Paroles d’expert/e : Entretien avec Christophe Xerri, fonctionnaire international français à Vienne

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Christophe Xerri, directeur à l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA).

Quel a été votre parcours avant ce poste ?

J’ai 61 ans, je suis directeur à l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) à Vienne en Autriche, et c’est mon premier poste dans une organisation internationale. Ce poste que j’occupe depuis maintenant 6 ans est une évolution logique de ma carrière internationale, et de mes interactions et collaborations avec l’AIEA et d’autres organisations internationales (OCDE, European Commission) depuis mon début de carrière. J’ai commencé ma carrière dans l’industrie et sur des projets où j’ai contribué aux travaux de l’AIEA. Affecté au Japon en 2007, je rejoins l’ambassade de France à Tokyo en novembre 2011. Tout lien avec le tsunami et l’accident nucléaire n’est pas fortuit. Après l’industrie et les relations bilatérales, le multilatéral était l’étape logique. Et j’avais construit une expertise technique et diplomatique qui est celle que recherche l’AIEA, une organisation aussi politique que technique.

« L’industrie développe et apporte des solutions, les relations bilatérales visent à développer des coopérations mutuellement bénéfiques aux deux pays, le multilatéral et les organisations internationales apportent une autre dimension : travailler ensemble pour un bien commun, pour un demain meilleur. »

Quels sont les enjeux de votre poste, ses principales missions, son positionnement dans l’organisation ?

Mes fonctions ont deux grands volets : d’une part favoriser l’échange d’expérience et l’élicitation de bonnes pratiques puis en assurer la diffusion par des publications, des bases de données, ou des webinaires ; d’autre part fournir une assistance aux pays qui n’ont pas, ou pas encore, de programme nucléaire conséquent, par des missions d’expertises et des programmes de développement de compétence. Je couvre les domaines du cycle du combustible nucléaire et la gestion de tous les déchets radioactifs, qu’ils viennent de centrales nucléaires ou des équipements de traitement du cancer. J’encadre une équipe d’une soixantaine de personnes venant d’une trentaine de pays et cultures différents et nous interagissons avec 175 pays.
L’industrie développe et apporte des solutions, les relations bilatérales visent à développer des coopérations mutuellement bénéfiques aux deux pays, le multilatéral et les organisations internationales apportent une autre dimension : travailler ensemble pour un bien commun, pour un demain meilleur. C’est une grande satisfaction d’accompagner des pays à gérer de manière durable leurs déchets médicaux, c’est une grande satisfaction de faciliter les collaborations pour le développement des combustibles du futur. Deux sujets importants parmi d’autres qui sont dans mes priorités du moment.

Quel est l’aspect de votre travail / la mission qui vous passionne le plus ?

Le côté multiculturel est passionnant, autant au niveau de la gestion de l’équipe où il faut identifier ce que chacun apporte d’unique (par exemple les Français sont assez conceptuels, d’autres cultures partent du détail concret) pour former une « dream team  » combinant les forces de chacun, que sur l’adaptation nécessaire à chacun des pays avec qui nous travaillons et que je considère comme nos partenaires, parfois nos clients. Inversement, cela demande beaucoup d’humilité, de curiosité, et de respect mutuel. L’innovation et le bon sens viennent aussi des pays en développement. Oublions le coq gaulois dominant ! Mais n’oublions pas d’être fidèle à notre culture française ! Elle est appréciée et reconnue.

Avez-vous reçu un accompagnement de la DFI ? Dans quelle mesure cela a-t-il contribué à votre réussite ?

Le Quai d’Orsay a été directement impliqué pour m’indiquer cette opportunité, puis soutenir ma candidature au niveau politique. Pour plusieurs de mes collègues, la DFI a offert un coaching individualisé qui leur a permis de réussir.

Comment décririez-vous l’environnement de travail en OI et ses spécificités ? Quels enseignements retirez-vous de votre expérience ?

Côté jardin, travailler dans les organisations internationales apporte donc beaucoup de satisfaction. Par contre, attention à ne pas se couper de la France, attention à ne pas s’enfermer dans une bulle idéale et confortable qui isolerait des réalités de terrain au risque de ne plus apporter le soutien ou la valeur ajoutée attendue. Côté cour, il faut être prêt à vivre loin de la France, selon les organisations à accepter des affectations dans des pays pas toujours confortables, être armé de patience pour avancer au rythme des consensus à former, et être déterminé à triompher d’une bureaucratie souvent luxuriante. A chacun son équation. Dans mon équation personnelle, les satisfactions professionnelles et humaines l’emportent largement. La force du collectif et l’impact de ce que nous faisons avec nos états membres pour améliorer aujourd’hui et construire un demain équitable et ambitieux sont des récompenses extraordinaires !
La France est appréciée car elle s’implique de manière constructive dans les organisations internationales, les Français sont reconnus pour leur compétence et leur sérieux, parfois gentiment moqués pour leur arrogance et souvent sollicités pour un conseil gastronomique ou viticole et les dernières tendances de la mode.

Quels conseils donneriez-vous à des personnes souhaitant travailler en OI ?

Si l’expérience vous tente, étudiez bien les différentes organisations, identifiez celles où votre profil correspond à 120% car vous ne serez pas le seul candidat, contactez des Français en poste pour améliorer votre connaissance (nous sommes toujours ravis de répondre), et quand c’est possible contribuez de l’extérieur aux travaux de l’organisation que vous souhaitez rejoindre. Et bien sûr profitez de l’appui que la DFI peut vous fournir ! Bonne chance.