Paroles d’expert/e : Entretien avec Benjamin Hérisset, fonctionnaire international français à Vienne
Benjamin Hérisset, juriste au sein du Secrétariat de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).
Quels sont les enjeux de votre poste, ses principales missions, son positionnement dans l’organisation ?
Je suis juriste au secrétariat de la CNUDCI, le principal organe juridique du système des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international. À ce poste, je contribue aux travaux de la Commission en préparant les documents de travail sur lesquels les États délibèrent, notamment des études de droit comparé dans le domaine du droit commercial international, en rédigeant les rapports des sessions des groupes de travail, mais également en coordonnant les travaux de la CNUDCI avec d’autres organisations actives en matière de droit international des affaires.
Depuis deux ans, j’interviens en particulier dans le Groupe de travail sur le droit de l’insolvabilité, qui élabore des instruments juridiques sur la loi applicable dans les procédures d’insolvabilité et la localisation et le recouvrement d’actifs en matière civile. Les textes européens en la matière sont nombreux et constituent une ressource fondamentale dans le processus d’harmonisation au niveau global.
Comme les textes adoptés par la CNUDCI ne sont pas directement applicables dans les États, une grande partie de mon travail consiste à faire le « service après-vente » auprès des gouvernements et des banques multilatérales de développement impliquées dans des projets de réforme du droit commercial. Je participe notamment à la promotion des instruments de la CNUDCI en matière de partenariats public-privé et d’économie numérique.
Comment décririez-vous l’environnement de travail en OI et ses spécificités ?
Au-delà de l’aspect international qui ne surprendra personne, il faut reconnaître qu’il s’agit d’un univers très hiérarchisé avec des évolutions de carrière qui sont similaires à celles du secteur public national (grilles, grades, etc). L’aspect bureaucratique, souvent moqué, est bien réel. Mais une fois ces contingences intégrées, c’est une véritable mission de service public qui vous attend !
Le travail en équipe est la norme ; il faut constamment veiller à la coordination des multiples acteurs impliqués dans le droit des affaires sur la scène internationale pour faire avancer les projets.
J’ajoute que l’équilibre entre vie de famille et vie professionnelle est vraiment valorisé par les Nations Unies, ce qui permet de concilier les impératifs liés à la carrière (déplacements, déménagements) avec la vie personnelle.
Quel a été votre parcours avant ce poste ? Avez-vous été JEA/VNU dans une OI ?
Avocat de formation, j’ai débuté ma carrière comme volontaire international en administration (VIA) au sein de l’Ambassade de France au Vietnam, dans le secteur de la coopération juridique et du droit. À l’issue de cette expérience très enrichissante, j’ai exercé comme avocat durant deux années au sein d’un cabinet international à Ho Chi Minh Ville, capitale économique du Vietnam.
Je suis ensuite rentré en Europe car j’ai été sélectionné pour un poste de jeune expert associé (JEA) au secrétariat de la CNUDCI. Après 3 ans en tant que JEA, j’ai été recruté par l’organisation sur un poste de juriste, que j’occupe toujours.
Quels conseils donneriez-vous à des personnes souhaitant travailler en OI ?
Mon premier conseil est bien évidemment de postuler, sans hésiter et sans imaginer que la marche est trop haute ou que les candidats sont trop nombreux. Les Français ont beaucoup d’atouts, en particulier la maîtrise de la langue française dans un contexte où les Nations Unies se doivent de répondre aux enjeux propres aux pays francophones, notamment en Afrique.
Ceci dit, il faut bien se renseigner sur les spécificités du mode de recrutement en OI, qui est un peu déroutant pour les Français. Les ressources mises à disposition par la DFI sur son site Internet sont extrêmement précieuses car elles fournissent des informations pratiques et compréhensibles, à l’opposé du jargon onusien.
Un autre conseil est de ne pas vouloir à tout prix et trop tôt rentrer en OI : le monde est vaste et les expériences dans d’autres secteurs, privé ou public, sont importantes et peuvent nourrir utilement une candidature ultérieure.
Les fonctionnaires internationaux français présentent-ils des atouts/points faibles spécifiques d’après votre expérience ?
Au-delà de la langue, qui constitue très clairement un atout à condition de parler également anglais, les Français peuvent se prévaloir de l’excellence de l’enseignement supérieur disponible en France, dans les universités notamment, qui est très appréciée des recruteurs en OI.
L’engagement très fort de la France dans le jeu multilatéral est également un avantage car il fournit par ricochet une grande visibilité aux Français au sein de l’organisation.
Par ailleurs, dans le secteur juridique qui me concerne plus particulièrement, la connaissance du droit français et du droit européen, dynamiques et foisonnants, constituent un atout évident car ils constituent des ressources précieuses dans la construction du droit international ou des standards juridiques en matière de droit commercial international.
Les faiblesses éventuelles résident principalement dans la méconnaissance des mécanismes de fonctionnement et de recrutement des OI, qui sont inspirées du monde anglo-saxon et qui obéissent à des logiques différentes de nos standards (en particulier le fonctionnement des entretiens, qui se concentrent sur les expériences passées des candidats plutôt que sur leur vision du poste).
En outre, la représentation déjà importante des Français dans le personnel des Nations Unies peut conduire à écarter un/e candidat/e français/e pour des questions de représentativité du personnel.