Lutter contre la criminalité environnementale
La criminalité environnementale est devenue en quelques années l’une des activités criminelles les plus lucratives au monde. Extrêmement lucrative et peu risquée, elle rapporterait entre 110 et 281 milliards de dollars par an.
La criminalité environnementale constitue une menace croissante pour l’environnement, la biodiversité et la santé publique mais également pour la sécurité internationale.
Elle contribue à entretenir des tensions au sein des sociétés et est souvent liée à d’autres formes de criminalité qu’elle alimente (par le financement d’activités criminelles ou terroristes, la corruption et le blanchiment d’argent, le meurtre).
Dans les zones en conflits, les groupes armés de criminalité organisée et les terroristes sont de plus en plus actifs dans ces trafics, comme le soulignent les rapports récents d’Interpol (selon l’atlas mondial des flux illicites de 2018, 38% des ressources illicites de ces groupes sont liées à de telles activités).
Tous les pays du monde sont touchés, en tant que pays d’origine, de transit ou de destination. Pourtant, la criminalité environnementale reste encore peu incriminée dans les législations nationales. Par ailleurs, les forces de l’ordre sont rarement formées à ses spécificités. C’est pourquoi, des mécanismes de coopération policière et d’harmonisation des législations se mettent en place afin d’identifier et de sanctionner plus efficacement les criminels environnementaux.
L’expression « criminalité environnementale » désigne l’ensemble des activités illégales qui portent atteinte à l’environnement et profitent à certains individus, groupes et /ou entreprises.
Malgré des définitions légales variables selon les pays, on peut distinguer 5 catégories de crimes environnementaux, reconnues comme telles par l’Assemblée des Nations unies pour l’Environnement :
- le commerce illégal d’espèces sauvages,
- l’exploitation forestière illégale,
- la pêche illégale,
- le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereux et toxiques,
- l’exploitation et le commerce illégal de minerais.
L’action au niveau européen
Depuis une dizaine d’années, l’Europe s’est doté d’un cadre pénal pour la protection de l’environnement. Il repose sur un texte majeur, la directive 2008/99 qui énonce les dispositions du droit européen de l’environnement dont la violation constitue une infraction pénale devant être sanctionnée par les États membres. Elle a été complétée en 2009 par une directive sur la pollution causée par les navires, qui introduit des pénalités et des niveaux minimaux de pollution maritime intentionnelle devant être considérés comme des infractions pénales par les États membres.
La France coopère avec Eurojust qui apporte une assistance aux États membres en matière de criminalité environnementale lorsque les faits incriminés s’établissent dans 2 ou plusieurs États membres.
Dans le cadre de la présidence du Conseil de l’Union Européenne du premier semestre 2022, la France a souhaité rappeler son implication en matière de lutte contre la criminalité environnementale. La conférence « La protection pénale de l’environnement : un défi européen » organisé à Marseille du 17 au 18 mai 2022, a permis de dresser un état des lieux du phénomène en Europe et des problématiques de coopération judiciaire, afin d’enrichir les travaux de révision de la directive de 2008.
L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, partenaire majeur dans la lutte contre la criminalité environnementale
L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est une structure interministérielle créée en 2004. L’OCLAESP a pour rôle de :
- analyser les phénomènes de criminalité environnementale,
- coordonner les enquêtes dans ce domaine et animer la coopération internationale par des actions concrètes (de formation, traitement des demandes de coopération policières).
Il s’appuie sur un réseau de 350 officiers de police judiciaire de terrain spécialisés dont il assure la formation.
Référent pour la coopération internationale, l’OCLAESP est le point de contact français avec Europol, Interpol et auprès de pays tiers. Il contribue à l’amélioration des dispositifs nationaux et internationaux d’évolution de la norme et des bonnes pratiques.
Depuis janvier 2018, l’Office assure, au sein d’Europol et au nom de la France, le pilotage de la plateforme européenne EMPACT dédiée à la lutte contre la criminalité environnementale.
L’action au niveau international
Dans le cadre de ses relations bilatérales avec ses principaux partenaires, la France s’efforce d’obtenir une meilleure prise en compte des problématiques liées à la criminalité environnementale.
Renforcer la coopération internationale pour lutter contre la criminalité environnementale
L’engagement français dans la lutte contre le trafic d’espèces se concrétise au travers des conférences des parties de la Convention CITES et du Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Elle soutient également le Consortium international de lutte contre la criminalité des espèces sauvages (ICCWC), qui regroupe 5 organisations intergouvernementales :
- Secrétariat de la CITES ;
- Interpol ;
- Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ;
- Banque mondiale ;
- Organisation mondiale des douanes, ainsi que plusieurs coalitions œuvrant contre le braconnage et le commerce illégal d’espèces sauvages comme le Fonds pour l’éléphant d’Afrique ou le Partenariat pour la Survie des Grands Singes (GRASP –PNUE/UNESCO).
Favoriser une prise de conscience internationale
En 2022 la réunion des chefs de délégation du G7 a été l’occasion de rappeler la nécessité d’une prise de conscience collective face à la menace que représente la criminalité environnementale, qu’elle prenne la forme du trafic d’espèces sauvages, de l’exploitation forestière illégale, de la pêche illégale, du trafic illégal de déchets ou de l’exploitation illégale de minerais.
Faire reconnaitre la criminalité environnementale comme un défi global
La France agit pour le renforcement de la coopération internationale contre la criminalité environnementale dans toutes ses dimensions. Entre 2019 et 2021, une forte mobilisation a permis de faire reconnaître, dans les différentes instances et conventions établies sous l’égide de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la criminalité environnementale comme une forme émergente et préoccupante de criminalité et un défi global pour la communauté internationale.
Des étapes clefs
- 2 résolutions (négociées à l’initiative de la France dans le cadre de la Convention des Nations unies de lutte contre la corruption en 2019 et de la Convention des Nations unies de lutte contre la criminalité transnationale organisée en 2020 ont permis de mettre en place des instruments juridiques quasi-universels qui peuvent désormais être mobilisés pour prévenir et lutter contre la criminalité environnementale et renforcer la coopération internationale dans le domaine.
- la Déclaration de Kyoto adoptée en mars 2021, lors du 14ème Congrès mondial des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale contient pour la première fois l’engagement des États membres à adopter des mesures efficaces pour prévenir et combattre les crimes qui portent atteinte à l’environnement.
- un texte exhaustif sur la criminalité environnementale qui renforce la coopération internationale et le mandat de l’ONUDC en matière de recherche et d’analyses a adopté à l’impulsion de la France en mai 2021 lors de la 30ème Commission pour la prévention du crime et de la justice pénale (CCPCJ).
- un plan d’action conjoint 2022 – 2026 dans le domaine de la lutte contre la criminalité environnementale entre la France et l’ONUDC a été signé en février 2022. Ce plan d’action conjoint permet de financer des actions sur le terrain ainsi que des produits de connaissance sur ce sujet.
Lutter contre les réseaux de criminels environnementaux avec Interpol
L’Organisation internationale de police criminelle Interpol est naturellement très mobilisée dans la lutte contre la criminalité environnementale au travers de 4 groupes de travail spécialisés :
- pêche,
- forêts,
- pollution,
- espèces sauvages.
Ces groupes travaillent à démanteler les réseaux de criminels environnementaux en fournissant aux services nationaux les outils et l’expertise dont ils ont besoin.
Lutter contre le blanchiment des flux financiers liés au trafic d’espèces protégées
Le Groupe d’action financière (GAFI) a lancé une initiative pour renforcer la connaissance des flux financiers associés au trafic d’espèces protégées. Avec la contribution de la France, le GAFI a publié en 2020 un rapport identifiant des pistes pour renforcer le rôle des institutions financières dans la détection des flux suspects, les pratiques de blanchiment associées au trafic d’espèces et permettant de renforcer la coopération internationale entre institutions financières dans ce domaine.
En 2021, un nouveau rapport du GAFI a été publié sur le blanchiment de capitaux générés par les crimes contre l’environnement allant de l’extraction et du commerce illégaux des forêts et des minéraux au défrichement illégal en passant par le trafic de déchets.
Mise à jour : août 2022