Pacifique : stratégie et priorités de la France dans la région
La France est active dans le Pacifique pour répondre à la double préoccupation de répondre aux besoins exprimés par les États insulaires, et d’agir en soutien au renforcement de leur souveraineté.
L’océan Pacifique recouvre une zone de 165 millions de km2 soit 30% de la surface de la planète.
14 États insulaires y sont situés (hors Australie et Nouvelle-Zélande), représentant 15 millions de personnes.
Ces États du Pacifique font partie des États les plus vulnérables au changement climatique.
La France est le dernier État européen présent en Océanie (depuis le « Brexit ») à travers les collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie (268 510 habitants), de Polynésie française (279 000 habitants) et de Wallis-et-Futuna (11 151 habitants).
Au-delà de ses territoires, la France est représentée par 7 ambassades (Papouasie-Nouvelle-Guinée, Australie, Nouvelle-Zélande, Vanuatu, Fidji, Samoa et Philippines pour la Micronésie).
Parmi les 10,9 millions de km2 que compte au total la zone économique Exclusive (ZEE) française – la 2ème au monde – 6,8 millions de km2 sont situées dans le Pacifique soit les 2/3 de la ZEE française.
Pour aider les États insulaires face aux effets du changements climatique, la France a quadruplé ses investissements durables et solidaires pour la période 2023-2027.
La visite historique du président de la République au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle-Guinée fin juillet 2023 a permis de mettre en lumière l’ambition renforcée de la France dans la région Pacifique. Le président a notamment insisté sur notre engagement pour le climat, le rehaussement de notre aide au développement et sur le renforcement de notre réseau diplomatique. Ce réseau de sept ambassades bénéficie du soutien de l’Ambassadrice Secrétaire permanente pour le Pacifique qui est désormais basée à Nouméa.
Répondre aux besoins des États insulaires du Pacifique et miser sur le renforcement de leur souveraineté
Les États du Pacifique insulaire revendiquent le droit légitime à définir leurs propres priorités pour la région, au premier rang de laquelle la lutte contre le changement climatique, jugée « existentielle ». Ses conséquences posent des enjeux d’adaptation majeurs : la préparation face à la multiplication des catastrophes naturelles, l’érosion de la perte de la biodiversité dont dépend une partie de leur économie (pêche) ou encore la sauvegarde de leur souveraineté face au risque de submersion liée à la montée des eaux constituent des enjeux plus pressants que partout ailleurs dans le monde.
La résilience et la sécurité au sens large constituent la seconde priorité exprimée par les États du Pacifique. Leurs préoccupations portent d’abord sur la protection civile face à un manque de moyens et la vulnérabilité accrue face aux catastrophes naturelles mais également sur la sécurité maritime pour la préservation notamment des ressources halieutiques, le maintien de l’ordre, ou la sécurité régionale, dans un contexte de regain des tensions.
La France se positionne comme un partenaire de premier plan sur ces thématiques avec des projets à vocation régionale portant sur :
- la résilience face au changement climatique (initiative KIWA) ;
- la réponse aux catastrophes naturelles (partenariat entre la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande dit FRANZ) ;
- la formation à la sécurité (Académie du Pacifique) ;
- les échanges humains (programme d’échanges d’étudiants, de chercheurs et d’académiciens dans le Pacifique).
La France est active dans le Pacifique pour répondre à une double préoccupation :
- répondre aux besoins exprimés par les États insulaires ;
- agir en soutien au renforcement de leur souveraineté.
Il s’agit de permettre aux Îles du Pacifique de se doter des capacités à agir sur ces priorités avec de la formation ou des projets qui s’appuient sur les structures existantes et sont opérés, autant que possible, par les acteurs locaux.
Les organisations régionales sont les relais privilégiés de cette politique : Communauté du Pacifique (CPS), Programme régionale océanien pour l’environnement (PROE) et le Forum des Îles du Pacifique (FIP).
La France cherche également à mobiliser l’Union européenne (UE) sur ses projets régionaux. Seul État membre présent dans la région par ses territoires, la France cherche à « européaniser » son action s’agissant notamment de l’aide au développement et la résilience face au changement climatique.
Une région Pacifique qui voit le retour à une logique de puissance, avec l’émergence de « nouveaux impérialismes »
Le maillage d’îles qui va du voisinage de l’Asie du nord-est à celui de Hawaï dans le Pacifique nord ainsi que l’immense zone économique exclusive qu’elle représente en font autant de points d’intérêt stratégique pour les puissances riveraines.
Le Pacifique constitue l’une des principales zones d’affirmation de l’influence chinoise qui y poursuit des objectifs politiques, économiques, stratégiques et d’influence. Ses actions couvrent un large spectre des secteurs de coopération, s’agissant en particulier de la sécurité. Elle dispose de leviers importants grâce à sa politique d’investissement dans les infrastructures conjuguée à une prise de participation à la dette des pays insulaires qui peut aller jusqu’à 75% de leur PIB.
Face à cette assertivité croissante, les États-Unis renforcent leur politique d’influence et la coordination entre affinitaires dans la région, notamment à travers l’initiative Partners in the Blue Pacific (PBP) qui réunit, en plus des five eyes (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis), l’Allemagne, le Japon et la Corée.
La conclusion d’un accord de sécurité entre la Chine et les Îles Salomon en avril 2022 a alerté l’Australie qui se positionne comme le premier relais de ce bloc souhaitant lutter contre l’influence chinoise et qui, en réaction, a multiplié les accords de sécurité avec les États du Pacifique insulaire (Tuvalu en novembre 2023, PNG en février 2024). Enfin, le partenariat AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis et l’éventuelle extension de son pilier non-nucléaire au Japon voire à la Nouvelle-Zélande s’inscrit davantage encore dans un format de « bloc antichinois ».
La France par la voix du président de la République a constaté au Vanuatu en juillet 2023 « le retour à une logique de puissance dans le Pacifique » et a publiquement mis en garde les États insulaires contre le risque chinois et « l’émergence en Indopacifique, et tout particulièrement de nouveaux impérialismes » qui porteraient « les fondements d’un nouveau colonialisme ». S’il n’existe pas d’ambiguïté sur la proximité entre la France, l’Australie et les autres membres de PBP, la France ne souhaite pas pour autant inscrire son action dans une logique de blocs.
Ce constat s’impose d’autant plus fortement à la France qu’elle favorise l’intégration de ses territoires dans leur environnement régional, tout en restant vigilante quant aux remises en question potentielles de sa souveraineté dans la zone. Les évènements de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie ont ravivé la remise en cause de la légitimité de la présence française y compris au sein d’États de la région qui y sont historiquement favorables.
Mise à jour : juin 2025