nous soutiennent très bien et ont aussi pas mal d’humour…

Est-il plus compliqué qu’avant de travailler en organisation internationale ? Parlez-nous des tests, des entretiens basés sur les compétences, qui peuvent faire peur aux candidats français.

Je ne pense pas qu’il soit plus compliqué de travailler dans les organisations internationales (OI). Une expérience passée dans une multinationale ou environnement complexe permet certainement de savoir naviguer dans de tels environnements. Ce qui naturellement permet de pouvoir s’intégrer plus facilement dans les OI.

En ce qui concerne les procédures de sélection, au sein de l’UNOPS elles sont très pragmatiques :
(1) Nous sélectionnons les candidats les plus pertinents (la shortlist) pour être invités aux évaluations.
(2) Les candidats shortlistés sont invités à passer des tests techniques afin d’évaluer leur(s) expertise(s).
(3) Puis, nous sélectionnons les meilleurs candidats pour les entretiens basés sur les compétences (appelé Competency Based Interview, CBI).

Si plusieurs candidats passent la sélection pour un poste en particulier, nous offrons le poste au meilleur candidat en fonction de la qualité des références, les éléments souhaitables complémentaires (exemple : expérience passée dans le pays du lieu d’affection ou dans un domaine particulier, connaissance de la langue locale, diplôme/certification complémentaire etc), et en prenant en compte la diversité des équipes qui recrutent (tels que le genre, la nationalité, etc).

Il est vrai que les entretiens sous forme de CBI peuvent parfois déstabiliser les candidats. Ceci peut être résolu par une meilleure préparation au CBI. Durant les entretiens CBI, tous les candidats doivent démontrer entre trois et cinq compétences basées sur leurs expériences passées. La qualité des réponses est liée à la qualité des situations passées expliquée par la ou le candidat(e).

Mes conseils aux candidats pour se préparer à passer les entretiens CBI :
1. Avant l’entretien,
a. Familiarisez-vous avec les cadres des compétences. A l’UNOPS nous avons huit compétences et elles sont stipulées sur chaque offre d’emploi.
b. Préparez quelques situations passées qui vous permettront de démontrer chaque compétence.
c. Préparez et organisez votre argumentation de vos situations passées (vos exemples) avec la méthode STAR (Situation, Travail, Action, Résultat)
2. Durant l’entretien :
a. Mettez-vous dans un environnement calme et soyez à l’aise.
b. Lorsqu’une question est posée, prenez une peu de temps avant d’y répondre. N’hésitez pas à prendre entre 30 secondes et 1 minute.
c. Si vous ne comprenez pas bien la question, paraphrasez la question pour confirmer le sens ou encore demandez au panel de reformuler.
d. Utilisez la première personne du singulier « je ».
e. Soyez clair(e), concis(e) et restez positif(ve)
3. A la fin de l’entretien :
a. N’hésitez pas à poser des questions qui permettent de montrer votre intérêt pour la position vacante. Exemple : quels sont les deux plus importants défis du poste ? Les priorités à mettre en place durant les six premiers mois ? Quelle sont les compétences/expertises que vous recherchez qui permettront de réussir dans le poste ?

Vous avez récemment participé à l’événement organisé à Paris le 24 mai 2019 par la DFI pour convaincre des femmes du secteur privé de rejoindre des organisations internationales. Leur expérience professionnelle peut-elle intéresser des agences comme l’UNOPS ?

Oui sans aucun doute. Nous recrutons des talents qui viennent de tous secteurs. Plus nos équipes sont diversifiées, par exemple par leurs expériences sectorielles ou le genre, plus elles sont performantes. Nous recherchons à recruter des candidats de très bonne qualité, ainsi nous ne pouvons pas nous fermer sur un secteur en particulier, sinon nous serions tous des clones. De fait, beaucoup d’entre nous sont issus du secteur privé.

De plus, par la nature des domaines d’activités de l’UNOPS, nous recrutons des talents aux profils très variés. Nous recrutons par exemple beaucoup d’ingénieur(e)s en génie civil, d’architectes, de spécialistes en cybersécurité, de développeur(e) IT, de responsables de pays/programme ayant un parcours en développement d’infrastructure dans des pays fragiles. Souvent ces profils sont plus présents en dehors des OI ; ce qui nous permet donc d’enlever les exigences sectorielles.

Est-il difficile de faire vivre la francophonie au sein de votre agence ?

Il n’est pas difficile de faire vivre la francophonie au sein de l’UNOPS mais il est vrai que nous avons du mal à recruter des francophones. Il y a plusieurs raisons à cela et aujourd’hui nous mettons en place des initiatives pour justement palier ce problème. L’UNOPS recherche des francophones car nous avons un grand nombre de projets dans les pays francophones, principalement en Afrique de l’Ouest, au Maghreb, et en Haïti.

Alors cher(ères) francophones n’hésitez pas à postuler chez nous ! Les femmes sont fortement encouragées à postuler.

Pour terminer, quels conseils pratiques donneriez-vous aux candidats qui souhaiteraient postuler à l’UNOPS ?

1) Consultez https://jobs.unops.org/Pages/ViewVacancy/VAListing.aspx
2) Sélectionnez une offre qui vous intéresse vraiment
a) La nature des fonctions correspond-elle à vos objectifs de carrière ?
3) Vérifiez que vous répondez aux exigences du poste
a) Exigences : formation, certifications, expérience professionnelle, langues
4) Postulez à l’offre
• Remplissez correctement le questionnaire (mettez en avant les exigences)
• Envoyez votre candidature avant la date butoir

Pour aller plus loin :


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