La France adopte une feuille de route pour l’Arctique

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La France s’engage dans l’Arctique (14 juin 2016)

Face à l’émergence d’une conjoncture nouvelle dans la zone Arctique, caractérisée par le retrait des glaces sous l’effet du changement climatique, la France a lancé dès 2013 un chantier interministériel sous l’égide de l’ambassadeur chargé des pôles, Michel Rocard, afin d’identifier et de coordonner les priorités nationales relatives à la zone boréale.

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La France adopte une feuille de route sur l’Arctique

Au cours des vingt dernières années, l’évolution du climat et de l’environnement de la zone Arctique sous la pression du dérèglement climatique a conduit à identifier les hautes latitudes de l’hémisphère Nord comme une zone sujette à une crise environnementale majeure en même temps que comme une nouvelle zone économique et commerciale potentielle (routes maritimes polaires, ressources énergétiques en mer, ressources biologiques…).

Sur le dernier siècle, le réchauffement climatique y est 2 à 3 fois plus important que l’augmentation de la température moyenne à la surface de notre planète et sur la période récente (1979-2012), le réchauffement du climat boréal est 4 fois supérieur au réchauffement global.

Sur la période récente, le réchauffement du climat de l’Arctique est 4 fois plus important que l’augmentation de la température moyenne à la surface de notre planète.

L’une des manifestations les plus spectaculaires de l’évolution actuelle du climat est la diminution importante de l’étendue de la banquise arctique en fin d’été. Depuis 1980, le volume total des glaces de mer arctiques aurait diminué de 75%. Sans pouvoir avancer d’échéance précise, l’océan Arctique devrait être libéré des glaces pendant l’été au cours des prochaines décennies.

L’océan Arctique devrait être libéré des glaces pendant l’été au cours de prochaines décennies.

Les opportunités et les défis ouverts par le dégel de l’Arctique concernent au premier chef les cinq États limitrophes de l’océan Arctique (États-Unis / Alaska, Canada, Danemark/Groenland, Norvège et Fédération de Russie) qui, en vertu de leur souveraineté et de leur juridiction sur de larges portions de l’océan Arctique et de leurs droits souverains sur les ressources naturelles qui s’y trouvent, sont dans une position légitime et privilégiée pour y répondre. De fait, entre 2006 et 2011, les cinq États riverains et les trois États non-riverains de la zone Arctique (Finlande, Islande et Suède) ont précisé chacun leurs intérêts dans un document de stratégie nationale sur l’Arctique qui mêle invariablement, à des degrés divers, développement économique, développement durable, enjeux de sécurité et de consolidation de souveraineté.

L’océan Arctique est une composante essentielle dans la régulation du climat de notre planète. Selon une formule consacrée, « ce qui se passe dans l’Arctique, ne reste pas dans l’Arctique » et les conséquences du changement environnemental et climatique qui sévissent dans la région circumpolaire-nord sont d’ores et déjà sensibles un peu partout à la surface de notre planète.

Les conséquences du changement du climat dans l’Arctique sont d’ores et déjà sensibles un peu partout à la surface de notre planète.

La nature et l’échelle des défis dans cet espace marin dévoilant année après année une connexion interocéanique nouvelle entre l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord, appellent un haut niveau de coopération internationale entre les États directement et indirectement intéressés.

Plusieurs États extérieurs à la zone Arctique, européens et asiatiques, ont affiché leurs intérêts et leurs responsabilités dans un document de stratégie sur l’Arctique, et l’Union européenne est sur le point d’adopter une politique intégrée sur la zone Arctique.

Au vu des enjeux et des défis qui s’annoncent dans la zone Arctique, le ministère des Affaires étrangères a décidé la mise en place d’un réseau interservices adossé à plusieurs ministères et agences publiques, sous la présidence de M. Michel Rocard, ambassadeur chargé des zones polaires, en vue de préparer une « feuille de route nationale sur l’Arctique » pour identifier, hiérarchiser et coordonner les priorités françaises relatives à la zone Arctique.

Au terme de deux années de travail, un document à dimension interministérielle a été adopté. Ce document fournit un cadre de travail, des orientations et des priorités, qui permettront pour les années qui viennent, de mettre en cohérence et de prioriser les démarches en lien avec les enjeux et les défis arctiques qui intéressent la France dans une logique d’intérêt durable et général bien compris.

La France aborde la nouvelle conjoncture boréale dans une logique d’intérêt général et durable bien compris.

La feuille de route nationale sur l’Arctique témoigne du niveau d’intérêt et de la diversité d’intérêts de la France pour la nouvelle conjoncture boréale dans laquelle opportunités économiques et défis environnementaux et climatiques sont inextricablement mêlés.

La France, une nation polaire

Forte d’une tradition d’exploration et d’expédition dans les régions de hautes latitudes, la France s’est affirmée au cours des 3 derniers siècles comme une nation polaire. La France a une présence scientifique permanente dans l’Arctique et en Antarctique. L’ensemble des infrastructures terrestres et des moyens logistiques français dans les zones polaires est géré par l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), agence de moyens et de compétences au service de la science.

La France a été le premier pays à installer dès 1963 une base de recherche scientifique dans l’archipel arctique du Svalbard où elle partage une base permanente avec l’Allemagne dans le village scientifique international de Ny-Ålesund, la base AWIPEV, dotée d’un laboratoire de géophysique, de biologie et de chimie, pouvant accueillir jusqu’à 16 chercheurs. Elle dispose également d’une base annexe, la base Jean Corbel, située à 5 km de Ny-Ålesund, spécialisée dans les mesures de physico-chimie, de l’atmosphère et de glaciologie, pouvant accueillir en été 8 personnes.

La France a été le premier pays à installer une base scientifique dans l’archipel arctique du Svalbard.

L’Année polaire internationale 2007-2008 qui a engagé la participation de plusieurs milliers de chercheurs issus de 63 pays dont la France impliquée dans 60 projets de recherche, a fonctionné comme une caisse de résonance pour faire retentir un message d’alerte : l’Arctique est une zone témoin et sentinelle du changement climatique qui sévit à l’échelle globale. L’Arctique et l’Antarctique sont identifiés par la communauté scientifique internationale comme des laboratoires naturels majeurs pour l’étude du changement climatique au niveau global et revêtent de ce fait, un intérêt scientifique pour l’humanité tout entière.

L’Arctique est un laboratoire naturel majeur pour l’étude du changement du climat global.

En France, ce message d’alerte a retenti fort en raison de l’importance de traditions d’exploration et de recherches scientifiques en milieu polaire. En novembre 2008, la France a pris l’initiative d’organiser une conférence internationale sur l’Arctique à Monaco dans le cadre de la présidence française de l’UE qui a appelé à la création d’un observatoire scientifique de l’Arctique pour coordonner au niveau national, la recherche française relative à l’Arctique. Cette initiative a été lancée en 2010 par le centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui a vocation à coordonner, en lien avec l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), près de 400 chercheurs dans les domaines des sciences de la Terre, des sciences de l’environnement et des sciences humaines et sociales.

La France a lancé la création d’un observatoire scientifique multidisciplinaire de l’Arctique rassemblant près de 400 chercheurs.

La France se hisse au 9e rang des nations scientifiques en matière de publications scientifiques sur l’Arctique et, à titre de comparaison, occupe le 5ème rang au niveau mondial pour ce qui concerne la production scientifique relative à l’Antarctique. Au niveau français comme au niveau international, l’essentiel des publications sur l’Arctique s’inscrit dans les domaines des sciences de la Terre et des sciences de l’environnement, incluant l’écologie terrestre et marine. En marge des sciences expérimentales, la France possède de longue date, une tradition scientifique reconnue au niveau international, dans le domaine des sciences humaines et sociales (anthropologie, ethnographie…) relatives aux populations autochtones du Nord.

La France se hisse au 9e rang des nations scientifiques en matière de publications scientifiques sur l’Arctique.

L’Arctique est pour la France, comme pour nombre d’autres nations directement et indirectement intéressées, une zone d’intérêt scientifique mondial.

La France appelle au renforcement de la coopération scientifique dans la zone Arctique dans lequel elle entend prendre une part active notamment en renforçant ses moyens et son investissement dans la recherche scientifique relative à l’Arctique.

La France prévoit de renforcer ses moyens et son investissement dans la recherche scientifique relative à l’Arctique.

Dans la politique étrangère de la France sur l’Arctique, l’excellence de la recherche scientifique en milieu polaire et son intégration dans le tissu de la recherche internationale, constitue un atout majeur pour notre pays et contribue à asseoir notre légitimité dans la région, notamment au sein du forum intergouvernemental du conseil de l’Arctique.

L’action diplomatique de la France sur les questions arctiques

Le Conseil de l’Arctique, créé par la déclaration d’Ottawa de 1996 signée par les huit États de la zone, constitue l’enceinte politique de coopération régionale référente sur les questions arctiques. La France y a un statut d’observateur depuis 2000.

Deux principaux facteurs ont contribué à asseoir la légitimité du Conseil de l’Arctique :

  • son rapport privilégié avec les populations autochtones : les Participants permanents ont le droit de s’exprimer aux réunions ministérielles à égalité avec les États et sont consultés dans le processus décisionnel, mais n’ont pas le droit de vote (en pratique, les décisions sont adoptées par consensus).

Au conseil de l’Arctique, les représentants des communautés autochtones ont le statut de participant permanent.

  • le nombre croissant d’États extérieurs à la zone Arctique candidats au statut d’observateur. En 2013, les pays asiatiques y ont fait leur entrée (Chine, Corée, Inde, Japon et Singapour), portant à 12 le nombre d’États observateurs (l’UE est « invitée permanente »). L’arrivée de grands émergents témoigne de l’intérêt accru pour la région et ses ressources, mais aussi d’une prise de conscience du Conseil de l’Arctique de la nécessité d’associer des États dont les émissions de gaz à effet de serre ont des conséquences importantes sur l’Arctique. Pour l’heure, l’examen des nouvelles candidatures (Estonie, Grèce, Mongolie, Suisse et Turquie) est reporté faute de consensus sur le nombre et le rôle des observateurs.

La France a un statut d’observateur au conseil de l’Arctique depuis 2000.

Le conseil de l’Arctique est une organisation encore jeune ce qui explique que les questions de gouvernance n’y soient pas traitées. À l’heure de son 20e anniversaire et au regard de son évolution, le Conseil envisage une approche plus globale qui inclurait notamment les enjeux liés au rôle des usagers non riverains potentiels ou encore les enjeux économiques de la zone arctique.

A terme, le conseil de l’Arctique envisage une approche plus globale qui inclurait les enjeux liés au rôle des usagers non-riverains.

Aux côtés du conseil de l’Arctique, d’autres fora ont aussi vocation à traiter certains aspects des enjeux arctiques : le conseil euro-arctique de la mer de Barents dans lequel l’Union européenne est membre et la France dispose d’un statut d’observateur ; la dimension nordique de l’Union européenne ; l’Organisation maritime internationale ou encore la Commission hydrographique régionale de l’Arctique de l’Organisation Hydrographique Internationale.

Présente historiquement en Arctique, la France s’appuie sur son expérience et l’excellence reconnue de sa recherche polaire pour contribuer utilement aux travaux des groupes de travail du Conseil de l’Arctique.

La France entend renforcer sa légitimité sur l’Arctique et promouvoir ses intérêts scientifiques, environnementaux et économiques dans la région en consacrant les moyens nécessaires à une participation active et substantielle de nos scientifiques à ces groupes de travail.

La France continuera d’assurer une présence dans tous les fora pertinents afin de promouvoir ses intérêts, d’assurer le positionnement des acteurs français et de faire valoir une vision d’intérêt durable et général bien compris (préservation de l’environnement, lutte contre le dérèglement climatique, gouvernance équilibrée, etc.).

La protection de l’environnement marin arctique

A un intérêt scientifique pour l’Arctique, la France manifeste également un haut niveau de préoccupation d’éthique écologique pour la zone boréale. La sensibilité de l’environnement et la faible résilience des écosystèmes marins arctiques aux activités humaines en particulier, constituent des défis qui engagent la responsabilité de tous les utilisateurs potentiels de cet espace marin. Dans cette perspective, la France a une responsabilité à se comporter de manière exemplaire et à promouvoir cette vision.

Ainsi que l’a déclaré le Président de la République François Hollande dans son allocution à Reykjavík, le 16 octobre 2015 :

« La France ne considérera jamais que l’on puisse traiter l’océan Arctique comme un océan parmi d’autres, pour ce qui concerne le niveau de précaution environnementale. Nous appelons à la mise en place de normes de sécurité environnementale sui generis élevées dans la zone Arctique où des opérateurs français sont présents ».

« La France ne considérera jamais que l’on puisse traiter l’océan Arctique comme un océan comme les autres » (François Hollande, 16 octobre 2015).

La France soutient une approche de précaution environnementale multisectorielle fondée sur la préservation des écosystèmes marins arctiques et adhère au principe promu par la présidence américaine du conseil de l’Arctique (2015-2017) selon lequel l’Arctique est une « zone pilote de développement des technologies vertes ».

La France s’implique dans la protection de l’environnement marin arctique. Elle a soutenu en particulier l’élaboration d’un Code polaire au sein de l’Organisation maritime internationale. La France encourage le développement d’une navigation de tourisme respectueuse de l’environnement arctique et milite pour une prise de mesures visant à limiter l’impact de la navigation sur les mammifères marins.

La France conçoit l’Arctique comme une zone de pilote de développement des technologies vertes.

Le changement du climat en Arctique et dans l’Atlantique Nord se traduit par une tendance à la migration des stocks halieutiques vers le nord laissant entrevoir de nouvelles activités de pêche. Dans le cadre de la politique commune de pêche, la France appuie toute initiative visant à établir un cadre de gestion durable des pêches dans les eaux arctiques et soutient la démarche de définition d’aires marines protégées en Arctique en concertation avec les acteurs impliqués.

La France soutient la démarche de définition d’aires marines protégées dans les eaux arctiques.

L’accès facilité aux ressources minérales entraîne une augmentation des activités d’extraction en mer et des risques de fuite de pétrole ou pire, de marée noire. Tout déversement d’hydrocarbures en Arctique aurait des impacts substantiels en raison de la vulnérabilité particulière de l’environnement marin et de sa faible résilience due aux conditions climatiques extrêmes.

La France milite pour un encadrement des activités extractives à la hauteur des enjeux environnementaux arctiques pouvant aboutir à leur interdiction dans les cas où le risque apparaîtrait trop grand et soutient l’adoption de processus garantissant une expertise écologique et une étude d’impact en amont de toute nouvelle activité.

La France milite pour un encadrement des activités extractives à la hauteur des enjeux environnementaux arctiques.

Opportunités et coopération économiques

En l’espace de quelques années, la zone Arctique a été identifiée comme une nouvelle zone de développement économique et commercial potentielle. L’Arctique est pour la France une zone écologiquement sensible dans laquelle opportunités économiques et défis environnementaux et climatiques sont inextricablement mêlés. Six domaines d’activités méritent une attention particulière :

L’exploitation des ressources minérales

Selon une étude de l’Agence géologique américaine, l’Arctique renfermerait jusqu’à 650 milliards de barils équivalents pétrole (GBep) dont environ 412 milliards de GBep pour ce qui concerne les ressources non encore découvertes, soit 13% du pétrole et 30% du gaz qui resterait à découvrir sur la planète

L’Arctique pourrait recéler jusqu’à 13 % des réserves mondiales non encore découvertes de pétrole et 30 % des réserves mondiales non encore découvertes de gaz.

Ces estimations ont fait de l’Arctique une région stratégique sur le plan énergétique, mais l’enjeu mérite d’être nuancé. Les estimations de l’Agence géologique américaine portent sur des ressources non découvertes et extrapolées à partir de la géologie de bassins sédimentaires mal connus notamment dans le domaine off-shore. Selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, le potentiel énergétique de l’Arctique pour ce qui concerne les ressources non encore découvertes serait compris entre 65 et 412 milliards de GBep. Les surcoûts d’exploitation liés aux conditions climatiques et de glaces, au manque d’infrastructures, à l’isolement et aux dangers inhérents aux zones polaires diminuent considérablement l’attractivité économique de ces gisements. Enfin, l’exploitation de ces ressources comporte un risque environnemental majeur, lié à la difficulté de traiter une marée noire en l’absence d’infrastructures et de techniques permettant de lutter efficacement contre de tels accidents dans des eaux recouvertes de glace et dans un milieu marin particulièrement fragile.

La présence de « terres rares » suscite également les convoitises, notamment au Groenland, qui recèlerait 25% des réserves mondiales.

Les transports

La route maritime du Nord permet une réduction de 40% de la distance entre Rotterdam et Yokohama par rapport à la route passant par le canal de Suez. L’augmentation du trafic maritime permise par le recul des glaces estivales devrait toutefois rester marginale jusqu’en 2030 au moins. En 2014, seuls 31 navires représentant environ 1,3 million de tonnes de marchandises l’ont emprunté, tandis que plus de 750 millions de tonnes transitent chaque année par le canal de Suez. Les conditions de navigation sont contraignantes et dangereuses : conditions extrêmes : (glaces dérivantes, brouillard, cartographie lacunaire), absence d’infrastructures de sauvetage et de ports en eau profonde, absence de hub de transport internationaux ou de marché intermédiaire, le passage du nord-est n’étant bordé que par la Russie ; surcoûts liés à la navigation dans les eaux polaires (navires équipés glace, formation des équipages, assistance obligatoire de brise-glace, coût élevé des assurances) ;

La route maritime du Nord qui longe l’Arctique russe permet une réduction de 40% de la distance entre Rotterdam et Yokohama par rapport à la route passant par le canal de Suez.

La rentabilité économique incertaine, les enjeux liés à la sécurité des navires et les impératifs de protection de l’environnement particulièrement difficiles à mettre en œuvre ne permettent pas d’envisager à court ou moyen terme que le passage du nord-est puisse sérieusement concurrencer le canal de Suez ou le détroit de Malacca. Toutefois, le développement des projets d’exploitation des ressources naturelles en Arctique ne manquera pas d’engendrer une croissance du trafic maritime, pour l’enlèvement des ressources minérales et la logistique. Aussi, les dessertes locales et régionales, notamment aux abords des plateformes d’extraction, mines et gisements, sont amenées à se développer fortement. Par ailleurs, la navigation touristique est en plein essor.

Les infrastructures

Les défis en matière d’infrastructures, dans un contexte où la fonte du permafrost (sol gelé) fragilise les implantations à terre, concernent notamment : les infrastructures liées à l’exploitation des hydrocarbures ; la modernisation des infrastructures portuaires ; les infrastructures qui permettront de relier les sites d’exploitations par voie terrestre ; les infrastructures liées à l’amélioration des moyens de communication (câbles sous-marins…).

La fonte du sol gelé (permafrost) dans l’Arctique continental fragilise grandement les implantations à terre.

La surveillance spatiale

En raison des nouvelles activités et de l’évolution rapide de la région due au réchauffement climatique, les satellites ou programmes spatiaux sont appelés à devenir des outils précieux dans les domaines suivants :

  • télécommunications ;
  • sécurité maritime et aide à la navigation (identification et suivi des navires, topographie, coordination des actions en mer, prédiction de la dérive des glaces de mer et de terre) ;
  • surveillance environnementale (détection et surveillance de l’évolution des glaces, détection des pollutions…) ;
  • gestion durable des ressources marines.

La pêche

Sous l’effet du dérèglement climatique, la migration des stocks halieutiques vers le nord de même que l’amélioration des conditions de navigation laissent entrevoir la possibilité d’une exploitation de nouvelles ressources biologiques renouvelables en haute mer telles que la fausse morue (polar cod) ou la plie américaine et européenne.

Le réchauffement du climat de l’Arctique favorise la migration vers le nord des stocks halieutiques.

Les énergies renouvelables et nouvelles technologies

Dans une région où changement climatique rime avec perspectives de développement économique et commercial, il y a un enjeu tout particulier à se projeter en terme de croissance verte en misant sur les énergies renouvelables, les technologies vertes, l’investissement et l’innovation. L’Arctique est un laboratoire de nouvelles technologies dans les domaines des technologies de l’information et de la communication (TIC), robotique, automatisme, systèmes embarqués, capteurs.

La France a déjà des intérêts économiques (Total, Technip, Engie, Areva, FROM Nord, Euronor, CGG Veritas, CMA-CGM, Ponant…) dans la zone Arctique appelés à se renforcer. Les projets industriels français doivent intégrer au mieux les enjeux de protection de l’environnement.

En définitive, l’Arctique est pour la France une zone écologiquement sensible dans laquelle nos intérêts doivent s’exprimer dans une logique d’intérêt durable et général bien compris.

L’Arctique est pour la France une zone écologiquement sensible dans laquelle nos intérêts doivent s’exprimer dans une logique d’intérêt durable et général bien compris.

Dans son allocution du 16 octobre 2015 à Reykjavík, le Président de la République François Hollande a déclaré :

« La France fera tout ce qu’elle pourra, ici dans cet extrême Nord de la planète, pour agir, pour mobiliser ses chercheurs et ses entreprises, et nous permettre de préserver cette partie du monde, qui est sans doute l’une des plus belles ».

L’Arctique, un espace de coopération

Si les États riverains de l’océan Arctique sont concernés au premier chef par la mutation rapide de l’espace maritime boréal, les problèmes relatifs à l’exploitation économique, à l’environnement ainsi qu’à la sécurité maritime imposent à la France une meilleure prise en compte de cette région au titre de ses intérêts globaux et de ses responsabilités à l’égard de la communauté internationale.

La mutation de l’espace maritime boréal impose à la France une meilleure prise en compte de cette région au titre de ses intérêts globaux.

Bien que depuis la fin de la guerre froide, le rôle militaire de la région circumpolaire-Nord soit passé au second plan, l’espace de manœuvre qu’elle constitue est aujourd’hui à nouveau un théâtre dans lequel se manifestent des volontés contradictoires. Du fait notamment de son appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN, la France pourra être amenée à contribuer au maintien de la stabilité dans cette région puisqu’elle appartient au petit nombre des États capables d’intervenir avec des moyens significatifs à de telles distances.

La France appartient au petit nombre des puissances capables d’intervenir avec des moyens significatifs dans la zone maritime Arctique.

Au travers d’instances de coopération régionale et de programmes de coopération bilatérale impliquant la Russie, l’Arctique s’est peu à peu affirmée comme une zone de coopération entre les huit pays directement concernés qui se sont engagés dans la déclaration d’Ilulissat (28 mai 2008) à régler de manière pacifique leurs différends maritimes sur la base de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.

L’Arctique s’est affirmée au cours des 20 dernières années comme un espace de coopération régionale.

La coopération régionale dans l’Arctique est un chantier bien avancé dans lequel l’esprit de dialogue des pays de la zone arctique joue un rôle essentiel, concrétisé par le forum intergouvernemental du conseil de l’Arctique. Toutefois, ce dernier n’a pas compétence pour traiter des enjeux de sécurité militaire. Ces aspects sont abordés dans le cadre du Tour de table des forces de sécurité dans l’Arctique qui rassemble des représentants militaires des pays de la zone arctique et des pays extérieurs à la zone, auquel la France participe régulièrement.

La France est solidaire des pays de la zone Arctique du fait de son appartenance à l’Union européenne (Danemark, Finlande, Suède) et à l’Alliance atlantique (Canada, États-Unis, Danemark, Islande, Norvège), et est ainsi concernée par la stabilité et la sûreté dans cet espace situé entre 2500 et 5000 km des côtes françaises.

La France est concernée par la stabilité et la sûreté dans l’espace maritime boréal situé entre 2500 et 5000 km des côtes françaises.

L’ouverture progressive des routes maritimes arctiques, l’accroissement du trafic commercial (touristique et, dans une moindre mesure, en fret) auquel le pavillon et les intérêts français participent, posent à la France, puissance maritime de premier rang, des défis nouveaux : protection et secours des navires et des passagers, antipollution, questions juridiques essentielles en matière de liberté de navigation, etc.

Enfin, l’espace arctique est un espace de manœuvre pour les forces navales. Sur le plan opérationnel, les forces armées françaises doivent rester capables d’utiliser la zone arctique pour des transits de forces aériennes et navales et éventuellement pour des opérations aéronavales.

Sur le plan opérationnel, les forces armées françaises doivent rester capables d’utiliser la zone Arctique pour des transits de forces aériennes et navales.

En résumé, les principaux enjeux de la zone arctique pour la France sont de nature essentiellement économique, sécuritaire et environnementale, davantage que d’ordre militaire et de défense.

L’Union européenne et l’Arctique

L’UE est représentée par les territoires arctiques de la Finlande et de la Suède (les provinces de Laapi, de Kainuu et d’Ostrobotnie du Nord en Finlande ; les provinces de Norrbotten et de Västerbotten en Suède). La Norvège et l’Islande, deux pays dotés de territoires et/ou d’espace maritime sous juridiction nationale, situés au nord du cercle polaire arctique, sont membres de l’Espace économique européen. Plusieurs documents de l’UE font référence à l’« Arctique (et le subarctique) européen(s) » ou aux « populations autochtones de l’Arctique européen » - les Samis, communauté autochtone transnationale présente en Finlande, en Norvège, en Suède et dans la Fédération de Russie.

L’Arctique européen est représenté par les territoires arctiques de la Finlande et de la Suède.

Dès 1999, l’UE a lancé l’initiative de la « dimension nordique » (DN) associant la Norvège, la Russie et l’Islande en vue de développer la coopération (environnement, sécurité, nucléaire, communication transfrontalière) dans une vaste région couvrant l’Arctique et le subarctique européens, les rives sud de la mer de la Baltique incluant les pays voisins, et depuis le nord-ouest de la Russie à l’est, jusqu’à l’Islande et le Groenland à l’ouest. La DN s’organise aujourd’hui autour de quatre partenariats dans les secteurs de l’environnement, de la santé publique et du bien-être social, de la culture, des transports et de la logistique. Avec les États-Unis et le Canada comme États observateurs, la DN possède un panel à l’échelle de l’Arctique circumpolaire et envisage de se doter d’une « fenêtre arctique ».

Avec les États-Unis et le Canada comme États observateurs, la Dimension nordique de l’UE possède un panel à l’échelle de l’Arctique circumpolaire.

L’UE est membre de l’organe de coopération régionale du conseil euro-arctique de la mer de Barents (CEAB) avec le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Fédération de Russie, et la Suède. Sa place au sein de la CEAB est d’autant plus affirmée que ce dernier mobilise grandement les ressources et les partenariats de la DN.

Dix États membres de l’UE ont un statut de membre ou un statut d’observateur au conseil de l’Arctique.

Plusieurs États membres de l’UE ont d’ores et déjà adopté un document de politique sur l’Arctique, au premier chef, les États dotés de territoires situés au nord du cercle polaire arctique, le Danemark (2011), la Finlande (2010) et la Suède (2011), mais également des États extérieurs à la zone Arctique, l’Allemagne (2013), les Pays-Bas (2013), le Royaume-Uni (2013), l’Italie (2015) et l’Espagne dont le document est annoncé. La Norvège et l’Islande, États associés à l’UE, ont adopté une stratégie sur l’Arctique, respectivement en 2006, en 2011. Par ailleurs, 3 États membres de l’UE sont membres du Conseil arctique (Danemark, Finlande, Suède) ; 7 autres bénéficient du statut d’observateur (Allemagne, Espagne, Italie, France, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni).

L’Arctique européen est une sous-unité de coopération parmi d’autres (Amérique du Nord, pays nordiques et Fédération de Russie) au sein de l’Arctique circumpolaire.

Au plan diplomatique, l’Union européenne s’efforce de se voir reconnaître au Conseil de l’arctique un rôle et un statut à la hauteur de son investissement scientifique, technique et financier dans la région. Dans l’attente d’un règlement définitif, l’UE conserve la possibilité d’assister aux réunions du Conseil arctique en tant qu’« invité spécial ».

L’Union européenne adopte une politique intégrée sur l’Arctique.

La France encourage l’UE à consolider une vision d’ensemble et à élaborer une stratégie commune sur l’Arctique qui transcende et conjoigne les intérêts des États membres de l’UE directement et indirectement intéressés.

La France milite pour que l’UE porte un objectif ambitieux d’intérêt général de préservation de l’environnement et des écosystèmes marins arctiques.

La France promeut le renforcement du dialogue entre l’UE et les représentants des populations autochtones de l’Arctique, au premier chef les Samis, en particulier dans le cadre des politiques de l’UE susceptibles d’affecter les modes de vie de ces communautés.

La France soutient l’UE dans sa défense de l’application des principes du droit international notamment pour ce qui concerne la liberté de navigation et le droit de passage inoffensif.

La France soutient l’UE dans ses échanges avec les cinq États riverains de l’océan Arctique sur la question de l’encadrement des activités dans l’océan Arctique central.

La France encourage l’UE à développer une fenêtre arctique au sein de la Dimension nordique et du conseil euro-arctique de la mer Barents, en particulier sur les aspects environnementaux et la question des transports.

L’Arctique, un enjeu international

La nouvelle conjoncture dans la zone Arctique favorisée par le retrait spectaculaire des glaces de mer estivales s’est peu à peu imposée comme un enjeu international.

La nature et l’échelle des enjeux et des défis dans la région circumpolaire Nord appellent un haut niveau de coopération internationale entre les États directement et indirectement intéressés.

La France souscrit à la vision selon laquelle la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée le 10 décembre 1982 est le cadre juridique dans lequel doivent être entreprises toutes les activités intéressant l’océan Arctique.

Aux termes de la Convention, les enjeux de gouvernance dans l’océan Arctique engagent un processus d’équilibrage entre les intérêts des États côtiers et ceux des autres États.

La France entend travailler aux côtés des autres États directement et indirectement intéressés pour favoriser un processus d’équilibrage entre intérêts nationaux et intérêt général.

Ainsi que l’a déclaré le Président de la République François Hollande dans son allocution à Reykjavík, le 16 octobre 2015 :

« La France appelle à une responsabilisation accrue des États extérieurs à la zone Arctique, utilisateurs potentiels de l’Arctique, par une plus grande implication de ces États dans les processus de réflexion et de décision relatifs à la gouvernance durable et responsable de l’océan Arctique. Bien sûr, la France reconnait la souveraineté, les droits souverains et la juridiction des États de la zone Arctique mais elle connait aussi les obligations qui sont les siennes au regard du droit international. »

« La France appelle à une responsabilisation accrue des États extérieurs à la zone, utilisateurs potentiels de l’Arctique » (François Hollande, Reykjavík, le 16 octobre 2016).

En dernière analyse, l’Arctique est pour la France une zone écologiquement sensible dans laquelle les intérêts nationaux doivent s’exprimer dans une logique d’intérêt durable et général bien compris.

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Mise à jour : juin 2016