Déclaration de Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, à son arrivée au Conseil Affaires étrangères (Bruxelles, 20 novembre 2025)

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Le narcotrafic déferle sur l’Europe et sur la France, avec des conséquences très graves, des menaces pour la santé publique et pour la sécurité des Françaises et des Français, comme l’a illustré tragiquement l’assassinat inqualifiable de Mehdi Kessaci il y a quelques jours à Marseille. Face à ce fléau, le Gouvernement entend agir avec la plus grande fermeté dans la continuité de la loi qui a été adoptée au mois de juin dernier, qui dote la France d’un arsenal très répressif contre le narcotrafic, dans la continuité de la coalition voulue et lancée par le Président de la République lors de la Communauté politique européenne qui s’est réunie au Danemark il y a quelques semaines, je suis venu porter ici à Bruxelles la création d’un régime de sanctions contre la criminalité organisée transnationale.

Ces sanctions viseront des criminels réfugiés à l’étranger et leurs soutiens, qu’ils soient responsables de trafics de stupéfiants, de trafics d’êtres humains, de migrants ou de trafics d’armes. Et ces sanctions permettront de les frapper là où ça fait mal, c’est-à-dire au portefeuille, pour éradiquer le mal à la racine. Elles permettront de geler leurs avoirs, elles permettront de leur interdire l’accès aux territoires européens et à toute transaction avec l’Union européenne. Je souhaite que ce régime que je présente aujourd’hui puisse être adopté par l’Union européenne le plus rapidement possible.

Je suis venu exprimer notre solidarité à l’égard de la Pologne, qui a été victime d’un acte de sabotage d’une très grande gravité, avec la pose d’explosifs qui auraient pu, sur une voie de chemin de fer, engendrer des pertes humaines extrêmement considérables. L’enquête établira les responsabilités de la Russie dans cette affaire, et nous nous tenons aux côtés de la Pologne pour prévenir et contrer ces attaques hybrides à l’avenir.

S’agissant de l’Ukraine, nous voulons la paix, les Ukrainiens veulent la paix. Nous voulons une paix juste qui respecte la souveraineté de chacun, nous voulons une paix durable qui soit entourée des garanties nécessaires pour prévenir toute nouvelle agression par la Russie de Vladimir Poutine. C’est dans cet esprit que nous poursuivons le travail pour soutenir l’Ukraine sur le plan financier avec un prêt de réparation qui mettra l’Ukraine à l’abri de toute difficulté financière pour les trois années qui viennent. Je souhaite que ce prêt de réparation puisse être adopté avant la fin de l’année. Et puis, un soutien sur le plan militaire, comme l’a illustré la visite du président Zelensky à Paris ce lundi, où des coopérations en matière d’équipement, mais aussi en matière de drones, ont pu être actées.
Pression sur la Russie, avec de nouvelles sanctions que nous adoptons aujourd’hui contre six magistrats responsables de procès politiques, contre quatre officiers pénitentiaires responsables de mauvais traitements à l’égard de prisonniers politiques en Russie, le travail sur le 20ᵉ paquet de sanctions, dont nous espérons voir l’aboutissement avant la fin de l’année ; et puis le travail sur l’entrave à la flotte fantôme, ces navires que la Russie utilise pour contourner les sanctions, les sanctions européennes, mais aussi les sanctions américaines, dont je rappelle qu’elles entrent en vigueur aujourd’hui contre les deux principales entreprises pétrolières, Lukoil et Rosneft.

Et puis notre troisième axe d’effort, après le soutien à l’Ukraine et les pressions sur la Russie, c’est de préparer la paix. Le Président de la République a accueilli le président Zelensky lundi au Mont-Valérien, à Paris, où se trouve le quartier général de la force multinationale qui est en train, avec une soixantaine d’officiers militaires venant d’un grand nombre de pays membres de cette coalition, de planifier la régénération des forces armées ukrainiennes et les forces de réassurance qui pourront être déployées dès le cessez-le-feu obtenu.
À Gaza, nous avons salué l’adoption par les Nations unies du plan de paix des États-Unis, et je dénonce les violations du cessez-le-feu intervenues hier, qui ont fait un grand nombre de victimes. Toutes les parties doivent respecter strictement le plan de paix des États-Unis, qui est désormais endossé par les Nations unies, et la France et l’Europe doivent prendre toute leur part dans la mise en œuvre de ce plan de paix. C’est bien notre intention. Sur le plan de la sécurité, nous soutenons l’objectif de formation, par des forces européennes, de 3.000 policiers et forces de sécurité palestiniens, et la France se tient prête à déployer une centaine de gendarmes dans les territoires palestiniens à cet effet.
Nous soutenons, sur le plan de l’administration et de la gouvernance à Gaza, les efforts consistant à réformer l’Autorité palestinienne. Le président de la République a annoncé la création d’un comité conjoint pour faire avancer le travail de réforme constitutionnelle et institutionnelle de l’Autorité palestinienne, pour la réformer et la renforcer, de manière à ce qu’elle puisse, le moment venu, prendre ses responsabilités en matière d’administration à Gaza.

Enfin, sur le plan humanitaire, nous avons annoncé que notre contribution cette année serait à la hauteur des années précédentes, et nous entendons pouvoir, aux côtés de l’Égypte, co-organiser cette conférence dédiée à la question humanitaire et à la reconstruction d’ici la fin de l’année.

Un mot sur l’Afrique, où le Président de la République a entamé une tournée qui va l’emmener en Afrique du Sud pour le G20, au Gabon, puis en Angola pour le sommet des pays européens et des pays africains. Nous suivons avec une grande préoccupation la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, et plus particulièrement au Mali, où nous avons condamné la détention, par les autorités maliennes, de notre ressortissant pourtant sous statut diplomatique, une détention qui a été condamnée à l’unanimité par les États membres de l’Union européenne.

Nous constatons aussi l’échec absolu de la Russie, qui avait promis aux autorités des pays du Sahel de pouvoir les épauler dans la lutte contre le terrorisme, et le résultat, c’est que partout le terrorisme progresse. Et puis un mot sur le Soudan. Après la chute de la ville d’El-Fasher, au Darfour, la situation humanitaire qui est la plus grave dans le monde aujourd’hui s’est encore dégradée. Nous avons dénoncé les exactions à caractère ethnique perpétrées par les Forces de soutien rapide. Après la chute d’El-Fasher, nous avons appelé toutes les parties au cessez-le-feu, au respect du droit international humanitaire, et nous avons exigé que les Forces de soutien rapide consentent à la trêve humanitaire proposée par les États-Unis. Mais ce n’est pas suffisant. Et c’est pourquoi je propose aujourd’hui que nous puissions placer sous sanctions le numéro deux des Forces de soutien rapide, responsable des atrocités qui ont été commises, parce que de telles atrocités ne peuvent rester impunies.

Q - On the Middle-East : the Iraqi election concluded, what is your reaction ?

R - Vous savez, les élections se sont tenues. Un gouvernement doit être formé. La France se tient aux côtés de l’Irak, comme c’est le cas depuis longtemps, et dans les temps prochains, nous espérons pouvoir organiser et tenir cette conférence de Bagdad pour sa prochaine édition, et pouvoir poursuivre le travail avec les autorités irakiennes pour continuer à renforcer à la fois l’économie et la souveraineté du pays.

Q - (inaudible)

R - Je vous l’ai dit, nous voulons la paix. Les Ukrainiens veulent la paix. Une paix juste, qui respecte la souveraineté de chacun. Une paix durable, qui ne puisse pas être remise en question par de futures agressions. Mais la paix, ça ne peut pas être la capitulation. Nous ne voulons pas de capitulation de l’Ukraine. Et vous imaginez bien que les Ukrainiens, qui résistent de manière héroïque depuis plus de trois ans maintenant contre une agression désinhibée de la part de la Russie, refuseront toujours toute forme de capitulation.

D’ailleurs, il suffit de se pencher sur les enquêtes d’opinion qui sont réalisées en Ukraine pour s’apercevoir que le peuple ukrainien rejette absolument toute forme de capitulation. Le principe d’une paix doit commencer par un cessez-le-feu sur la ligne de contact, qui permettra d’engager des discussions sur la question des territoires et sur la question des garanties de sécurité. C’est ce que nous avons toujours dit, c’est ce que l’Ukraine a toujours dit. L’Ukraine a marqué sa disponibilité à entrer dans ce type de discussions. Elle l’a fait depuis le 9 mars dernier, à Djeddah. Et ce que nous constatons, c’est qu’aujourd’hui, c’est la Russie de Vladimir Poutine qui constitue un obstacle à la paix.

Q - You said that there would be a deployment in the Palestinian territories. What will be the role of the people deployed exactly ? Will they be training Palestinian policemen ? And where would that happen ?

R - We will play our part in implementing the peace plan proposed by the United States, which we have supported from day one. This includes supporting humanitarian and reconstruction efforts ; supporting governance reforms to strengthen the Palestinian Authority so it can assume responsibility in Gaza when the time comes ; and contributing to security in Gaza by training and equipping Palestinian police.

We support the European Union’s objective of training up to 3.000 policemen and security forces, and we stand ready to deploy one hundred French policemen in Palestinian territory to contribute to this European objective.

Q - Sur le Sahel, pensez-vous avoir la même vision sur cette région que les autres États membres ?

R - Je pense que personne ne me contredira ici à Bruxelles lorsque je dis que la Russie a échoué à tenir ses engagements pris auprès des autorités des pays du Sahel, de leur permettre de contenir la progression des groupes terroristes qui, aujourd’hui, au Mali, encerclent la capitale et opèrent un blocus énergétique qui menace la stabilité du pays et la sécurité de celles et ceux qui y vivent.

Par ailleurs, comme je vous l’ai dit, tous les pays membres de l’Union européenne ont dénoncé la violation, par les autorités maliennes, à travers la détention de notre compatriote sous statut diplomatique, de toutes les règles et de tous les statuts internationaux qui protègent les personnels diplomatiques partout dans le monde, quel que soit le pays. Donc je crois que ce que j’ai dit trouvera un écho extrêmement important dans l’enceinte du Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne.

Q - Do you support any direct talks with Russia, as Hungary and Viktor ORBAN suggested ?

R - Il est toujours bon que des discussions puissent avoir lieu, à condition qu’elles se tiennent de la bonne manière. Et comme je le disais, discussions should start with a ceasefire on the contact line that allow for a negotiation on the question of territories, on the question of security guarantees. We have said that, the US have said that, President Trump has said that, and Ukrainians are ready for this. The only obstacle to such ordered discussions so far is Vladimir Putin.

Q - How has the situation in Gaza damaged the relation between Gaza and France ?

R - I think we are all pursuing the same goal here : peace and stability in the Middle East. France, together with Saudi Arabia, has led an international effort to design a formula condemning Hamas, calling for its disarmament and exclusion from any future role in Gaza’s governance, and inviting Arab countries to express willingness to normalize relations with Israel and to enter alongside Israel and the future State of Palestine a common regional architecture.
Our efforts with Saudi Arabia led to the first condemnation of Hamas at the United Nations. All our efforts aim to provide security for Palestinians and, in the long term, for Israelis. This is the spirit in which we intend to cooperate with Israeli authorities, as we take part in implementing the American peace plan they themselves have adopted.

Q - What do you think about Steve Witkoff and his influence in the peace process ?

R - Again, discussions are needed for us to reach a just and durable peace in Ukraine. They should start with a ceasefire on the contact line that allow for orderly discussions on the question of territories and security guarantees.

Q - Minister, what does it mean for Moldova to be part of the Schengen military concept, even as an observer ? What does it practically mean ?

R - It is a new step toward accession to the European family. The Moldovan authorities have done a great job in undertaking the efforts and reforms necessary for such accession. We have supported them despite the huge pressure from Vladimir Putin and Russia, including on the political process. We welcome this entry, this new development, which reflects the aspirations of the Moldovan people to accessing the European family.

Q - This isn’t the first Witkoff peace plan that we’ve heard of in the media. Doesn’t this describe the problem that Americans, Russians and Ukrainians are negotiating, while Europeans read about it in the media ?

R - Europeans play a very significant role in this process. The best illustration is the decisions we are taking today to sanction Russian officials, the preparation of the 20th sanctions package, our work on the shadow fleet, this is pressure on Russia, and our work to support Ukraine, with the reparations loan that is currently being negotiated here in Brussels, which we hope will be adopted before the end of the year. These are structural dimensions of the issue that Europeans are working on.

Q - How do you assess the situation in Georgia, where new repressive laws appear almost daily ? Can we expect any steps from you, and what is your message to the Georgian people, civil society and independent media ?

R - To the Georgian people, we praise their dedication to freedom and democracy. As for the authorities, we have had several occasions to express our views directly to those concerned.

Q - One more question on Palestine. The Palestinian Donor Group has met today for the first time to discuss financial contributions. Who exactly will receive these funds in Gaza ?

R - There is much to be done to strengthen the Palestinian Authority, to provide humanitarian aid, development aid and reconstruction aid. This meeting of the Palestinian Donor Group will be a key building block of the international reconstruction conference that we will co-organise with Egypt, and which we hope will take place before Christmas.