Feuille de route franco-indienne sur l’économie bleue et la gouvernance des océans (20.02.22)

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La France et l’Inde sont des nations maritimes dotées de secteurs économiques maritimes dynamiques comprenant notamment la recherche en sciences et technologies de la mer, la pêche, ou encore les activités portuaires et de transport. Elles détiennent de vastes zones économiques exclusives et leur destin est ainsi étroitement lié aux mers et aux océans.

La France et l’Inde entendent faire de l’économie bleue un moteur de progrès de leurs sociétés dans le respect de l’environnement et de la biodiversité côtière et marine. Les deux pays souhaitent contribuer à la connaissance scientifique et à la préservation des océans et de veiller à ce que les océans demeurent un bien commun mondial, espace de liberté et d’échanges commerciaux fondé sur des règles de droit.

La France et l’Inde souhaitent contribuer à l’Objectif de développement durable 14 du Programme de développement durable des Nations Unies, qui vise à conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. Elles comptent agir à cette fin en conformité avec le droit international, notamment la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l’Accord de Paris sur le climat, la Convention sur la diversité biologique, ou encore la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, y compris la Stratégie initiale pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des navires adoptée dans le cadre de l’Organisation maritime internationale. Elles apportent leur soutien à la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030).
La France et l’Inde ont conscience que l’océan subit les effets néfastes du réchauffement climatique et de la pollution découlant des activités humaines qui se traduisent notamment par des phénomènes d’acidification, de pression accrue sur les ressources naturelles minérales et biologiques, de réduction des stocks halieutiques, de déplacement et de perte de la biodiversité marine, de pollution, notamment due aux déchets plastiques, ou encore d’érosion côtière et d’élévation du niveau de la mer.

La déclaration conjointe franco-indienne adoptée le 22 août 2019 à l’occasion de la visite en France du Premier ministre indien soulignait que « la France et l’Inde s’accordent sur le fait que les océans jouent un rôle important dans la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité et le développement et, reconnaissant le lien entre environnement et sécurité, elles ont décidé d’étendre la portée de leur coopération maritime pour traiter ces questions. Pour une exploitation durable des ressources marines, les deux Parties œuvreront à une gouvernance des océans, notamment par une coordination au sein des organes internationaux compétents. L’économie bleue et la résilience côtière sont une priorité commune de la France et de l’Inde. À cet égard, les deux Parties sont convenues d’explorer les possibilités de collaboration en matière de recherche scientifique marine en vue d’une meilleure connaissance des océans, notamment l’océan Indien. »

La France et l’Inde soulignent que la pêche est un secteur économique essentiel et joue un rôle décisif pour la sécurité alimentaire et celle des moyens de subsistance, en particulier pour les populations côtières. Elles relèvent également que des facteurs démographiques, économiques et sociaux entraînent une croissance de la demande mondiale en produits de la mer et une pression croissante sur les stocks halieutiques mondiaux. Aussi, elles appellent à une approche durable de la pêche qui assure des conditions de vie décentes aux professionnels du secteur, tout en préservant les ressources à moyen et long terme, et en tenant compte des directives volontaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté.

La France et l’Inde entretiennent un dialogue sur la sûreté maritime de grande qualité qui leur permet d’aborder les questions stratégiques dans la région indopacifique. Ce partenariat marque un grand pas en avant dans la coopération franco-indienne en matière de sûreté maritime.

De plus, un mémorandum d’entente a été signé en 2018 entre le ministère de la Transition écologique (MTE) et le ministère de l’Environnement, des Forêts et du Changement climatique (MoEFCC). Il a permis la création d’un groupe de travail sur l’environnement qui aborde des questions pressantes comme le changement climatique, la qualité de l’air, ou encore les aires protégées et la biodiversité. Sans préjudice du dialogue et du groupe de travail précités, dont le périmètre ne sera pas affecté, la France et l’Inde souhaitent mettre en place un nouvel axe de coopération portant sur l’économie bleue et la gouvernance des océans.

La France et l’Inde sont également attachées à promouvoir la coopération entre l’Union européenne (UE) et l’Inde sur l’économie bleue et de la gouvernance des océans, dans le cadre de la feuille de route commune « Partenariat stratégique entre l’UE et l’Inde : une feuille de route à l’horizon 2025 » et de la stratégie de l’UE pour la coopération dans la région indopacifique.

Compte tenu de ce qui précède, les Parties française et indienne adoptent la présente feuille de route afin d’accroître leurs échanges bilatéraux sur l’économie bleue et la gouvernance des océans.

Mise en place d’un partenariat franco-indien sur l’économie bleue et la gouvernance des océans

La France et l’Inde entendent mettre en place un partenariat franco-indien sur l’économie bleue et la gouvernance des océans qui couvrira le commerce maritime, y compris celui des services, les ports, l’industrie navale, la pêche, la recherche en sciences et technologies de la mer, l’observation des océans, les services de modélisation et de prévision océaniques, la biodiversité marine, les aires marines protégées, les énergies marines renouvelables, les industries manufacturières maritimes, la gestion écosystémique du milieu marin et la gestion intégrée des zones côtières, l’écotourisme marin, les voies de navigation intérieure, la coopération entre les administrations compétentes sur les questions maritimes civiles, la planification spatiale maritime ainsi que le droit international de la mer et les négociations multilatérales y afférentes.

Les signataires veilleront à ce que les ministères et institutions compétents soient impliqués dans ce partenariat qui aura une dimension interministérielle et qui associera, en tant que de besoin, le secteur privé.

Pilier institutionnel : forger une vision commune de la gouvernance des océans fondée sur des règles de droit

Afin d’échanger sur leurs priorités, de partager leurs bonnes pratiques et d’appuyer les coopérations en cours et à venir, la France et l’Inde entendent organiser un dialogue bilatéral annuel sur l’économie bleue et la gouvernance des océans. Ce dialogue jouera un rôle moteur dans la formulation, l’organisation et le suivi des projets de coopération des quatre piliers du partenariat : (i) institutionnel, (ii) économique, (iii) infrastructures et (iv) scientifique et universitaire.

L’ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, en France, et le NITI Aayog, en Inde, seront les points de contact chargés de coordonner l’organisation de ce dialogue et de veiller à l’implication des ministères compétents.

La France et l’Inde sont attachées au droit international de la mer et à son respect dans l’ensemble des mers et océans du globe. Pour renforcer le droit international de la mer et l’adapter aux nouveaux enjeux, elles coordonneront leurs positions dans les enceintes et négociations multilatérales, qu’il s’agisse de l’Autorité internationale des Fonds marins, de l’Organisation maritime internationale, des conventions régionales relatives aux affaires maritimes auxquelles elles sont toutes deux Parties, ou encore de la Conférence intergouvernementale sur un instrument international juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Elles échangeront également sur la mise en place et le renforcement des aires marines protégées à travers le monde, notamment dans le contexte des négociations sur le futur cadre mondial pour la biodiversité. Elles renforceront leur coopération dans le contexte de la cinquième Assemblée des Nations Unies pour l’environnement en 2022 afin de soutenir le lancement de négociations pour un accord mondial sur les déchets plastiques marins et les microplastiques. Plus généralement, chaque signataire associera régulièrement l’autre signataire aux conférences, ateliers et colloques portant sur l’économie bleue et la gouvernance des océans qu’il est susceptible d’organiser.

Le signataire français réitère l’invitation faite à une délégation interministérielle indienne de venir en France rencontrer les acteurs de l’économie bleue, dès que les conditions sanitaires le permettront.

Pilier économique : faire de l’économie bleue une source de croissance durable

La France et l’Inde feront de l’économie bleue un axe prioritaire du développement de leurs échanges économiques. Elles faciliteront la mise en relation des acteurs économiques, organisations patronales, pôles et technopôles maritimes des deux pays, les investissements croisés, ainsi que la délivrance de visas aux entrepreneurs actifs dans l’économie bleue.

La France et l’Inde se félicitent que le Campus mondial de la mer ait proposé à l’Inde d’être l’invitée d’honneur de la Sea Tech Week à Brest, du 26 au 30 septembre 2022, qui constituera l’occasion d’accroître les partenariats industriels et les innovations liées à l’économie bleue. Compte tenu de l’accent qui sera mis lors de la Sea Tech Week 2022 sur un transport maritime « plus vert et plus intelligent », elles travailleront étroitement avec leurs entreprises de transport maritime, de gestion des ports, de logistique, de démantèlement des navires, ainsi qu’avec leurs chantiers navals, leurs équipementiers et leurs autres industries manufacturières maritimes pour contribuer à la préparation de cette échéance. Les deux pays pourront aussi coordonner leurs efforts pour développer des projets de promotion des PME dans le domaine maritime, de construction navale et de réduction des émissions des navires, ainsi que de combustibles alternatifs plus propres, à émissions de carbone faibles ou nulles. Le Campus mondial de la mer à Brest et l’Ambassade de France en Inde, pour la France, ainsi que le ministère du Transport maritime et la Fédération des Chambres indiennes de Commerce et d’Industrie (FICCI), pour l’Inde, seront les points de contact pour préparer la participation d’une large délégation indienne à la Sea Tech Week 2022.

Les signataires se réjouissent des échanges en cours entre l’Agence française de Développement et le ministère indien de la Pêche pour établir un programme de soutien au secteur de la pêche durable en Inde et encouragent leur poursuite. Les projets relatifs à l’économie bleue pourront avoir comme objectif non seulement le développement de la gestion durable des ressources halieutiques (et potentiellement d’autres sujets connexes tels que l’aquaculture, les ports de pêche écoresponsable, la gestion intégrée des zones côtières, l’observation par satellite), mais aussi le renforcement des capacités des parties prenantes par le biais de possibles échanges techniques. Les signataires encouragent également la poursuite des discussions relatives aux ports verts avec l’Association portuaire indienne (IPA) afin de promouvoir une connectivité plus durable dans la région indopacifique.

Compte tenu de l’expertise française en matière d’aquaculture, la France et l’Inde collaboreront en faveur du développement conjoint de l’élevage d’organismes marins destinés à l’alimentation et de la commercialisation d’autres productions dans les domaines de l’industrie pharmaceutique ou de la bijouterie, dans le respect de l’environnement. Il pourra s’agir du développement conjoint de bassins d’animaux reproducteurs, de centres de noyaux reproducteurs, d’écloseries, d’approvisionnement en nourriture, et d’études conjointes pour la prévention des maladies aquatiques.

Pilier infrastructures : coopérer en matière d’infrastructures et de voies navigables durables et résilientes

L’Inde cherche à développer ses ports, en mettant l’accent sur les infrastructures durables, notamment les ports de pêche écoresponsable. Dans ce domaine, les deux parties encourageront le partage de connaissances et de méthodes pour rénover les infrastructures existantes, accroître leur résilience face au changement climatique, étendre les capacités portuaires, mettre en place dans les ports des installations de stockage et des infrastructures prêtes à l’emploi, en mettant notamment l’accent sur la mise en place de ports verts et intelligents dotés d’équipements durables en matière de dragage et de recyclage des navires, ce qui correspond à une priorité française et à une approche reposant sur le « zéro déchet » et l’économie circulaire. Cette coopération pourra également être étendue au développement des équipements, notamment les équipements de dragage, les navires et bateaux de pêche, les chalutiers, les services de pièces détachées et de réparation, les câbles sous-marins et leur entretien, la fabrication de glace, les cordes, filets et autres équipements marins.
En outre, elles coopéreront en matière de développement des voies navigables intérieures, qui constituent une priorité indienne dans le domaine du développement des infrastructures. Cela pourra inclure l’amélioration des infrastructures, la mise en place de chenaux navigables, l’aide à la navigation, les systèmes d’information fluviale.

Pilier scientifique et universitaire : mieux connaître les océans pour innover et protéger

Convaincues que la recherche en sciences et technologies de la mer est indispensable afin de surveiller, protéger et exploiter de manière durable les ressources biologiques ou non biologiques et la biodiversité des mers et des océans, la France et l’Inde développeront leur coopération scientifique ainsi que leurs échanges d’étudiants et de chercheurs. L’océanographie physique et spatiale, les études d’impact environnemental, la lutte contre la pollution marine, la connaissance et la conservation de la biodiversité et des services des écosystèmes marins, la cartographie génétique de la biodiversité, l’élaboration d’un inventaire du germoplasme, des approches fondées sur les écosystèmes, le suivi des stocks halieutiques, les techniques de pêche, l’amélioration des stocks, l’observation des océans, la météorologie marine, les technologies d’exploration des grands fonds marins, la technologie des oceanariums ou les laboratoires en eaux peu profondes, l’observation in situ des organismes marins, les énergies marines pourraient notamment constituer des domaines de coopération renforcée. En outre, l’étude des effets cumulatifs des multiples contraintes pesant sur l’environnement marin, telles que l’acidification des océans, la pollution et les événements climatiques extrêmes, et l’étude des risques côtiers et de la résilience face à ces risques pourront aussi contribuer à enrichir la coopération scientifique entre la France et l’Inde dans le domaine de l’économie bleue et de la gouvernance des océans. Des services de prévision océanique fiables et précis jouent un rôle central pour tous les acteurs de l’économie bleue tant en matière d’opérations quotidiennes, que de planification à long terme ou d’atténuation des catastrophes. Une collaboration entre les centres opérationnels de prévision océanique en France (par exemple, Ifremer) et en Inde (INCOIS) est envisagée ; elle portera sur les observations océaniques, les modélisations et prévisions océaniques et autres activités connexes de renforcement des capacités.
La France et l’Inde resteront pleinement engagées dans le cadre du Knowledge Summit, organisé de manière régulière par la France et l’Inde afin de favoriser la coopération scientifique bilatérale. La section scientifique de l’ambassade de France en Inde et le ministère indien des Sciences de la Terre serviront de points de contact afin de préparer un atelier dédié aux sciences de la mer lors de ce Knowledge Summit.

La France souhaite également organiser rapidement, le déplacement d’un groupe d’experts scientifiques en Inde pour visiter les principaux instituts océanographiques du pays, tels que l’Indian National Centre for Ocean Information Services (INCOIS), le National Institute of Ocean Technology (NIOT) et le National Institute of Oceanography (NIO), ainsi que le National Centre for Sustainable Coastal Management. L’Inde se réjouit d’une telle visite dont elle facilitera l’organisation.

L’Ifremer, institut national français dédié aux sciences et technologies de la mer, et le ministère indien des Sciences de la Terre ont noué de premiers contacts pour accroître le potentiel de leur coopération, notamment dans le cadre du programme Deep Ocean Mission.

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français est intéressé par une collaboration dans le domaine de la biologie et des biotechnologies marines, dans le cadre de son accord avec le Department of Biotechnology (DBT), et aussi potentiellement dans le cadre de la base marine avancée pour la biologie océanique, annoncée comme une des composantes majeures de la Deep Ocean Mission lancée en 2021 par le ministère des Sciences de la Terre.

La France et l’Inde se réjouissent du lancement du programme de coopération universitaire et scientifique GOAT (Goa ATlantic cooperation in Marine Science and Technology) signé à Brest, le 20 janvier 2020, entre les acteurs français du Campus mondial de la mer et l’Indian Institute of Technology de Goa. Elles appuieront sa mise en œuvre et faciliteront l’octroi de visas pour les étudiants et chercheurs concernés. La France et l’Inde souhaitent encourager la mobilité étudiante dans le domaine de l’économie bleue et des sciences et technologies de la mer. Elles appellent à la mise en place de partenariats entre établissements d’enseignement supérieur.

Afin d’encourager des partenariats scientifiques portant sur les sciences de la mer, l’Ambassade de France en Inde s’efforcera, à compter de 2022, d’accorder cinq bourses de mobilité étudiante dans ce domaine. L’Inde facilitera sur le plan administratif la mise en œuvre de tels partenariats.

La France et l’Inde rechercheront des financements privés pour créer un centre de recherche et développement appuyant leurs projets conjoints, et elles s’efforceront de susciter et d’accompagner des projets relatifs à l’économie bleue et à la connaissance des océans dans le cadre du Centre franco-indien pour la promotion de la recherche avancée (CEFIPRA).

La France et l’Inde encourageront la coopération scientifique entre leurs établissements de recherche et faciliteront les démarches administratives telles que la délivrance de visas et des autorisations nécessaires aux acteurs de la recherche.

Adoptée à Paris, le 20 février 2022, en langues française et anglaise.

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