Q&R - Point de presse live (11.12.25)

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Q - À propos de l’Eurovision, la France, par la voix de Jean-Noël Barrot, s’est opposée fermement au boycott d’Israël lors de la prochaine Eurovision, au nom du non-boycott des artistes, des peuples et des intellectuels. Plusieurs observateurs ont souligné un deux poids deux mesures, avec d’autres situations, par exemple, où la Russie, qui a été boycottée, interdite d’Eurovision…

R - Par l’Eurovision.

Q - Oui, au lendemain de l’agression en Ukraine. Des pays africains aussi, Niger, Mali, Burkina [Faso], dont la France a appelé à couper les subventions ici en France. Donc, quid de ce deux poids deux mesures ? Ça, c’est la première chose. Et dans son tweet, le ministre disait assumer « sans fard les différends politiques et désaccords gouvernementaux » avec Israël, mais ne pas boycotter les artistes. Donc est-ce que le génocide que l’on observe depuis plus de deux ans à Gaza est un désaccord politique ? Et il a dénoncé aussi les tenants, comment il a dit ? Les tenants de l’obscurantisme qui appellent au boycott, quand on voit que l’Irlande, l’Espagne, l’Islande, la Slovénie, les Pays-Bas appellent au boycott, se sont retirés de l’Eurovision, est-ce que vous considérez que ces pays sont des tenants de l’obscurantisme du boycott ?

R - S’agissant de l’Eurovision et de la décision de l’Eurovision, ce n’est pas une décision française, c’est la décision de l’Eurovision. Donc il n’y a pas deux poids deux mesures. Nous avons suivi la décision de l’Eurovision quand il s’agissait de prendre une décision sur la Russie, vous l’avez mentionné, il y a maintenant quelques années, et nous suivons la décision de l’Eurovision prise il y a quelques jours concernant Israël. Je vous renvoie effectivement à la déclaration du ministre, la France ne prévoit pas de boycotter l’Eurovision, car cet événement n’est pour nous pas un sommet politique, mais une compétition culturelle et artistique organisée par l’Union européenne de radio-télévision, et sa vocation première est de rassembler les peuples autour de la création musicale, indépendamment des contextes géopolitiques. Donc notre position, elle est celle-ci, c’est de dire « c’est une décision qui est prise par l’autorité qui préside cette Eurovision et nous l’avons respectée. »

Q - (inaudible)

R - Il y a une décision qui a été prise en 2022 par l’Eurovision, nous l’avons respectée, il y a une nouvelle décision qui est prise désormais et nous la respectons également.

Q - Le Congrès américain vient d’abolir les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la fameuse loi César. Dans la foulée, hier, à l’occasion du premier anniversaire du nouveau régime syrien, des accrochages entre des réfugiés armés syriens et des éléments du Hezbollah. Est-ce que vous avez quelque chose à dire sur ces deux points ?

R - Nous saluons la décision prise par le Congrès américain de lever, je crois à une très large majorité, le Caesar Act. Je voudrais vous rappeler qu’hier nous avons décerné au Quai d’Orsay, ici, avec le Ministre, le prix franco-allemand des droits de l’Homme à César. C’était l’occasion de rappeler à la fois le courage personnel très fort qui fut le sien, et puis notre engagement collectif de lutte contre l’impunité, lutte contre l’impunité des crimes commis sous le régime de Bachar al-Assad, mais lutte contre toute impunité s’agissant par exemple des massacres qui ont pu se faire notamment sur la côte syrienne ou à Souweïda depuis.

Je voudrais aussi redonner un petit peu de contexte à tout cela. Vous le savez, le Président de la République avait accueilli le président al-Charaa le 7 mai dernier à l’Élysée, et nous avions levé quelques semaines après, puisque cette levée était effective le 27 mai, les sanctions économiques européennes. C’était une décision que nous avions soutenue, que le Président de la République avait soutenue. L’objectif, il est de donner des moyens économiques pour que la Syrie puisse se relever après 14 ans de guerre civile et violente. Mais ce n’est pas un chèque en blanc, vous le savez. Nous sommes extrêmement vigilants au maintien du caractère inclusif, unitaire et transparent de la transition syrienne actuellement. Vous aviez une deuxième question ?

Q - Les réfugiés syriens armés et les événements… (inaudible)

R - Il faudrait que je vous revienne là-dessus. Je n’ai pas tous les éléments à ce stade.

Q - J’ai plusieurs questions sur le Liban. Plus précisément sur qu’est-ce qu’a donné la visite de Jean-Yves Le Drian et que pouvez-vous nous dire du mécanisme de contrôle du processus de désarmement qui est en train d’être…

R - De suivi, je crois, non ?

Q - …de suivi, je ne sais pas exactement, vous allez nous dire comment on appelle ce mécanisme, dans quel cadre il va se dérouler ? Est-ce que les Français vont prendre part à ce mécanisme ? Est-ce qu’on peut imaginer que les effectifs français de la FINUL puissent prendre part aussi à ce mécanisme une fois le mandat de la FINUL terminé ? Ça, c’est une première question sur le Liban. Est-ce à dire que, du coup, la menace d’une attaque israélienne est écartée à ce stade ? Et donc, aussi, quid de la conférence saoudienne sur l’aide, le soutien aux Forces armées libanaises ? Et j’ai une autre question qui concerne l’Algérie. On attend toujours de savoir si Christophe Gleizes va formuler un pourvoi en cassation. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu’il en est côté consulaire ? Est-ce qu’il y a eu une visite consulaire depuis la confirmation de la décision la semaine dernière ? Et est-ce qu’il y a des éléments concernant les discussions entre la France et l’Algérie ? Où est-ce qu’on en est ? Est-ce que cette décision est un nouvel obstacle sur le chemin pour renouer les discussions entre les deux pays ?

R - Sur votre première question concernant le Liban, l’envoyé personnel du président de la République, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu effectivement à Beyrouth cette semaine. Il a pu avoir un entretien avec les autorités politiques, dont le président de la République, Joseph Aoun, le premier ministre, Nawaf Salam, le président adjoint du Parlement et des ministres. La priorité de son action, c’était le suivi et le renforcement du mécanisme de suivi du cessez-le-feu et la mise en œuvre du plan des Forces armées libanaises pour le désarmement du Hezbollah. Il a également fait des éléments de suivi sur la mise en œuvre des réformes économiques par le gouvernement libanais. Elles sont nécessaires au relèvement du Liban et nous avons toujours comme perspective la tenue de la conférence de soutien aux Forces armées libanaises à la suite de la décision du gouvernement libanais sur le monopole de l’État sur les armes. Donc cela reste bien sûr toujours notre perspective. Dans ce cadre-là, nous sommes en étroite coopération avec nos partenaires saoudiens, avec nos partenaires américains sur ces sujets, le Président l’a indiqué, notre priorité est de soutenir davantage les Forces armées libanaises et les forces de sécurité intérieure libanaise dans la mise en œuvre de cette décision du 5 septembre dernier de monopole de l’État libanais sur les armes et de descendre des Forces armées libanaises dans le sud du Liban.

Q - (inaudible)

R - Vous m’avez demandé qu’est-ce qu’était (inaudible) Jean-Yves Le Drian…

Q - Ma question n’était pas tant sur… Oui, mais je voudrais avoir le résultat de cette discussion puisqu’il était question de monter un mécanisme permettant de suivre le processus du désarmement du Hezbollah. Et sur ce mécanisme… Ce sont deux choses différentes : il y a le mécanisme de suivi du cessez-le-feu qui comprend un volet qui est le désarmement du Hezbollah, mais comme on n’arrive pas vraiment à contrôler où on en est du désarmement, il est question d’un mécanisme qui permette d’objectiver où on en est de ce désarmement et de l’accélérer si possible. D’où ma question, est-ce que les troupes françaises pourraient venir en appui et dans quel cadre est-ce que ce mécanisme-là rentre dans l’autre mécanisme plus large du suivi du cessez-le-feu ?

R - Le travail est en cours. A ce stade, notre objectif, c’est le renforcement du mécanisme du cessez-le-feu. On communiquera en temps voulu s’il y a d’autres évolutions. La prochaine réunion de ce mécanisme est le 19 décembre prochain, à laquelle la France évidemment participera et que nous préparons dans cette perspective. John, pour finir sur le Liban.

Q - (inaudible) …prévu de retourner au Liban avant cette réunion du 19 pour une réunion avec les Américains, les Saoudiens et les FAL ? Ou est-ce que c’est prévu à Paris, par exemple ?

R - L’envoyé spécial a prévu d’être à Beyrouth le 19 décembre.
Il y avait une deuxième question à laquelle je vais répondre sur l’Algérie, avant de passer à la question d’après. S’agissant de votre question concernant Christophe Gleizes, le dialogue, vous le savez, avec les autorités algériennes reprend progressivement. Beaucoup reste à faire, notamment dans les sujets évidemment de priorité, de coopération migratoire et sécuritaire. Le sort de Christophe Gleizes est un élément important de ces discussions. La peine, dès que nous l’avons apprise, confirmée en appel, est sévère, elle est injustifiée, elle est même incompréhensible. Nous continuons de passer ce message auprès des autorités algériennes pour obtenir sa libération et son retour en France dans les meilleurs délais.

Q - Je reviens au Liban. Est-ce que vous pouvez confirmer que le chef de l’armée libanaise vient à Paris la semaine prochaine et qu’il y aura des pourparlers franco-américains avec le chef de l’armée ? Deuxième question pour la conférence du soutien des FAL. L’Arabie saoudite est un partenaire avec la France, mais il me semble qu’il y a une hésitation de la part de l’Arabie saoudite. Quelles sont les attentes ? À quoi ils s’attendent avant de… Parce que l’on a l’impression que c’est retardé, ce support qui était supposé venir fin de ce mois. Puis il y a une tribune aujourd’hui dans Le Monde sur les évacuations médicales des blessés à Gaza, des médecins français qui disent que la France ne fait pas assez. Pourquoi ne faites-vous pas assez alors que la France a les capacités de traiter tous ses blessés ? Et ma quatrième question, : Il me semble qu’il n’y a eu jamais un commentaire français sur l’exclusion de la Russie de l’Eurovision. Je sais que c’est une décision de l’Eurovision, mais à l’époque, vous n’avez pas fait un commentaire disant que les Russes ne doivent payer pour ce que le gouvernement russe fait, c’est une compétition culturelle, artistique. Alors que dans le cas d’Israël, le ministre a très bien fait ce tweet… Et il a dit que ça, c’est notre position, nous, on n’est pas contre la participation des artistes israéliens dans l’Eurovision. C’est là où on voit un peu un double standard, au moins un silence.

R - Sur votre première question, je ne confirme pas une éventuelle venue que vous mentionnez. Ce que je confirme, c’est la prochaine tenue, le 19 décembre prochain, du mécanisme de suivi du cessez-le-feu auquel participera Jean-Yves Le Drian et d’autres, côté français - mais effectivement, Jean-Yves Le Drian de notre côté.

Ensuite, sur le sujet que vous mentionnez de préparation de la conférence des forces armées libanaises, notre but, c’est de soutenir au maximum les forces armées libanaises. Vous savez que depuis la fin du mois d’août et la décision du Conseil de sécurité des Nations unies sur le renouvellement du mandat de la FINUL avec une échéance qui est programmée, nous souhaitons que les forces armées libanaises aboutissent, d’une part au désarmement du Hezbollah, et ensuite à la reprise des positions dans le sud du Liban. Il y a eu des effets, il y a eu des améliorations et des progrès qui ont été faits depuis le 27 novembre 2024. Il y a des progrès qui doivent encore être faits. C’est pour cela que notre position est de continuer à soutenir au mieux les forces armées libanaises. C’est le message que nous passons aussi aux partenaires saoudiens, toujours dans la perspective de préparer et d’organiser cette fameuse conférence sur les forces armées libanaises avec la partie saoudienne. Je voudrais aussi vous dire qu’en parallèle, nous préparons, et nous avons toujours l’ambition de préparer une conférence sur la reconstruction de l’économie libanaise en France, une fois que les quelques réformes, notamment économiques, auront pu aussi être passées et avancées du côté libanais et lorsque les conditions seront remplies.

Votre troisième question portait sur les évacuations médicales à Gaza. La France, vous le savez, est extrêmement mobilisée sur ce sujet. Nous avons effectué différentes évacuations, notamment ces dernières semaines. Ces opérations, je voudrais aussi le redire, elles sont réalisées dans des conditions d’une extrême difficulté, particulièrement pour les évacuations médicales. Nous avons besoin des autorisations des autorités locales. Il y a un risque qui est aussi très élevé pour les fonctionnaires qui opèrent ces convois ou qui participent à l’organisation de ces évacuations. Nous travaillons à de nouvelles évacuations, quand cela sera possible, en fonction des conditions et aussi des autorisations que nous aurons. Les différentes sorties de Gaza se chiffrent en plusieurs centaines de personnes. Le chiffre est au-dessus des 300 personnes depuis le printemps 2025. Il est environ à 600 personnes depuis le début de la crise générée par le 7 octobre 2023.

S’agissant de votre quatrième question, je n’ai pas plus de commentaires à faire. Notre position est constante : s’agissant des participants à cette organisation de l’Eurovision, nous laissons la gouvernance de l’Eurovision décider, nous l’appliquons, et nous l’appliquons de manière aussi directe que ce que nous avons indiqué là et que ce que nous avions indiqué, s’agissant de la Russie.
Q - J’ai une question sur les avoirs gelés russes et la discussion là-dessus. Vu que la discussion s’avance au niveau européen et aussi national, est-ce que vous avez des craintes spécifiques sur des représailles possibles de la Russie ou des messages là-dessus de la part de leur ministère, si cela avançait ? Je pense notamment à des biens détenus par des compagnies françaises qui sont encore en Russie, par exemple Total, Novatec. Est-ce qu’il y a une crainte qu’elles pourraient être expropriées ?

R - Ce n’est pas comme cela que nous réfléchissons. La situation telle qu’elle est, telle qu’elle se présente à nous : vous avez un État agresseur qui a attaqué un État qui se retrouve agressé. Nous soutenons l’Ukraine de manière très ferme et dans la durée, et il n’y a pas de fatigue là-dessus. Ce que nous voulons, c’est donner de la visibilité dans le temps, dans ce soutien pour l’Ukraine. C’est ça qui est extrêmement important. Il est estimé que sur les deux à trois années qui viennent, l’Ukraine pourrait avoir besoin de 140 milliards d’euros pour poursuivre cet effort-là. La Commission a fait des propositions qui sont actuellement discutées dans différents formats à Bruxelles. Parmi ces propositions, il y a celle de l’utilisation des recettes de trésorerie d’avoirs gelés russes en Europe pour pouvoir financer cet effort de 140 à 240 milliards d’euros pour l’Ukraine. Nous y sommes favorables. Les discussions sont extrêmement techniques, extrêmement difficiles, mais je sais que ce point sera notamment à l’agenda du Conseil européen du 18 décembre, et nous travaillons avec nos partenaires européens d’ici à cette échéance.

Q - (inaudible)

R - Ce que je vous dis, c’est que ce n’est pas comme cela que nous réfléchissons. C’est-à-dire que nous avons saisi des avoirs russes dans le cadre des sanctions que nous voulons imposer à un régime qui a été celui qui a agressé un pays. Et c’est uniquement dans ce sens-là que nous essayons d’avancer.

Q - Il y aura, en début de la semaine prochaine, une rencontre de haut niveau à Berlin sur l’Ukraine, à laquelle les États-Unis ont été invités aussi. Est-ce que l’un des ministres du Quai d’Orsay va représenter la France à cette occasion, ou est-ce qu’il y aura une représentation à un autre niveau ?

R - Qu’est-ce que vous entendez par rencontre de haut niveau la semaine prochaine à Berlin ?

Q - C’est une rencontre lors de laquelle il y aura notamment le chancelier Mertz. Les États-Unis ont été invités au plus haut niveau et ça vient d’être mentionné publiquement par le chancelier lors d’une conférence de presse aujourd’hui.

R - Je n’ai pas plus de commentaires à faire à ce stade sur ce projet de réunion.

Q - Merci. Et j’ai une deuxième question sur un sujet totalement différent. Il y aura un vote, la semaine prochaine, à Bruxelles, sur l’accord Mercosur. Est-ce que la France estime que les demandes qui ont été formulées, il y a eu une satisfaction de ces demandes, notamment la clause de sauvegarde et le fait que les pays de Mercosur acceptent cette clause ? Ou est-ce qu’en l’État, et d’ici mardi, les conditions ne sont pas encore unies pour autoriser la signature et il faudra donc se reposer la question plus tard ?

R - Notre position est inchangée sur le sujet. La France est une grande puissance agricole. Nous défendons nos intérêts agricoles de manière très ferme dans ces négociations, mais aussi dans le cadre de la prochaine politique agricole commune. Donc nous continuons de travailler sur cet accord qui n’est pas acceptable en l’état, au jour où je vous parle. Les trois priorités sont bien connues, je vous les redis. Nous demandons une clause de sauvegarde qui soit robuste, effective et activable. Nous demandons des clauses miroirs, c’est-à-dire afin d’imposer aux producteurs dont on importe les produits les mêmes conditions qui s’imposent à nos propres producteurs. Et puis la troisième chose, c’est que nous demandons des mesures de contrôle, des mesures SPS, qui soient renforcées, notamment sur le premier S du SPS, la partie sanitaire. À ce stade, notre position, c’est celle-ci.

Q - (inaudible)

R - En tout cas, la décision, s’il y a des avancées, sera prise en fonction des éventuelles avancées. Mais notre position, en l’état, actuellement, elle est exactement celle-ci.

Q - Juste une petite remarque sur l’échange qui vient d’avoir lieu entre les arguments présentés sur l’Eurovision. Pourquoi ne pas assumer un soutien inconditionnel à Israël ? Le deux poids deux mesures est assez clair. Le commentaire concernant l’appel au boycott d’Israël à l’Eurovision n’a pas plu à la France. Le Ministre s’est senti obligé de commenter. Et sur la Russie, on a laissé faire le boycott des artistes russes. Donc pourquoi ne pas assumer une forme de soutien inconditionnel à Israël, quoi qu’il arrive, quoi qu’il fasse ?
Deuxième chose, une question par rapport à la situation globale dans les territoires palestiniens. Israël a annexé la moitié de la bande de Gaza et empêche l’entrée de l’aide humanitaire. Les seules denrées qui rentrent, ce sont des denrées commerciales. Sachant que le peuple palestinien de Gaza subit un massacre depuis deux ans, que personne n’a pu travailler, personne n’a plus d’argent, ils ne peuvent pas acheter ces denrées. La majorité de la population est sous les tentes, en proie aux intempéries, en plein hiver. En Cisjordanie, Israël applique un régime de terreur - vous pouvez lire un article qui porte ce titre dans Le Monde d’hier -, et les détenus palestiniens se comptent par milliers. Celui qui est considéré par beaucoup d’observateurs comme le Mandela palestinien, Marwan Barghouti, ses enfants ont dit qu’il avait été torturé récemment en prison. Le ministre Ben-Gvir arbore des pins avec une corde pour appeler à la pendaison des détenus palestiniens. Quelle est la position de la France par rapport à la radicalisation indiscutable du gouvernement israélien ?

R - Sur votre premier point, non, il n’y a pas de soutien inconditionnel à Israël. Je crois que notre position est très claire. Il y a une solidarité et une amitié avec le peuple israélien, avec lequel nous avons des coopérations universitaires, culturelles, qui se poursuivent, et nous nous tenons fermement opposés au terrorisme. Et puis il y a des désaccords clairs, assumés avec certaines actions du gouvernement israélien, au premier rang desquels la conduite de la guerre dans la bande de Gaza et les projets de colonisation en Cisjordanie, nous l’avons dit et redit à différentes reprises, notamment le projet de colonisation E1 en Cisjordanie. Nous avons aussi condamné très fermement les frappes meurtrières contre des civils au Liban ou les opérations israéliennes en Syrie. Donc notre position n’est pas celle d’un soutien inconditionnel, mais celle d’un dialogue avec les autorités israéliennes, qui est à la fois exigeant et maintenu pour pouvoir avancer sur ces points.

Sur votre deuxième point et la situation sur le terrain, elle est encore extrêmement catastrophique en termes humanitaires. Effectivement, nous le disons et nous le répétons, je le redisais la semaine dernière, nous appelons à ouvrir tous les points de passage, à diminuer le nombre de biens qui sont catégorisés comme biens à double usage et qui, du fait des autorités israéliennes, ne peuvent pénétrer dans la bande de Gaza, et à augmenter le nombre d’organisations non gouvernementales qui distribuent l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Je vous redis encore quelques éléments, puisque vous m’en donnez cette opportunité. Les projets de colonisation ou d’annexion de la Cisjordanie constituent, pour la diplomatie française, une ligne rouge absolue. Nous rappelons notre ferme attachement - et nous l’avons défendu, à la fois dans le plan franco-saoudien de juillet dernier et de septembre, nous l’avons redéfendu ensuite dans les différentes versions du plan de paix de fin septembre - à l’unité des territoires palestiniens, Cisjordanie et Gaza inclus, à la mise en œuvre de la solution à deux États qui, dans notre compréhension, est la seule manière d’avoir deux peuples vivant côte à côte en paix, et pour avoir une paix robuste et durable sur le long terme, avec des frontières sûres et reconnues mutuellement. Nous sommes opposés à tout changement démographique ou territorial dans la bande de Gaza, ainsi qu’à tout déplacement forcé de population, et donc à tout acte visant à réduire le territoire de Gaza, qui serait contraire au droit international.

Nous avons enfin, et je terminerai par cela, fait une déclaration, le 27 novembre dernier, condamnant la hausse des violences en Cisjordanie avec nos partenaires allemands, italien et britannique. Nous avons condamné collectivement, à la fois la hausse des violences en Cisjordanie et les projets poursuivant la colonisation sur ces territoires.

Q - Sur Gaza, qu’est-ce qui se passe avec le plan américain, la force de stabilisation ? Est-ce que vous êtes encore consulté sur ce sujet ? Parce qu’on n’entend pas grand-chose. La situation ne s’améliore pas et la réalité, c’est qu’on paraît très loin d’un plan pour désarmer le Hamas et pour avancer à la phase deux, dont on a beaucoup parlé il y a quelques mois.

R - Vous le savez, nous avons tout à fait soutenu l’accord de Charm el-Cheikh. Nous avons ensuite défendu le fait qu’il puisse être donné un mandat clair du Conseil de sécurité des Nations unies pour sa mise en application, ce qui est le cas, ce dont nous nous réjouissons. Nous participons ensuite un peu aux trois piliers de l’effort : humanitaire, gouvernance et sécuritaire. Nous participons, à ce titre, au CMCC, où nous avons à la fois du personnel militaire et du personnel civil qui y sont présents. Est-ce que la situation sur le terrain est fragile ? Oui. Est-ce qu’il faut poursuivre les efforts ? Oui aussi. Nous sommes actuellement dans des discussions sur la précision, dans le cadre de ce CMCC, avec les partenaires, des différentes étapes, notamment s’agissant de la partie humanitaire, la préparation d’une conférence humanitaire avec nos partenaires impliqués sur le sujet, comme les Égyptiens. Et nous poursuivons le travail de coordination pour ce que vous mentionnez, c’est-à-dire la force de stabilisation dans le cadre du mandat donné par le Conseil de sécurité des Nations unies. Je ne peux pas vous en dire plus à ce stade.

Q - Et sur la participation au Board of Peace ?

R - Sur le Board of peace, nous pourrions y prendre part, mais je ne vous donnerai pas plus d’éléments à ce stade.