Union européenne - Déclaration de Jean-Noël Barrot à son arrivée au Conseil Affaires étrangères (15 juillet 2025)
Bonjour à tous, je me félicite de l’adoption ce matin de trains de sanctions visant des individus et des entités ayant porté atteinte aux intérêts de la France et de l’Europe. C’est l’aboutissement de démarches que j’ai entreprises personnellement et dont je me réjouis.
Nous actons ce matin à Bruxelles l’interdiction d’accès au territoire européen et le gel d es avoirs pour six magistrats russes responsables de la criminalisation de la liberté d’expression, seize individus russes responsables d’opérations de déstabilisation et de manœuvre informationnelle en Europe, sept individus moldaves responsables d’opérations de déstabilisation au profit de la Russie, neuf individus et entités iraniens coupables d’assassinats sur le sol européen et trois chefs de gangs haïtiens. C’est très bien, je souhaite qu’aujourd’hui nous puissions aller plus loin et que nous puissions adopter le paquet de sanctions massif visant la Russie pour contraindre Vladimir Poutine à mettre fin à sa guerre d’agression coloniale, illégale et meurtrière.
Je rappelle que Vladimir Poutine ne progresse quasiment plus sur le front ukrainien, au prix de pertes humaines pourtant très lourdes, qu’il a épuisé son économie et qu’il s’en prend désormais aux zones résidentielles et aux civils en Ukraine pour tenter de saper le moral ukrainien, ce qui est peine perdue. Dans ce contexte, l’unité et la détermination de la coalition des volontaires que le président de la République, le Premier ministre britannique, ont rassemblés la semaine dernière, les décisions du président américain de fixer un ultimatum de 50 jours à Vladimir Poutine sous peine de droits de douane dévastateurs et de fournir des systèmes de défense antiaériens à l’Ukraine, et ce paquet de sanctions massif que j’espère voir adopté aujourd’hui, sont de nature à contraindre Vladimir Poutine à se rendre à l’évidence : il est allé beaucoup trop loin et il est désormais dans une impasse. Il doit cesser le feu.
Je me rendrai lundi prochain, le 21 juillet, en Ukraine, à l’invitation d’Andrii Sybiha à l’occasion de la conférence des ambassadeurs pour réaffirmer le soutien de la France et de l’Europe à la résistance ukrainienne.
Au Proche-Orient, l’Union européenne est la première puissance depuis le 2 mars et la violation du cessez-le-feu, à avoir obtenu du gouvernement israélien des concessions substantielles en matière d’accès de l’aide humanitaire. Comme quoi, lorsqu’elle s’en donne les moyens, l’Union européenne est capable de faire bouger les lignes. Désormais, il faut que ces concessions soient visibles, tangibles sur le terrain, et nous y serons extrêmement vigilants. C’est une première étape, mais ça n’est pas suffisant. Nous continuons d’exiger le cessez-le-feu immédiat, inconditionnel, et la libération de tous les otages du Hamas qui doit être désarmé. Mais nous exigeons également du gouvernement israélien qu’il lève le blocus financier sur l’Autorité palestinienne en payant les 2 milliards d’euros qu’il doit à l’Autorité palestinienne et qu’il mette fin à la colonisation de la Cisjordanie, et en particulier au projet funeste dit projet E1 qui, avec 3.400 logements, menace de couper en deux la Cisjordanie et de porter un coup fatal à la solution à deux États.
Dans ce contexte, à l’initiative du Président de la République, la France coprésidera avec l’Arabie saoudite les 28 et 29 juillet prochains une conférence à New York, sous l’égide des Nations unies, qui aura pour vocation de cristalliser les engagements déjà pris, et en particulier les engagements pris par Mahmoud Abbas dans une lettre adressée au Président de la République et au prince héritier de l’Arabie saoudite, de dessiner l’après-guerre à Gaza et de préparer la reconnaissance de l’État de Palestine par la France et les pays qui s’engageront dans cette démarche. J’appelle toutes les parties prenantes, et en particulier les pays arabes, à se mobiliser pour apporter leur propre contribution à cette solution reposant sur deux États vivant en paix et en sécurité côte à côte dans la région.
En Iran, nous appelons à la libération immédiate, inconditionnelle, de nos compatriotes retenus otages, nous appelons à la reprise du travail des inspecteurs de l’AIEA et à l’ouverture d’un processus diplomatique conduisant à un règlement négocié et à un encadrement des activités nucléaires, balistiques et déstabilisatrices de l’Iran. C’est un fait, l’Iran a violé les obligations qu’il avait prises il y a dix ans lors de la négociation sur le nucléaire iranien. La France et ses partenaires sont donc fondés à réappliquer les embargos mondiaux sur les armes, sur les banques, sur les équipements nucléaires qui avaient été levés il y a dix ans. Sans engagement ferme, tangible, vérifiable de la part de l’Iran, nous le ferons au plus tard à la fin du mois d’août.
Je voudrais terminer par deux sujets qui me paraissent essentiels. Le premier, c’est la liberté rendue par la Commission européenne aux États membres de reprendre le contrôle des réseaux sociaux qui intoxiquent les cerveaux de la jeunesse européenne. Jusqu’à présent, nous étions entravés dans notre capacité à le faire. J’avais réussi en 2023, grâce à la loi pour la sécurisation de l’espace numérique, à imposer la vérification d’âge pour l’accès aux sites pornographiques.
Mais nous ne parvenions pas à imposer des restrictions d’âge pour l’accès aux réseaux sociaux. J’avais dit très clairement que si la Commission européenne renonçait à instaurer un ordre public dans l’espace numérique, il fallait qu’elle rende la possibilité aux États membres de le faire. Depuis hier, c’est chose faite et je m’en félicite.
Le deuxième sujet, c’est la négociation des droits de douane. La menace de l’application par les États-Unis de droits de douane de 30% sur l’Union européenne est une mauvaise manière qui a l’apparence d’un chantage, qui n’est pas à la hauteur de la relation privilégiée entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne. Rappelons que les droits de douane, de tels droits de douane, amputeraient très profondément le pouvoir d’achat des classes moyennes américaines, qui seraient les premières victimes d’une telle décision. Les droits de douane sont un impôt sur les classes moyennes.
Rappelons que l’économie américaine a un besoin vital de l’économie européenne pour fonctionner. Les grandes entreprises du numérique, les GAFAM, réalisent 25% de leurs revenus en Europe. Et la zone euro finance l’économie, le déficit public américain, à hauteur de 3.000 milliards d’euros nets des investissements américains en Europe.
Rappelons enfin que l’Union européenne dispose, depuis 2023, d’instruments de défense commerciale extrêmement puissants face à la coercition, qui lui permettent de restreindre l’accès à ses marchés publics, de restreindre l’accès au marché unique pour les services, y compris les services numériques et les services financiers. Que nous sommes des partenaires, que nous devons trouver un accord, que l’Union européenne est le premier partenaire commercial des États-Unis, mais n’a pas vocation à devenir un vassal des États-Unis.
Q - (inaudible)
R - Nous continuons à faciliter, aux côtés des Américains, le dialogue entre les autorités syriennes et les autorités kurdes. C’est un enjeu majeur. Les Kurdes ont été des alliés fidèles dans la lutte contre Daech. Leur pleine intégration dans la citoyenneté syrienne est un objectif majeur.
Q - Le président Trump a fait complètement volte-face dans sa vision et dans sa politique par rapport à la Russie. Comment la France va faire pour continuer à acheter du gaz russe alors que Donald Trump vient de dire qu’il allait peut-être sanctionner les pays qui continuent à acheter des produits issus de la Russie ?
R - Je ne crois pas que la France soit très dépendante au gaz russe. Ça peut poser des questions à d’autres pays européens, mais vous avez sans doute relevé comme moi que la Commission européenne a d’ores et déjà mis sur la table, avec RepowerEU, un plan très concret, très ambitieux, pour sortir définitivement l’Europe de sa dépendance à cette énergie fossile.
Q - Sur les sanctions contre Israël : est-ce que vous soutenez une mesure en particulier parmi celles proposées par Mme [Kaja] Kallas ?
R - Ce que je peux vous dire d’ores et déjà, comme je l’ai fait à l’instant, c’est ce que nous attendons dans l’immédiat du gouvernement israélien : la levée du blocus financier, la fin de la colonisation, le renoncement au projet E1, qui est un projet funeste, et puis évidemment le cessez-le-feu immédiat. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, comme j’ai eu l’occasion de le dire à Paris, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Je crois que l’Union européenne s’honorerait à suivre les orientations que nous avons proposées, de sanctionner les individus, entités responsables de la colonisation, extrémiste et violente, et à cesser toute forme de soutien financier direct et indirect à la colonisation.
Q - Sur les droits de douane, est-ce que vous vous satisfaites des contre-mesures en l’état ? Vous avez parlé de l’instrument anti-coercition. Est-ce qu’il faudrait d’ores et déjà aller plus loin ou vous vous accommodez de ce qui est déjà décidé et pour le moment suspendu ?
R - Je vous ai donné ma position. Nous soutenons la Commission dans son effort pour négocier un accord équilibré qui défend les intérêts européens. Chacun doit le savoir, il n’y a pas besoin d’être un expert du commerce international. Les Européens, en 2023, ont décidé de se doter d’instruments de défense commerciale extrêmement puissants, qui ont vocation à dissuader les coercitions, quelles que soient leurs formes.
Q - Pourquoi c’est aussi compliqué de se mettre d’accord sur le 18e paquet aujourd’hui ? Pourquoi c’est si compliqué ? Tous les ministres nous disent, ce sera peut-être aujourd’hui, ce sera peut-être demain.
R - Je souhaite vivement que ce soit aujourd’hui, puisque vous l’avez vu, nous avons travaillé étroitement avec nos partenaires américains, qui ont d’ailleurs participé à la Coalition des volontaires qui s’est réunie depuis Londres la semaine dernière. J’ai moi-même rencontré à Rome, vendredi matin, les deux sénateurs qui portent le paquet de sanctions qui permettront, au bout de 50 jours, à Donald Trump d’appliquer les droits de douane sur la Russie et sur les pays qui continuent d’importer du pétrole russe. Vous aurez d’ailleurs noté qu’il y a une forme de parallélisme entre le paquet de sanctions des sénateurs américains et le paquet de sanctions européen, puisque nous aussi avons décidé de mettre en place des embargos sur les produits pétroliers en provenance de pays qui continuent d’importer du pétrole russe. Et donc c’est maintenant que nous devons adopter ce paquet de sanctions, puisque c’est maintenant que le président des États-Unis a décidé d’appliquer une pressi on très forte sur la Vladimir Poutine.
Q - The fight between Turkey and PKK, right now the war is over. And there is the peace process in Turkey and PKK… (inaudible).
R - Bien sûr, et j’ai eu l’occasion d’en parler avec Hakan Fidan. C’est une nouvelle que nous avons saluée, d’ailleurs, et dont nous souhaitons qu’elle puisse produire maintenant ses pleins effets, pour permettre à la région de cheminer vers la stabilité.
Q - (inaudible)
R - Nous avons d’ores et déjà décidé cette année d’un soutien de 2 milliards d’euros au profit de l’Ukraine. Nous avons initié des coopérations nouvelles sur le plan industriel avec l’Ukraine. Des entreprises françaises produiront prochainement, sur le sol ukrainien, des drones, ce qui permettra d’équiper l’armée ukrainienne pour lui permettre de résister. Vous voyez, notre soutien est constant et inaltérable.
Q - Votre position sur la Géorgie, s’il vous plaît. Vous et vos collègues discuterez des mesures, des mesures possibles. Quelle est la position de la France ?
R - C’est une discussion que nous allons avoir aujourd’hui. Nous souhaitons que la Géorgie puisse revenir sur le chemin européen auquel aspire le peuple géorgien, et nous avons déploré un certain nombre de décisions récentes en appelant les autorités géorgiennes à se mettre en conformité avec l’aspiration de leur propre peuple.
Merci beaucoup.