La France et la Commission de l’océan Indien

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Créée en 1982 sous l’impulsion de Madagascar, Maurice et les Seychelles, la Commission de l’océan Indien (COI) s’est institutionnalisée en 1984 par l’Accord de Victoria. En 1986, les Comores et la France, présente dans la zone avec ses territoires de La Réunion et Mayotte, ont rejoint l’organisation.

Qu’est-ce que la Commission de l’océan Indien ?

La COI est une organisation régionale insulaire et francophone du sud-ouest de l’océan Indien. En tant qu’organisation intergouvernementale de coopération, la COI met en œuvre des projets collectifs dans des domaines variés et d’intérêt partagé pour ses cinq États membres : la promotion de la paix et de la bonne gouvernance, la sécurité maritime, la gestion durable des écosystèmes, l’adaptation aux effets du changement climatique, la coopération culturelle et universitaire ou encore l’économie bleue.

L’action de la COI s’inscrit dans un réseau dense de partenaires techniques et financiers, notamment l’Agence française de développement (AFD), l’Union européenne (UE), la Banque africaine de développement, l’Organisation internationale de la Francophonie, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Banque mondiale, l’Organisation internationale pour les migrations et le Fonds vert pour le climat.

Pourquoi la France est-elle membre de la Commission de l’océan Indien ?

Par la présence de La Réunion, de Mayotte et des Terres australes et antarctiques françaises, la France entretient des échanges économiques, scientifiques, commerciaux et humains denses avec les pays de la sous-région. L’adhésion de la France à la COI permet d’intégrer pleinement les territoires français d’outre-mer dans la coopération régionale, pour développer ces liens et répondre aux défis communs de la région, notamment la sécurité maritime et la lutte contre les changements climatiques. Une des priorités de la France à la COI est de renforcer l’insertion régionale de Mayotte : lors du 38ème Conseil des ministres de la COI qui s’est tenu en mai 2024 à Maurice, Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État chargée du Développement et des Partenariats internationaux, a rappelé la nécessité de mieux associer Mayotte aux actions de l’organisation régionale.

Depuis son adhésion, la France a renforcé continuellement son engagement dans le cadre de cette organisation, jusqu’à en devenir depuis 2023 le premier bailleur, à travers l’Agence française de développement. Lors de sa présidence en 2021-2022, la France a décliné un agenda innovant et ambitieux autour de l’économie bleue, thématique cruciale pour les États insulaires, afin de penser des stratégies adaptées et durables face aux défis environnementaux.

Quels sont les objectifs et les missions de la COI ?

L’action de la Commission de l’océan Indien se décline en plusieurs axes stratégiques :

  • la stabilité et la sécurité, notamment dans le domaine maritime ;
  • l’intégration économique des États membres, en promouvant l’économie bleue ;
  • la préservation de l’environnement et la gestion des risques climatiques et environnementaux ;
  • la coopération sanitaire ;
  • la coopération scientifique et universitaire ;
  • la promotion de l’égalité de genre, notamment à travers le soutien aux initiatives entrepreneuriales ;
  • le développement des industries culturelles et créatives.

Soutenue par des partenaires financiers comme l’AFD, l’UE ou encore le Fonds vert pour le climat, la COI met ainsi en œuvre des partenariats ambitieux qui s’ancrent dans des projets concrets en lien avec ses priorités, parmi lesquels :

  • le projet MASE (Maritime Security), financé par l’UE, a permis dès 2013 la mise en place d’un système de sécurité et de sûreté maritime régional tout en renforçant la coordination opérationnelle des États dans ces domaines. Un Centre régional de fusion d’informations maritimes (CRFIM) basé à Madagascar et un Centre régional de coordination des opérations (CRCO) basé aux Seychelles ont été créés. Soutenu par l’UE, le projet Safe Seas Africa lui a succédé depuis 2024 et a pour ambition de consolider l’architecture régionale.
  • le projet RECOS (« Résilience des populations et des écosystèmes côtiers du sud-ouest de l’océan Indien »), financé par l’AFD et le Fonds français pour l’environnement mondial, a pour objectif de renforcer la résilience des littoraux et de leurs populations particulièrement vulnérables aux répercussions des changements climatiques. Le projet s’articule autour du renforcement de la gouvernance régionale et nationale des espaces côtiers et marins de l’océan Indien et de la mise en œuvre de projets innovants, tout en encourageant la coopération scientifique régionale et les échanges de bonnes pratiques.
  • le projet METISS (« MEltingpoT Indianoceanic Submarine System »), achevé en 2021, a permis la construction d’un câble à très haut débit reliant Maurice, La Réunion et Madagascar à l’Afrique du Sud. Un consortium éponyme de six opérateurs privés des télécommunications de Madagascar, Maurice et La Réunion a piloté la réalisation du projet. Fer de lance pour l’impulsion puis la structuration du projet, la COI a fait de la connectivité numérique régionale une priorité. Plus performant, le câble METISS constitue une nouvelle infrastructure qui participe à la démocratisation de l’accès à Internet dans la région.

Quel est l’intérêt pour la France d’être membre de la COI ?

En tant que membre de la COI, la France bénéficie d’un cadre de dialogue permanent avec les pays de la région. Cela permet également aux territoires ultramarins français de s’intégrer pleinement à la coopération régionale dans l’océan Indien.

La COI est la seule organisation régionale africaine dont la France est membre. Les cinq États membres de la COI sont également parties prenantes de l’Association des États riverains de l’océan Indien (IORA), ce qui contribue à renforcer les actions communes entre les deux organisations. Dans le cadre de la stratégie de la France pour l’Indopacifique, ces canaux multilatéraux permettent de consolider nos partenariats avec les États de la région pour la construction d’un espace libre, ouvert et inclusif.

Qu’apporte la France à la COI ?

La France est un membre très actif et impliqué dans le fonctionnement de la COI. Elle contribue à hauteur de 40 % du budget de fonctionnement de l’organisation. L’AFD, son opérateur mettant en œuvre sa politique d’aide au développement, est le premier bailleur de la COI.

L’Union européenne, dont la France est membre, est le deuxième bailleur financier de la COI. Au total, la COI administre plus de 200 millions d’euros de projets.
La France apporte également à la COI son savoir-faire dans les différents projets portés par l’organisation, en appui notamment sur les compétences dans ses outre-mer.

Les domaines d’action de la Commission de l’océan Indien

La Commission de l’océan Indien (COI) a gagné, depuis sa création en 1984, un savoir-faire reconnu, au bénéfice de ses cinq États membres.
La COI met en œuvre des projets de coopération et d’intégration régionale en matière d’économie bleue, de gestion des ressources naturelles et des milieux côtiers, de sûreté et de sécurité maritimes, de développement, de pêche, d’environnement et de changements climatiques, de santé publique et de formation universitaire. Elle s’implique également dans la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD).

L’action de la COI se décline en plusieurs axes stratégiques :

Économie bleue : pour une utilisation éthique et durable de la mer
La COI a adopté, en 2019, un plan d’action régional pour l’économie bleue qui sert de cadre pour la réalisation de projets responsables et durables. En effet, l’économie bleue est un label qui prescrit une utilisation éthique et durable de la mer. Ce label englobe des enjeux à la fois économiques et climatiques et valorise les écosystèmes aquatiques et marins à travers l’économie.
L’économie bleue recouvre des défis aussi divers que :

  • la surpêche ;
  • la durabilité des transports maritimes ;
  • la préservation des écosystèmes côtiers et de la biodiversité marine ;
  • la gestion durable des ressources des fonds marins ;
  • le tourisme bleu ;
  • ou encore l’étude des énergies marines renouvelables.

La France, à travers l’AFD, soutient et finance la résilience des espaces côtiers ainsi que la protection des aires marines protégées.

Dans ce domaine qui a constitué une priorité de la présidence française de la COI en 2021-2022, la France a joué un rôle pilote aux côtés de ses partenaires, en menant des projets concrets (journées de nettoyage de plages, formations de pêcheurs, etc.) dans les pays de la COI, ainsi que dans les pays côtiers d’Afrique australe et orientale (Afrique du Sud, Kenya, Mozambique, Tanzanie).

La COI n’est pas la seule organisation de l’océan Indien à considérer que l’économie bleue est un sujet structurant : l’Association des États riverains de l’océan Indien (IORA) a constitué un groupe de travail relatif à ces enjeux. La France y joue également un rôle actif.

Environnement et climat : pour une gestion responsable de nos ressources naturelles

Depuis 2012, la COI est engagée en faveur de la préservation des écosystèmes et la gestion responsable des ressources naturelles et des milieux côtiers, qui est un volet de l’économie bleue. De nombreuses initiatives ont été élaborées avec différents partenaires internationaux tels que les Nations unies, l’Union européenne et l’Union africaine selon trois principaux champs d’action :

Le changement climatique  : la COI a adopté, dès 2012, une stratégie sur les changements climatiques et la réduction des risques de catastrophe afin de soutenir les États membres face aux aléas climatiques. Dans ce cadre, la COI et ses partenaires ont mis en œuvre plusieurs projets qui ont démontré leur efficacité comme le projet Hydromet qui vise à renforcer l’adaptabilité des services chargés d’évaluer les données climatiques.

En matière de sécurité alimentaire le projet SANOI encourage une production agricole résiliente aux impacts du changement climatique.

La biodiversité et la gestion des ressources marines et côtières : grâce à une collaboration étroite avec des partenaires clé comme l’Union africaine, le Secrétariat général de la convention de Nairobi ou encore le Programme des Nations unies pour l’environnement, la COI poursuit la mise en œuvre de ses engagements en matière de gestion et d’utilisation durables des ressources marines et côtières.

La gestion et la réduction des déchets : on estime que 140 000 tonnes de déchets plastiques sont produites annuellement dans les îles de la COI. Un plan d’action régional sur la gestion et la valorisation des déchets a été adopté et sert de cadre pour la mobilisation de fonds et de projets. Pour apporter une réponse diversifiée au problème de la prolifération des plastiques, la COI a développé le projet ExPLOI (Expédition Plastique Océan Indien) qui lutte contre cette pollution en encourageant un changement des mentalités auprès des entreprises et des populations.

Culture : développer les industries culturelles et créatives régionales

À l’occasion du 40e anniversaire de la COI, l’année 2024 a été désignée « Année culturelle », en référence à l’un des objectifs fondateurs de l’organisation qui était de « renforcer les liens d’amitiés » entre les peuples de l’océan Indien. Fortes de leur proximité géographique, humaine et historique, les îles de la COI entretiennent une véritable culture des rivages, singulière par la diversité et la richesse des populations qui les composent.

La promotion culturelle incarne ainsi un levier transversal aux actions collectives portées au sein de la Commission. Le calendrier 2024 est marqué par divers programmes soutenus par l’AFD pour accélérer le développement des industries culturelles et créatives, notamment :

  • le renforcement des capacités et des échanges entre les opérateurs culturels de la région, par la mise en place du fonds d’aide à la mobilité culturelle régionale « AléVini » ;
  • le soutien à l’entrepreneuriat culturel notamment féminin, par le lancement d’un concours photo sur le thème « Parce que chaque voix compte | Pour un rôle accru des femmes et des jeunes dans nos sociétés » ;
  • le lancement de l’appel à écritures pour la 4e édition du prix Indianocéanie, soutenu par l’Organisation internationale de la Francophonie et le Conseil départemental de La Réunion. Cet appel à écriture permet de mettre en lumière le talent et la créativité des écrivains de la région et de valoriser l’expression en langue française. Les premières éditions du Prix Indianocéanie ont récompensé Jean-Pierre Haga Andrianmampandry pour Le jumeau en 2018, Davina Ittoo pour Misère en 2019, Sharon Paul en 2021 pour Le cantique du rasta, ainsi que sept collégiennes mauriciennes pour leur nouvelle Mo, le destin de Kariko à l’occasion d’une édition spéciale jeunesse en 2023.

Garantir la sûreté et la sécurité maritimes dans l’océan Indien

La COI permet à ses États membres d’échanger des informations et des bonnes pratiques ainsi que de coordonner leurs actions en matière de lutte contre les actes illicites en mer, comme la piraterie ou les trafics maritimes, notamment de drogue. Sa contribution à la sécurité et la sûreté des eaux régionales est significative et son expérience est reconnue.

Ce domaine d’action de la COI se traduit en particulier par la création et le renforcement de canaux de partage de l’information maritime. Ainsi, l’un des programmes majeurs de la COI, le programme de sécurité maritime MASE (Maritime Security), a permis, avec le soutien de l’Union européenne, de mettre en œuvre une architecture régionale de sûreté maritime dans l’océan Indien occidental, de Djibouti à l’Afrique du Sud, s’appuyant sur plusieurs centres opérationnels dédiés auxquels participent les marines et autorités de sûreté maritime des États membres. Le programme MASE est aujourd’hui prolongé par le dispositif Safe Seas Africa.
Des efforts sont également réalisés dans la sécurité portuaire, la lutte contre la pollution maritime et la pêche.

Prévenir les catastrophes naturelles

La région est sujette aux catastrophes naturelles et aux risques environnementaux comme en ont encore témoigné les fortes inondations provoquées aux Comores à la suite du passage de la tempête tropicale Hidaya en avril 2024. Toutes les îles de la COI sont concernées et des efforts communs sont menés dans ces domaines en lien avec des acteurs stratégiques comme la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Pour intensifier le plaidoyer climatique des États africains sur la scène internationale, la COI assurera le secrétariat de la Commission des États insulaires d’Afrique.

La présidence française de la Commission de l’océan Indien en 2021-2022

La France a assuré la présidence de la COI de mai 2021 à février 2022. Comptant sur la présence concomitante d’un secrétaire général français, notre présidence a porté un programme ambitieux visant à relancer la coopération régionale post-Covid-19 dans le sud-ouest de l’océan Indien, dans différents domaines : sécurité et sûreté maritimes, mobilité universitaire, risques climatiques, économie bleue et renforcement institutionnel. Cette présidence a été l’occasion de consolider la solidarité régionale, de conforter l’intégration économique des territoires français de l’océan Indien dans leur environnement proche et de promouvoir la Francophonie.

Un souffle nouveau pour la coopération régionale dans le sud-ouest de l’océan Indien

Durant cette présidence, plusieurs projets importants ont été initiés et ont permis d’apporter un souffle nouveau à la coopération régionale dans différents domaines :

  • relancer l’économie et soutenir la création d’un réseau d’entrepreneurs.
    Ainsi, le forum des femmes et hommes d’affaires de l’océan Indien du 18 novembre 2021, organisé par Cap Business Océan Indien, a permis de mettre en relation et de créer des synergies entre les entrepreneurs de la région ;
  • garantir la sécurité et la sûreté maritimes grâce à une coopération entre les États de la région. Un symposium sur la sécurité environnementale a été organisé les 13 et 14 janvier 2022 par le ministère des Armées ; des experts des cinq États membres de la COI y ont participé ;
  • lutter contre la pandémie de la Covid-19 en renforçant le partage d’informations et l’acheminement d’équipements médicaux à quatre États membres de la COI (Comores, Madagascar, Seychelles et Maurice) ;
  • poursuivre la réforme institutionnelle de la COI  ;
  • promouvoir l’économie bleue grâce à l’organisation d’une journée régionale de l’économie bleue dans la région, le 17 juillet 2021. Cette journée a rassemblé 200 participants et a été l’occasion, pour Franck Riester, ministre délégué chargé de l’Attractivité et du Commerce extérieur, de présenter les engagements de la France pour l’économie bleue ;
  • instaurer un espace de dialogue sur les enjeux de coopération humanitaire avec la tenue d’une conférence internationale sur la transition humanitaire dans l’océan Indien en juillet 2021 à La Réunion. Cette rencontre a réuni une grande diversité d’acteurs (ONG humanitaires, agences multilatérales, associations locales, dispositifs public-privé, Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) et des chercheurs universitaires ;
  • développer la résilience face aux imprévus météorologiques, hydrologiques et climatologiques. En ce sens, le projet Hydromet a été lancé le 26 novembre 2021 à l’occasion du Conseil des ministres de la COI. Il bénéficie d’un financement de 60 millions d’euros par l’AFD, l’UE et le Fonds vert pour le climat ;
  • développer les mobilités au sein de la zone COI. Dans cette perspective, les premières Assises régionales de la formation et de la mobilité professionnelle ont eu lieu en février 2022. Celles-ci ont rassemblé tous les acteurs de la zone afin de faire le point sur les formations existantes, les besoins et l’élaboration des grands axes d’un programme régional de mobilité.

La prochaine présidence française de la COI est prévue pour la période 2026-2027.