Japon - Entretien de Catherine Colonna auprès de Kyodo News (16 avril 2023)

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Depuis le début de l’agression russe, les pays du G7 sont solidaires de l’Ukraine. Ils ont augmenté leurs aides en sa faveur et la pression contre la Russie en introduisant de plus en plus de sanctions. Cependant la guerre continue. Que peut faire le G7 de plus pour la faire finir ? Quelles sont les priorités actuelles et qu’attendez-vous de vos homologues ?

Depuis le début de la guerre, le G7 a démontré une unité totale pour défendre les règles fondamentales de l’ordre international, celles-là même que bafoue la Russie en agressant l’Ukraine. Je pense en particulier à l’égalité entre États, au libre choix des alliances et au respect de la souveraineté territoriale : autant de principes consacrés par la Charte des Nations unies que le Président Poutine a sciemment choisi de violer. L’agression qu’il a déclenchée ne repose sur aucune autre motivation qu’une volonté de réécrire l’histoire et de renouer avec un passé impérialiste pourtant condamné par l’histoire. Ce sont deux visions du monde qui s’opposent aujourd’hui : l’une fondée sur le droit et le règlement pacifique des différends, l’autre selon laquelle la volonté du plus fort peut s’imposer au plus faible, qui nous conduirait immanquablement à reproduire les erreurs commises lors des heures les plus sombres du XXème siècle.

L’objectif du G7 est d’aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale. Agir ainsi, c’est préserver la possibilité d’un monde plus stable, moins violent pour les décennies à venir. Le G7 dispose de leviers importants pour y parvenir, en apportant à l’Ukraine un soutien politique, diplomatique, économique, financier, humanitaire et, bien sûr, militaire.

Alors que la Russie a fait le choix de la poursuite de la guerre, nous devons en parallèle accroître la pression diplomatique sur elle et renforcer son isolement dans l’ensemble des enceintes internationales. Cet isolement s’est de nouveau manifesté très clairement lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies, le 23 février dernier.

Nous devons également rappeler qu’il y a un agresseur et un agressé, et que les deux ne peuvent pas être mis sur le même plan.

Les membres du G7 ont par ailleurs adopté, de manière coordonnée, des sanctions sans précédent à l’encontre de la Russie, afin d’entraver sa capacité à financer sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Ces sanctions sont à la fois fortes et ciblées très précisément, afin d’éviter les effets indésirables sur les pays tiers, notamment s’agissant des biens agricoles. Leur efficacité se renforce dans la durée, comme l’a montré le mécanisme de plafonnement des prix du pétrole russe. Tant que l’agression russe contre l’Ukraine durera, nous continuerons à renforcer ces mesures et à lutter contre leur contournement.

Le G7 agit aussi pour soutenir les pays qui subissent les répercussions de cette guerre injuste, sur le plan économique, énergétique et alimentaire. Nous avons largement progressé vers la cible de 100Mds de DTS du FMI réalloués aux plus vulnérables. A Elmau l’année dernière, nous avons investi 4,5Mds $ au total pour lutter contre l’insécurité alimentaire aggravée par la guerre en Ukraine. Contrairement à la Russie, le G7 est un partenaire fiable et cohérent, tant sur le plan des principes qu’il défend que du soutien qu’il apporte aux pays les plus vulnérables. Il montre au quotidien qu’il est un acteur engagé pour répondre aux grands défis – climatique, alimentaire, économique – auxquels le monde fait face aujourd’hui. Il parle à tous et continuera de le faire.

La tension autour de Taïwan ne baisse pas. Le Président Xi Jinping a réaffirmé l’intention de la Chine de réaliser "la réunification de la patrie". Récemment, une ministre allemande s’est rendue sur l’île, une première depuis plus de 25 ans. Que faut-il faire pour maintenir le statu quo du détroit ? Est-ce que la France est prête à prendre des initiatives pour garantir cet objectif ?

La France est profondément attachée au respect du statu quo, ainsi qu’à la préservation de la paix et de la stabilité entre les deux rives du détroit. Nous nous opposons à toute modification unilatérale du statu quo, a fortiori par la force. Nous comptons sur la Chine pour adopter le comportement qui sied à une grande puissance responsable.

Ce message a été porté par le Président de la République auprès du président Xi Jinping lors de sa visite d’État en Chine du 5 au 8 avril. Dans ce contexte de tensions, il est indispensable de maintenir un dialogue exigeant avec Pékin, approche nous poursuivrons après cette visite.

Quant à la position de la France vis-à-vis de Taïwan, elle est constante. Dans le cadre de notre politique d’une seule Chine, qui n’a pas vocation à changer, nous développons de riches coopérations sur les plans économique, industriel, scientifique, de l’innovation et de la technologie, mais également en matière culturelle et éducative avec Taïwan et ses 23 millions d’habitants. L’île est un territoire avec lequel nous partageons des valeurs démocratiques et un même attachement aux droits de l’Homme. Comme de nombreux autres pays, nous avons d’importants intérêts à Taïwan, qui est un acteur essentiel pour dans les chaînes de valeurs de l’économie mondiale. Et nous sommes profondément attachés au respect de la liberté de navigation dans le détroit, où notre marine circule régulièrement.

Lors de votre discours de septembre dernier à la conférence des ambassadrices et ambassadeurs, vous avez mentionné le Japon en disant que "nous nourrissons enfin des ambitions à la mesure de ce que ce pays représente aujourd’hui dans l’espace Indopacifique". Quelles sont vos ambitions ? Que souhaiteriez-vous davantage dans le cadre du partenariat pour les concrétiser ?

Je fonde beaucoup d’espoirs dans notre relation avec le Japon. Cette année marque le 10e anniversaire de son élévation au rang de « partenariat d’exception ». Nous travaillons à une nouvelle feuille de route pour la coopération entre nos deux pays pour les années à venir, autour de projets ambitieux, dans le spatial et le nucléaire civil par exemple. Cette feuille de route devrait être adoptée lors de la visite au Japon du Président de la République, à l’occasion du sommet du G7.

Le Japon est une puissance majeure de l’Indopacifique, tandis que la France est le seul État de l’Union européenne à y avoir des territoires et des forces. Nous partageons un même attachement à ce que l’espace Indopacifique reste libre et ouvert, à ce que le droit international y soit respecté, pleinement et par tous. Nous sommes tout autant attachés à ce que tous les pays puissent y disposer de leur pleine souveraineté et y œuvrer ensemble à la protection des biens publics mondiaux, en particulier ceux qui touchent à l’environnement. Cela ouvre des perspectives de coopération importantes, que nous souhaitons explorer davantage. Je pense par exemple à notre action avec l’UE dans le Pacifique, en matière de lutte contre le changement climatique, d’aide humanitaire ou de sécurité maritime, notamment avec les initiatives « Global Ports Safety », KIWA et CREWS, qui intéressent le Japon.

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