Q&R - Point de presse live (23 mai 2024)
Q - J’ai une question sur le Liban. Jean-Yves Le Drian doit s’y rendre la semaine prochaine : est-ce que vous avez des éléments à nous communiquer là-dessus ? Je crois d’ailleurs qu’il y a d’autres officiels qui sont actuellement ou qui vont aller au Liban avant M. Le Drian.
R - Oui, effectivement. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de vous rappeler que le Ministre était très impliqué dans la résolution de la crise au Liban. Je n’ai pas de commentaire particulier à faire sur le prochain déplacement de Jean-Yves Le Drian, mais il s’inscrit pleinement dans la série de déplacements qui ont déjà eu lieu entre nos autorités et les autorités libanaises.
Q - Et les dates de sa visite ?
R - Je n’en dispose pas.
Q - Est-ce que vous pourriez nous donner des détails justement sur le sujet libanais, qui a sûrement été abordé entre M. Séjourné et M. Katz ? Dans le passé, vous aviez dit que vous aviez présenté des propositions qui étaient plus ou moins - si j’ai bien compris - acceptées par au moins le gouvernement libanais et que vous attendiez la réponse. Là, le Ministre y était. Est-ce que vous avez reçu une réponse ?
R - La France est pleinement engagée sur ce sujet, avec comme priorité de soutenir la société libanaise tout en évitant un risque d’escalade au sud du Liban. Le Ministre a reçu son homologue israélien, M. Katz, hier et il lui a redit l’urgence de trouver une solution diplomatique à la situation à la frontière entre le Liban et Israël. Le ministre Stéphane Séjourné était porteur, il y a quelques mois, de propositions en vue de trouver une issue diplomatique aux tensions qu’il peut y avoir à la frontière du nord d’Israël. Les autorités libanaises, effectivement, nous ont fait un premier retour. Le sujet a été discuté avec son homologue israélien, mais nous attendons toujours une réponse très officielle. L’objectif, encore une fois, dans cette région, pour éviter une escalade, c’est de parvenir à une application pleine et entière par toutes les parties de la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
Q - J’ai deux questions pour vous.
La première concerne le Gabon, puisque vous savez sans doute que le président gabonais Brice Oligui Nguema va être reçu à l’Élysée - je crois que c’est le 30 mai prochain, il me semble. Président gabonais qui est arrivé, vous le savez, au pouvoir par un putsch en août dernier. Mais ce qui, en fait, m’interrogeait, c’est peut-être la différence de réaction des autorités françaises vis-à-vis du putsch qu’il y a eu au Gabon et vis-à-vis d’un putsch qui s’est tenu quasiment en même temps, en juillet dernier, le putsch au Niger. La France a une réaction très ferme vis-à-vis des putschistes au Niger. On a même voulu remettre Mohamed Bazoum au pouvoir par la force. Mais vis-à-vis de Brice Oligui Nguema et de la junte gabonaise, on a condamné pour la forme, mais ensuite la France a repris très vite sa coopération militaire avec le Gabon, et aujourd’hui on reçoit à l’Élysée Brice Oligui Nguema avec tous les honneurs qui lui sont dus et on fait des affaires avec lui. Donc ma question est la suivante : pourquoi avoir été si durs avec les putschistes au Niger et finalement si accommodants avec les putschistes au Gabon, en sachant que Brice Oligui Nguema - même s’il a repris les choses en main, personne ne va regretter Ali Bongo - est quand même quelqu’un qui, par exemple, a enfermé des syndicalistes femmes qui faisaient grève et leur a fait raser la tête et veut se maintenir au pouvoir ? Et c’est vrai que je veux vous interroger un peu sur ce deux poids deux mesures qui fait beaucoup parler en Afrique et qui fait que la politique de la France est si critiquée.
Ma deuxième question concerne la République de Guinée, la Guinée Conakry. Il y a une transition qui est en cours suite au putsch de Mamadi Doumbouya, mais c’est vrai qu’il y a des questions qui se posent. A priori, les élections ne seront pas organisées fin 2024 comme c’était prévu. Et surtout, il y a un raidissement autoritaire. Et vous avez suivi, je pense, qu’hier il y a les principaux médias privés du pays qui ont été… dont la licence a été retirée. C’est un peu comme si vous coupiez demain TF1, M6 et Arte en France. Donc je voulais savoir votre réaction vis-à-vis de cette violation de la liberté de la presse.
Et j’avais peut-être un point un peu plus technique, mais qui est lié à ce point, c’est que la France finance à hauteur de 66 millions d’euros d’argent public - donc un prêt du Trésor et un prêt de la BPI - un projet qui est censé renforcer la liberté de la presse en Guinée en installant notamment une TNT, une télévision numérique terrestre, et en renforçant les capacités de la télévision publique. Or, dans ce contexte, il paraît quand même compliqué de considérer que ce projet, qui est porté par l’entreprise française Thomson, renforce la liberté de la presse, puisque si demain il y a une TNT en Guinée, ça ne sera que des chaînes favorables au régime puisque les autres chaînes sont coupées. Et puis je ne sais pas si… Je pense que vous ne passez pas vos soirées devant la télévision publique guinéenne, mais c’est vrai que c’est un peu une sorte de télévision est-allemande à la gloire de Mamadi Doumbouya. Donc je vais vous poser la question, puisque je sais que l’ambassadeur de France en Guinée s’était fait le porte-parole un peu de ce financement-là : est-ce que vous allez revoir et suspendre ce financement de 66 millions d’euros ? Parce que ce projet, il va être normalement lancé le 14 juin et a priori il ne va pas renforcer la liberté de la presse en Guinée mais plutôt financer, sur fonds publics français, la propagande d’une dictature, et je ne pense pas que ce soit en accord avec les valeurs prônées par le Quai d’Orsay.
R - Sur la première question, qui nous renvoie quelques mois en arrière et qui nous renvoie à des événements qui se sont passés l’été dernier, je ne pense pas que nous ayons un double standard. Je crois surtout que les situations étaient différentes. D’une manière générale, nous agissons avec un principe simple : ces pays font partie d’organisations régionales - au Gabon, c’est le cas de la CEEAC, le Niger, c’est le cas de la CEDEAO - et nous considérons que nous n’avons pas à nous substituer à ces organisations, qui ont pris position sur ces deux événements, qui sont arrivés d’une manière concomitante temporellement, mais qui encore une fois étaient assez différents. Donc nous considérons qu’il n’y a pas de double standard, en tout cas dans notre position, qui est dictée encore une fois par le fait que nous nous en remettons aux organisations régionales. Sur le point plus spécifique du calendrier, je n’ai pas d’éléments pour vous confirmer un éventuel entretien du président gabonais à Paris. Peut-être que l’Élysée pourra vous donner plus de détails sur ce sujet-là.
Sur la Guinée Conakry, nous suivons avec attention le processus de transition, qui doit permettre un retour à l’ordre constitutionnel. Et s’agissant plus spécifiquement de votre question sur la situation des médias, je vais vous répondre tout de suite : nous avons à plusieurs reprises exprimé notre inquiétude à ce sujet et rappelé aux autorités guinéennes notre attachement à la liberté de la presse et à la liberté d’expression d’une manière générale. Alors évidemment, comme dans plusieurs pays du monde, nous avons des programmes de soutien, justement, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression. Je n’ai pas d’indications spécifiques sur la mesure qui a été prise hier par les autorités guinéennes, mais ce qui est certain, c’est que c’est un point qui est suivi attentivement ici et je pense que nous aurons l’occasion d’en reparler le cas échéant, s’il y a des décisions qui seront prises. Mais pour le moment, nous en sommes au point où nous suivons la situation avec attention, et notamment la décision que vous mentionnez.
Q - Dans une déclaration publiée lundi, vous avez dit que la France soutient la Cour pénale internationale et la lutte contre l’impunité dans toutes les situations. Mais le Ministre, M. Séjourné, disait mardi devant l’Assemblée nationale que les demandes simultanées de mandats d’arrêt ne doivent pas créer d’équivalence entre le Hamas et Israël. Est-ce que c’est un changement dans la position initiale de la France, la position exprimée dans votre déclaration ?
R - Non, ce n’est pas un changement. Le communiqué qui a été publié lundi soir va dans le même sens. Le Ministre a précisé notre position lors de la séance de questions au gouvernement de mardi. La France reconnaît l’indépendance de la CPI, qui est une garantie de la stabilité internationale. À ce titre, et puisque c’est une cour indépendante, on ne commente pas la décision qui a été prise par le procureur Karim Khan de demander des mandats d’arrêt contre cinq personnalités. Simplement, la lecture des choses, c’est que ces demandes, si elles sont simultanées, ne créent pas à nos yeux d’équivalence entre les personnes qui sont mentionnées dans la demande du procureur, qui appartiennent au Hamas, qui est un groupe terroriste qui a revendiqué ces attaques et qui les a documentées, et Israël, qui est un État démocratique. C’est la raison pour laquelle le Ministre a précisé cela, lors des questions au Gouvernement, mardi. Il revient maintenant à la Chambre préliminaire de la Cour de se prononcer sur leur délivrance ; les juges qui siègent dans cette Chambre préliminaire le feront en toute indépendance.
En tout état de cause, et c’est ce qui est écrit dans le communiqué, ainsi que le Ministre a redit, mardi, nous restons très fortement engagés pour trouver une solution politique à la crise, qui est, selon nous, le seul horizon de paix possible.
Q - Concernant vos propos sur la décision de la reconnaissance de la Palestine et vos propos que cette décision doit intervenir au bon moment, est-ce que vous pouvez nous expliquer que veut dire « au bon moment » ou quels sont les éléments nécessaires pour la France, qui sont nécessaires pour aboutir à ce moment opportun, ou à ce bon moment ?
R - C’est une position que le Président de la République a exprimée, il y a quelques semaines. Il l’avait dit, et le Ministre l’a redit hier, il n’y a pas de tabou en France sur la question de la reconnaissance de l’État palestinien. Simplement, cette décision doit être utile, c’est-à-dire qu’elle doit permettre d’obtenir une avancée décisive sur le plan politique. C’était le sens des propos que vous citez, c’est-à-dire qu’elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait « un avant » et « un après » cette reconnaissance. C’est un acte symbolique qui est fort, mais qui doit aussi s’inscrire dans le cadre plus général d’un processus politique. Et c’est la raison pour laquelle, le Ministre l’a dit hier, la reconnaissance de la Palestine doit intervenir au bon moment. Alors, je ne suis pas en mesure de vous dire quel est ce moment, précisément, mais c’est une question qui s’insère dans la discussion plus générale d’une recherche de solutions politiques. Et il ne s’agit pas simplement d’une question symbolique, de reconnaître ou de ne pas reconnaître, mais simplement d’un outil, enfin, d’une question qui s’inscrit dans un processus diplomatique de recherche d’une solution politique de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité. Donc, encore une fois, c’est ce qu’a dit le Président de la République, et c’est ce qu’a redit le Ministre hier, ce n’est pas un tabou, mais cette décision de reconnaissance, si elle doit intervenir, doit intervenir au bon moment pour être utile et permettre une avancée dans le processus politique.
Q - Donc les conditions pour qu’on soit dans un bon moment ne sont pas encore réunies ?
R - Pour le moment, nous sommes dans une situation où la France est très engagée pour parvenir à une solution politique à la crise, c’est dans ce cadre-là qu’il faut lire la question de la reconnaissance de l’État palestinien. Il n’y a pas de tabou, mais il faut que cette reconnaissance fasse sens dans le cadre d’un processus politique.
Q - Retour au Liban, si vous le permettez, la crise des réfugiés syriens est une crise grave dont les conséquences vont influer sur l’avenir du pays, mais les problèmes doivent être réglés bien sûr localement. Mais ma question est la suivante : est-ce que la France est intéressée par ce problème ? Pour deux raisons, la première, c’est la porosité de la frontière libano-syrienne tracée après le mandat français, qui gouvernait les deux pays ; est-ce qu’il y a une responsabilité française à cet égard ?
R - Comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la France est très engagée dans la question de la résolution de la crise libanaise et de la situation au Liban d’une manière générale. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a nommé un représentant personnel, M. Jean-Yves Le Drian. Et toute question ou tout paramètre qui pourrait influer justement sur la résolution de la crise est un sujet qui nous intéresse. Sur le sujet spécifique des réfugiés syriens qui sont actuellement présents sur le territoire libanais, nous constatons que le régime syrien continue d’être une source d’instabilité pour la région. Vous me demandez si la France s’intéresse à la question des migrants, je vous dis que oui, encore une fois, puisque c’est une question qui est importante pour la stabilité du pays. Mais il n’en reste pas moins que cela demeure un sujet qui est lié à l’existence en Syrie d’un régime qui est fois enfermé dans une logique d’intransigeance et qui est surtout un élément déstabilisateur dans la région. Mais je pense que cela fait partie, pour le dire beaucoup plus simplement, des discussions et que sur la question des réfugiés plus spécifiquement, il est nécessaire que les différentes parties prenantes travaillent à faire en sorte que le retour des réfugiés se fasse de manière volontaire, digne, sûre et plus importante, conforme au droit international. Donc c’est une question avec plusieurs paramètres, mais sur laquelle nous sommes très attentifs.
Q - J’avais une question en fait sur la Syrie et le Liban, parce que vendredi dernier, huit pays, l’Autriche, la République tchèque, Chypre, le Danemark, la Grèce, l’Italie, Malte et la Pologne se sont réunis à Chypre pour discuter de l’augmentation de l’arrivée des réfugiés syriens du Liban. Ils ont déclaré qu’il fallait des moyens de gestion plus efficaces pour ces réfugiés syriens. Et Chypre a parlé d’établir des zones de sécurité en Syrie. Et parmi les Syriens, il y a des peurs de retour forcé. Est-ce que vous pensez que dans ces conditions, vous avez dit qu’il faut un retour digne et sûr etc. est-ce que la France fait partie de ces discussions ? Qu’est-ce qu’elle en pense ?
R - Sur la question des réfugiés syriens, je vous ai donné notre position, c’est-à-dire d’avoir effectivement ce droit au retour sûr, qui permette un retour digne et dans de bonnes conditions des réfugiés, le tout dans des conditions qui respectent le droit international. Sur le point plus spécifique de la réunion que vous mentionnez, je n’ai pas d’éléments supplémentaires à vous donner.
Q - Je vais revenir sur le sujet de l’Assemblée nationale. C’est sûrement ma faute, peut-être je n’ai pas bien compris vos paroles en français, donc c’est juste pour être clair ; est-ce que quand M. Séjourné a dit qu’il n’y a pas d’équivalence, est-ce que c’est son interprétation du communiqué de M. Khan, est-ce que dans sa tête c’est ce que M. Khan pense, ou est-ce qu’il s’agit d’une position française ?
R - Il s’agit évidemment d’une position française puisque, comme je le disais, M. Khan est procureur d’une Cour indépendante, et il ne nous revient pas de commenter les déclarations de M. Khan. Donc ce qui est contenu dans le communiqué qui est paru lundi soir et ce qu’a redit le Ministre, lors de la séance des questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale, correspond à la position de la France sur le sujet.
Q - Je voudrais savoir si vous pourriez nous donner des éléments sur un avion militaire français qui va évacuer des Néo-Zélandais de Nouvelle-Calédonie. Est-ce qu’on peut avoir un petit point sur le nombre de personnes qui ont été évacuées avec l’aide de la France ?
R - C’est effectivement un sujet sur lequel le Ministre est très actif, puisqu’il s’est entretenu avec son homologue néo-zélandais, dernièrement, mais aussi avec son homologue australien, puisque cela concerne aussi des ressortissants australiens. Nous avons mis en place une coopération étroite avec ces pays afin d’assurer l’organisation de vols et la gestion de retours assistés de ces ressortissants vers leurs pays respectifs. Les autorités françaises en Nouvelle-Calédonie, et ici à Paris, sont très mobilisées pour organiser ces retours chez eux. Sur les avions, spécifiquement, qui font ces rotations, je n’ai pas de détails précis. Je sais simplement que ces vols ont commencé. Il y a déjà eu des vols qui ont permis le retour de Néo-Zélandais et d’Australiens, et que ces vols continuent jusqu’à ce que les vols commerciaux réguliers reprennent. Et la reprise des vols commerciaux réguliers, vous le savez, c’est une décision qui sera prise par les autorités en Nouvelle-Calédonie, lorsque les conditions de sécurité seront réunies. Mais c’est un mouvement qui continue et il y a toujours des vols qui permettent aux Néo-Zélandais et aux Australiens de regagner leurs pays s’ils le souhaitent.