Paroles d’expert/e : Entretien avec Océane Albert, fonctionnaire internationale française à Parme

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Océane Albert, responsable scientifique au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Quels sont les enjeux de votre poste, ses principales missions, son positionnement dans l’organisation ?

Je travaille au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L’EFSA est une agence de l’Union européenne créée en 2002 dans le but de servir de source impartiale d’avis scientifiques pour les gestionnaires des risques et de communiquer sur les risques associés à la chaîne alimentaire, de la ferme à la table. Elle est basée à Parme, en Émilie-Romagne, au cœur de la Food Valley italienne.
La plupart des évaluations par l’EFSA répondent à des demandes émanant principalement de la Commission européenne, mais aussi du Parlement européen et des États membres de l’Union européenne, qui nous demandent de pourvoir des opinions scientifiques neutres et éclairées sur des dossiers très variés tels que les contaminants alimentaires, les résidus de pesticides ou les additifs.
En tant qu’officier scientifique dans l’unité « Nutrition et innovation alimentaire », je suis chargée de coordonner l’évaluation des risques liés à la consommation des nouveaux aliments, c’est-à-dire d’aliments n’ayant pas été consommés de manière significative en Europe avant mai 1997. Cela inclut par exemple les nouvelles molécules destinées à remplacer le sucre, les insectes comestibles, ou les extraits de plantes comme le cannabidiol (CBD). En pratique, je coordonne la collecte, l’analyse et l’évaluation des données pertinentes pour l’évaluation des risques associés à la consommation de ces nouveaux aliments. Nous travaillons en collaboration avec les experts internationaux du groupe de travail sur les nouveaux aliments et du panel sur la nutrition, les nouveaux aliments et les allergènes alimentaires (NDA Panel).

Quel a été votre parcours ?

Durant mes études supérieures à l’Institut national agronomique de Paris-Grignon (devenu AgroParisTech), mon intérêt s’est naturellement tourné vers la biologie fondamentale et la recherche. En 2009, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur agronome doublé d’un master recherche en reproduction et développement de l’Université Paris Diderot. J’ai ensuite obtenu une bourse pour poursuivre des études doctorales en toxicologie de la reproduction à l’Institut de Recherche en Santé, Environnement et Travail (IRSET) à Rennes. Mon doctorat en poche, je me suis expatriée au Canada pour me spécialiser encore davantage en toxicologie en tant que chercheuse postdoctorale dans le département de pharmacologie et thérapeutiques de l’Université McGill à Montréal. Mes projets de recherche avaient pour but d’identifier les effets de produits chimiques présents dans l’environnement sur la santé reproductive et la fertilité humaines.

Je suis rentrée en Europe en 2018 pour gérer un programme de recherche au sein du Conseil européen de l’industrie chimique à Bruxelles. J’y collaborais avec des scientifiques de l’industrie, d’universités, d’institutions gouvernementales et européennes pour concevoir et mettre en œuvre des projets de recherche améliorant l’évaluation de l’impact des produits chimiques sur la santé humaine et l’environnement.

A l’été 2020, j’ai été recrutée à EFSA au poste d’officier scientifique dans l’unité « Nutrition et innovation alimentaire ». Entrer à l’EFSA n’est pas chose aisée : les processus de recrutement peuvent être longs et compétitifs, mais le jeu en vaut largement la chandelle. Les démarches sont similaires pour un changement de contrat ou de poste. Ainsi, les perspectives d’évolution internes existent plutôt à moyen terme après une première embauche, mais sont bien réelles.

Comment décririez-vous l’environnement de travail en OI et ses spécificités ?

Travailler dans une organisation internationale est extrêmement enrichissant du point de vue professionnel comme personnel : on y rencontre des gens de toutes nationalités, aux parcours souvent hétéroclites et inspirants.

L’EFSA est une agence encore jeune et en pleine expansion, et porte des valeurs d’intégrité, de transparence et d’excellence scientifique très fortes.

L’indépendance est l’une des valeurs clés de l’EFSA. En ligne avec sa stratégie, elle s’engage à préserver l’indépendance de ses experts, de ses méthodes de travail et de ses données contre toute influence externe indue. Le pilier central garantissant l’indépendance de l’EFSA est son conseil d’administration, lui-même consistant en un organe indépendant, dont les membres sont nommés par le Conseil de l’Union européenne, en consultation avec le Parlement européen, et qui sont tenus d’agir dans l’intérêt public.

L’Autorité applique en outre un ensemble de mesures et de pratiques de travail pour préserver l’indépendance de ses travaux scientifiques et éviter les conflits d’intérêts, rassemblées et détaillées dans la politique de l’EFSA en matière d’indépendance.

Quel est l’aspect de votre travail / la mission qui vous passionne le plus ?

Le travail d’officier Scientifique est un travail hautement collaboratif : l’évaluation des risques implique d’interagir au quotidien avec des experts internationaux dans des domaines très variés. Cela me permet de me former constamment sur des sujets qui dépassent mon domaine de qualification initial, la toxicologie, tout en mettant à profit mes compétences scientifiques au service de la santé des consommateurs européens. C’est une mission d’intérêt public extrêmement gratifiante.