Nations unies - Evènement "Droit international humanitaire - Recenser les violations, améliorer le respect du droit international humanitaire" - Déclaration de Jean-Yves Le Drian (New York, le 22 septembre 2021)

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"Mesdames et Messieurs les Ministres,

Monsieur le Commissaire européen, cher Janez,

Chers amis,

Nous vivons aujourd’hui dans un paradoxe dangereux. Alors que nous n’avons jamais eu autant besoin de solidarité internationale face à la multiplication des crises, alors que les besoins n’ont jamais été aussi élevés, comme le montre en ce moment la crise afghane, l’espace humanitaire fait aujourd’hui l’objet d’un rétrécissement sans précédent. Le respect du droit international humanitaire recule. Les populations en paient le prix fort. Les personnels humanitaires et médicaux deviennent dans certains contextes des cibles à abattre.

Ces évolutions inquiétantes, qui contribuent à l’effritement du multilatéralisme et d’un socle de règles communes, ne sont malheureusement pas nouvelles. Mais cette situation est devenue inacceptable. C’est pourquoi nous avons la responsabilité d’agir.

D’agir tout d’abord pour continuer à promouvoir le droit international humanitaire, sans relâche. C’est nécessaire parce que cela conditionne en particulier la possibilité pour les acteurs humanitaires d’agir sur le terrain. C’est justement dans l’objectif d’alerter sur l’importance de respecter le droit international humanitaire qu’il y a deux ans, avec Heiko Maas, nous avons lancé un Appel à l’action humanitaire, dans le cadre de l’Alliance pour le multilatéralisme. Ce texte rassemble déjà 51 signataires. J’invite les États et les organisations internationales qui ne l’ont pas encore fait à le rejoindre, comme signal de la détermination à respecter et à faire respecter le droit international humanitaire.

Depuis, nous avons poursuivi nos efforts, notamment ici à New York afin de mobiliser davantage la communauté internationale. J’ai présidé, pendant notre présidence du Conseil de sécurité en juillet dernier, une réunion sur ce sujet dans l’objectif d’intensifier les actions concrètes à mener.

Et depuis, nous avons également travaillé, au niveau national, à aider les travailleurs humanitaires à préserver leur capacité d’action sur le terrain, notamment en veillant à ce que l’accès aux services bancaires pour les ONG soit plus aisé sur leur lieu d’intervention, et en développant la formation et la sensibilisation au droit international humanitaire, et en mobilisant des financements puisque la France s’est donné un objectif ambitieux de consacrer en 2022 500 millions d’euros à l’action humanitaire, soit un triplement depuis 2017.

Et au-delà de la promotion du droit international humanitaire, il nous faut encore aller plus loin.

D’abord en dénonçant plus systématiquement les violations du droit international humanitaire, parce que cela contribue aussi à la défense de ce droit. Or aujourd’hui, nous constatons que les informations manquent. Janez l’a évoqué tout à l’heure dans son propos. Et la nomination d’un Conseiller spécial pour la préservation de l’espace humanitaire, annoncée lors de la réunion du Conseil de sécurité du mois de juillet, devra contribuer à avancer dans cette direction. Et nous devons aussi collectivement prendre la parole pour dénoncer plus systématiquement toutes les attaques qui sont portées contre les travailleurs humanitaires.

Aller au-delà de la promotion du droit international humanitaire, cela veut dire aussi qu’il nous est nécessaire de continuer à nous battre contre l’impunité des infractions commises à l’encontre des travailleurs humanitaires. Lorsque des violations sont commises, nous devons traduire en justice les auteurs. Et à cet égard, la Cour pénale internationale doit jouer un rôle essentiel et la coopération des États avec la Cour pénale internationale et des États entre eux sera déterminante pour lutter contre l’impunité des auteurs de violations graves du droit international humanitaire.

Enfin, la lutte contre les violations du droit international humanitaire suppose d’étoffer, lorsque cela est pertinent, les régimes de mesures restrictives. Les violations de ce droit doivent constituer un motif de désignation à part entière. Et la France continuera à plaider en faveur du renforcement des régimes de sanctions, au bénéfice des populations affectées.

Mes chers amis,

Le droit international humanitaire est l’un des fondements de l’ordre international qui repose sur des règles auxquelles nous sommes tous attachés. Je souhaite que la réunion d’aujourd’hui permette d’identifier des bonnes pratiques et qu’elle puisse contribuer à sa mise en œuvre et à sa défense. La France y prendra toute sa part et poursuivra ses efforts à l’occasion d’un moment fort de la prochaine présidence française de l’Union européenne, au premier semestre 2022. Nous organiserons le premier forum humanitaire européen, dans la droite ligne de nos volontés communes sur ce sujet majeur.

Merci de votre attention."