Les enfants ougandais dans les conflits armés

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Une situation critique pour les enfants ougandais pris dans les conflits armés

Dans le Nord de l’Ouganda, vingt ans de conflits ont entraîné une insécurité généralisée et des déplacements massifs de population. 1,7 millions de personnes, dont 80% de femmes et d’enfants vivent dans 218 camps surpeuplés et dépendent entièrement de l’aide internationale. Un million d’entre elles vivent en pays Acholi, dans les districts de Gulu (53 camps), Kitgum (21 camps) et Pader (30 camps), soit 90 à 95% de la population totale de cette région. Selon l’OMS, chaque semaine, près de 1000 personnes meurent dans ces camps de maladies et de la violence.

Plus de 25.000 enfants ont été enlevés depuis 1986 et sont utilisés comme soldats, porteurs et esclaves sexuels. L’Armée de Résistance du Seigneur (LRA), groupe mystique et violent, continue de recruter des enfants et petites filles. Entre octobre 2003 et juillet 2004, la LRA a enlevé au moins 3000 enfants, dont 1600 dans les districts de Gulu, et près de 250 dans le district de Kitgum. Au cours de la même période, des centres d’accueil locaux ont reçu 2133 autres enfants qui s’étaient échappés. Plus de 200 camps sont surpeuplés.

La visite qu’effectue le Ministre se situe dans la zone la plus marquée par cette situation. Chaque nuit, près de 40.000 enfants seuls quittent leur logement dans des villages isolés et marchent vers les centres urbains pour se mettre à l’abri des enlèvements et des attaques de la LRA. Ils sont surnommés « les migrants de la nuit ». La ville de Gulu est le centre de ces migrations.

La LRA tue et mutile les enfants et est impliquée dans de nombreux actes de violences sexuelles à l’encontre des filles. Un massacre s’est produit en février 2004 dans le camp de déplacés de Barlonyo dans le district de Lira. Sur plus de 200 morts, 67 étaient des enfants.

A un moindre degré, des rapports (Human Rights Watch) font état également de recrutements par l’UPDF (Forces de défense populaires de l’Ouganda).

L’Ouganda a ratifié le Protocole à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la participation des enfants dans les conflits armés et a interdit le recrutement d’enfants âgés de moins de dix-huit ans. Une loi générale relative aux enfants, fondée sur la Convention, a été adoptée en 1996. Le premier rapport périodique au Comité des droits de l’enfant a été présenté en 2000. Les recommandations du Comité concernent l’harmonisation de la législation. La coalition des ONG contre l’emploi des enfants dans les conflits armés (« stop the use of child soldiers ») soutenue par la France est représentée en Ouganda (M. Geoffrey Oyat, Save the Children).

Un engagement actif du Conseil de Sécurité dans un « conflit oublié »

  • Face à un besoin humanitaire qui demeure extrêmement élevé, les Nations Unies ont prévu d’accroître en 2006 leur présence et leurs programmes au Nord de l’Ouganda (UNICEF, HCR, HCDH, BCAH). Pour 2006, l’appel humanitaire de l’ONU pour l’Ouganda atteint 223M$.
  • Une mission du Conseil de Sécurité en Afrique Centrale, conduite par la France, s’est rendue en Ouganda le 9 novembre 2005.
  • Le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme et la Cour Pénale Internationale travaillent également dans le Nord du pays. La Haut Commissaire aux droits de l’Homme, Mme Arbour, vient de s’y rendre.

L’un des premiers mandats d’arrêt délivrés par la Cour Pénale Internationale depuis son entrée en fonction concerne Joseph KONY, Chef de la LRA, ainsi que 4 autres commandants : Vincent OTTI, Okot ODHIAMBO, Dominic ONGWEN et Raska LUKWIYA. Parmi les chefs d’accusation au titre de la responsabilité pénale individuelle figurent 12 chefs pour crimes contre l’humanité et 21 chefs pour crime de guerre dont « enrôlement d’enfants par la force » (article 8-2-e-vii du Statut de la CPI qui qualifie comme crime de guerre « le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités ») [1]

Une action déterminée de l’UNICEF

  • L’UNICEF est très active en Ouganda, notamment dans le Nord, tant dans les centres de réinsertion des enfants soldats que dans les camps. Du 21 au 23 juillet 2005, la Directrice Exécutive, Mme Ann Veneman, s’est rendue dans les districts du Nord (Gulu, Pader et Kitgum) accompagnée de Mme Betty Bigombe, médiatrice entre les autorités kampalaises et les chefs de la LRA. Plus de 300.000 « migrants de la nuit » ont été aidés ces dernières années par l’UNICEF grâce à des abris d’urgence et des vivres. Trois bureaux de zone ont été établis sur le terrain afin de coordonner la mise en œuvre des interventions de l’UNICEF qui comportent aussi des aspects de santé et de nutrition.

L’UNICEF et les ONG ont en outre engagé un dialogue avec les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF) et les Unités de défense locale alliées (LDU). Celles-ci se sont engagées à veiller au respect de la législation nationale interdisant la conscription des moins de 18 ans. Mais aucun système opérationnel n’a été mis en place. Des contrôles montrent que des enfants se trouvent toujours dans les rangs des groupes armés. Par ailleurs, la situation des ONG dans le Nord se détériore : la recrudescence des attentats de la LRA contre les ONG nécessite, selon le président Museveni, la présence d’escortes militaires lors de déplacements dans le Nord.

Exemples de centres appuyés par l’UNICEF et le PAM

  • Le Centre de réhabilitation pour enfants anciennement captifs de la LRA est tenu par l’ONG locale, GUSCO (Gulu support children’s organisation) avec le soutien de l’UNICEF. L’UNICEF fournit des services médicaux, une aide psychosociale, et prévoit des programmes pour faciliter l’intégration de ces enfants dans leur communauté d’origine. 78.000 enfants y ont été accueillis depuis 1997. 5.000 enfants enlevés par la LRA ont pu être rendus à leurs familles après avoir reçu des soins de santé de base et un suivi psychosocial. Actuellement, 40 enfants et jeunes femmes, revenus de captivité avec des enfants en bas âge, nés en captivité, y séjournent.
  • Le camp de déplacés de Coo-pe accueille 8.000 personnes selon l’UNICEF. Il a été la scène d’un massacre perpétré en 2004 par la LRA. L’éducation des enfants y pose problème. L’école se trouve en dehors du périmètre de sécurité, laissant 3000 enfants sans instruction. L’approvisionnement en eau est insuffisant malgré les interventions de l’African Medical Research Foundation (AMREF) qui a construit ou rénové 6 puits. Des programmes pour enfants sont organisés par les organisations « Save The Children » et « Quaker Peace and Social Witness », et des partenaires de l’UNICEF tels que « Réhabilitation des enfants captifs de la LRA ».
  • L’hôpital St Mary’s LACOR, géré avec MSF Suisse, accueille les victimes du conflit et les malades du camp de déplacés. La nuit, les enfants qui craignent d’être enlevés, et les orphelins, viennent s’y réfugier.
  • L’aide alimentaire du PAM, de 1.964.619 € en 2005, a ciblé deux programmes :
  • 1.96 M€ en faveur des populations réfugiées et déplacées dans le Nord du pays. Les produits y sont achetés localement et les enfants bénéficient, grâce à des ONG, des rations alimentaires du PAM, d’un accompagnement psychologique et de formations.
  • 300 000 € pour le programme des cantines scolaires.

[1Le seuil a été abaissé à 15 ans par rapport à la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, qui prévoyait 18 ans ,afin de satisfaire entre autres les Etats-Unis.

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