Déclaration à la presse de Catherine Colonna à sa sortie du Conseil Affaires étrangères (17 octobre 2022)

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Propos liminaires de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

Vous avez vu que ce matin, à nouveau, la Russie a frappé des objectifs civils en Ukraine, à Kiev, à Soumy, à Dniepro et ailleurs… Je voudrais commencer par rappeler que frapper des objectifs civils, mener la guerre non sur le champ de bataille mais contre des populations civiles non combattantes ou contre des objectifs civils, est constitutif de crime de guerre. Les membres du Conseil Affaires étrangères ont tous, je crois, à l’unanimité, rappelé leur souhait d’être disponibles s’il le fallait pour adopter de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie, si elle devait, ce que nous n’espérons pas, poursuivre son escalade et sa fuite en avant.
Par ailleurs, nous avons réaffirmé notre unité et notre soutien à l’Ukraine avec, vous l’avez vu, une décision de lancement d’une opération de mission de formation des soldats ukrainiens sur le territoire européen la France prendra sa part, cela a déjà été annoncé- et puis avec une augmentation de ce que nous appelons la facilité européenne de paix, pour aider l’Ukraine à acquérir des matériels et à se défendre. Nous ne sommes pas cobelligérants, nous ne sommes pas en guerre : nous aidons un État agressé - l’Ukraine - à se défendre, comme c’est son droit légitime selon la charte des Nations unies. Donc voilà, pour l’essentiel sur l’Ukraine et je ne reviens pas sur les annonces qui ont été faites par le président de la République et relayées par mon collègue ministre des Armées sur ce que fera la France en complément de ce qu’elle a déjà fait pour aider sur le plan militaire l’Ukraine ou l’aider sur le plan humanitaire et économique.

Nous avons aussi parlé de la Chine. C’est un sujet qui sera évoqué au Conseil européen par nos dirigeants jeudi et vendredi, avec des réflexions sur la base d’un document de la Commission qui reflète bien l’équilibre dans lequel nous souhaitons être, c’est-à-dire coopérer avec la Chine là où c’est possible - c’est possible et nécessaire sur un certain nombre de dossiers comme sur le climat ou pourquoi pas le traitement de la dette, ou la biodiversité ou d’autres sujets- Mais il faut prendre conscience davantage que la Chine affirme sa puissance d’une façon qui est désormais assez loin de son attachement habituel à la stabilité. Le lui dire, tout en entretenant une bonne relation et prendre un certain nombre de dispositions pour nous-mêmes, parler davantage à nos partenaires de l’indopacifique, leur offrir des alternatives, et défendre nos valeurs parce que l’universalisme des droits de l’Homme fait partie de nos valeurs et donc nous ne devons pas renoncer sur ce point.

Nous avons aussi évoqué la situation au Burkina Faso. J’ai noté la condamnation unanime des actes violents qui avaient été commis contre l’ambassade de France et les instituts français.

Et puis nous avons parlé d’autres situations, dans un registre plus positif, pour saluer la décision de lancement d’une mission de l’Union européenne du côté arménien, après l’accord de principe qui avait été conclu entre le Président d’Azerbaïdjan, le premier ministre de l’Arménie, le président de la République et le Président du Conseil européen. Voilà pour l’essentiel, il y a encore pas mal d’autres sujets.

Questions – Réponses  :

Question (AFP) : Votre homologue ukrainien qui était dans son bunker pendant l’attaque sur Kiev a réclamé des sanctions de la part de l’Union européenne et des sanctions contre l’Iran, précisément pour la fourniture de matériel et de drones. Est-ce que le sujet a été abordé ? Est-ce que c’est quelque chose qui est en train de mûrir ?

Catherine COLONNA : Le sujet a été abordé avec d’éventuelles sanctions complémentaires à l’encontre de la Russie si elle devait poursuivre sa fuite en avant, mais un certain nombre de collègues et ministres ont en effet souhaité que l’on approfondisse le travail pour regarder ce qu’il en est de drones iraniens utilisés - semble-t-il - par la Russie en Ukraine. Il peut s’agir d’une violation de résolutions des Nations unies et donc l’Iran - peut-être - s’expose à un certain nombre de sanctions de ce fait. Il faudra poursuivre le travail là-dessus, mais cela a été évoqué.

Question (Agence Europe) : Sur l’Ukraine, les pays baltes demandent la création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression de l’Ukraine par la Russie. Êtes-vous en faveur d’un tel tribunal ?

Catherine COLONNA : Je me suis déjà exprimée sur ce sujet, aux côtés de mon collègue ukrainien d’ailleurs, aux Nations unies, à New York. Nous souhaitons qu’il n’y ait pas d’impunité et la France aide aussi bien la justice ukrainienne que la Cour pénale internationale, qui sont les deux instruments existants dans l’ordre juridique international que nous avons à notre disposition pour faire que les responsables de crimes de guerre et peut-être de crimes contre l’humanité rendent compte de leurs actes. Par ailleurs, cela n’empêche pas des réflexions sur un tribunal ad hoc, s’il avait une valeur ajoutée et s’il était créé de façon légitime pour que ces éventuelles enquêtes et décisions soient respectées. Ces réflexions peuvent avoir lieu, mais nous nous appuyons aujourd’hui et nous devons soutenir les instruments dans l’ordre juridique existant qui nous permettent - qui permettent à la CPI notamment - d’incriminer les responsables des crimes, y compris - ce qu’il ne faut pas oublier- en remontant la chaine de responsabilités.

Question sur la situation au Liban (le Liban a-t-il été évoqué ?)

Catherine COLONNA : Le Liban a fait partie des sujets inscrits à l’ordre du jour. Vous savez que je m’y suis rendue cette semaine. J’y étais vendredi et tous mes collègues ont rappelé l’importance de tenir le calendrier constitutionnel, c’est-à-dire de faire en sorte que les responsables libanais, qui savent s’unir quand il le faut, s’unissent pour désigner un Président à l’échéance du mandat du Président Aoun, qui est le 31 octobre, ou pas trop tard après le 31 octobre, parce qu’il faut de la stabilité au Liban et il faudra aussi mener les réformes économiques et financières indispensables pour que le pays puisse finaliser son accord avec le FMI et avoir une situation économique meilleure que celle d’aujourd’hui, qui est grave, comme vous le savez.

Merci beaucoup.