Union européenne - Déclaration de Clément Beaune, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes, à son arrivée au Conseil des affaires générales (Bruxelles, le 21 septembre 2021)

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On se retrouve aujourd’hui à Bruxelles pour un Conseil affaires générales avec les ministres chargés des affaires européennes pour aborder un certain nombre de sujets d’actualité, de sujets importants, pour préparer notamment les sommets européens du mois d’octobre qui porteront sur les suites de la crise sanitaire, sur les questions numériques, sur l’agenda international aussi, bien sûr, dans le contexte que l’on connaît. Puis, nous aurons des discussions d’étape sur la Conférence sur l’avenir de l’Europe en particulier. Et puis, aussi, sur la relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni dans un contexte, - je m’entretiendrai dans quelques instants aussi avec M. Sefčovič -, où les tensions demeurent et nous devons rester extrêmement vigilants sur le respect des accords signés comme nous l’avons dit et redit. Ce sera aussi l’un des points de vigilance et de discussion aujourd’hui.

Q : Suite aux déclarations cette nuit à New York faites par le ministre Le Drian et le soutien européen qui est arrivé, est-ce que vous comptez aussi en discuter ?

R : Ce sera l’un des points de contexte - ce n’est pas strictement à l’ordre du jour -, mais que nous évoquerons pour le Conseil européen, les conseils qui se tiennent au mois d’octobre. Cela fait partie bien sûr du panorama. Cette nuit, les premières discussions entre ministres des affaires étrangères, autour du ministre Le Drian, autour de Josep Borrell, ont été, je crois, très positives dans le sens où la solidarité européenne, le soutien à la France a été extrêmement net. Il a été exprimé par la Présidente de la Commission européenne, il a été exprimé par le Président du Conseil européen, il a été confirmé aussi par le Haut représentant Josep Borrell, qui ont tous dit, dans des mots différents, un soutien total, la nécessité d’être respectés comme Européens, car tous ont aussi souligné qu’il ne s’agissait pas d’une difficulté ou d’un sujet français, mais bien d’un sujet européen.

Q : Sur l’accord commercial avec l’Australie, vous semblez penser qu’il faut le geler ?

R  : Cela fait partie des points qu’on doit discuter collectivement. Mais Josep Borrell l’a dit aussi dans son entretien avec son homologue australienne, nous sommes dans une situation très difficile, le ministre Le Drian l’a dit, une rupture grave de confiance, et donc on ne peut pas faire comme si de rien n’était. Donc, nous devons ouvrir toutes les options, absolument.

Q : Vous avez aussi la Suisse comme point divers, aujourd’hui. On a l’impression qu’il y a aussi une fâcherie entre la France et la Suisse. Est-ce que la France refuse d’avoir des contacts bilatéraux avec la Suisse, alors que le dossier est bloqué en ce moment ?

R : Non, il y a eu des contacts bilatéraux, j’en ai eus à mon niveau, par exemple, il y a quelques semaines, après le choix stratégique qu’a fait la Suisse, en matière d’armement, que l’on connaît. Donc, il n’y a pas, au-delà des rumeurs que j’ai lues, de mauvaise humeur ou d’absence de contacts, ce n’est pas exact. Ensuite, il y a des sujets parfois difficiles aussi avec la Suisse sur le plan bilatéral, et puis dans la relation entre l’Union européenne et la Suisse, puisque c’est la Suisse qui a choisi de ne pas donner suite, après de longues négociations, au projet d’accord que nous avions prévu et signé.

Q : Et pourtant la France, dit-on en Suisse, avait promis son soutien à la Suisse au cas où elle achèterait les Rafale. Est-ce que vous pouvez confirmer ? Son soutien dans le dossier bilatéral, justement, entre la Suisse et l’Union européenne.

R : Le soutien de la France indépendamment des questions militaires ou d’armement, il a été très fort dans toute la négociation de l’accord. Nous avons beaucoup d’échanges bilatéraux avec la Suisse pour essayer de prendre en compte au maximum les préoccupations que l’on connaît sur le détachement des travailleurs, sur les droits sociaux. Nous connaissons très bien cette relation bilatérale et les particularités suisses puisque nous avons de très nombreux frontaliers français qui vont chaque jour en Suisse et aident aussi le système sanitaire en particulier, hospitalier à fonctionner. Et donc, le soutien français a toujours été là dans toute cette négociation. Donc, on n’a pas fait une forme de donnant-donnant ou de chantage, ce n’est pas exact.

Q  : Au-delà de la solidarité exprimée hier soir à l’ONU, qu’est-ce que vous attendez des Européens ?

R : D’abord, une prise de conscience qui ne se fait pas qu’à travers cet événement mais du fait que nous devons sans agressivité ou sans être contre nos alliés, être plus souverains, plus autonomes, plus capables de défendre nos intérêts, de penser par nous-mêmes, aussi, on l’a vu dans la crise afghane, on le voit dans cette tension du moment. Les Européens ont encore du chemin à faire, on appelle cela l’autonomie stratégique ou la souveraineté européenne, pour développer leurs outils, pour s’affirmer, pour défendre leurs intérêts et pour se faire respecter. Mais je crois que ce chemin est pris depuis longtemps quand on regarde les avancées concrètes, par exemple ce que nous faisons collectivement pour notre sécurité commune au Sahel, ce que nous faisons, et la Présidente von der Leyen a souhaité le renforcer dans son discours sur l’état de l’Union, en matière de cybersécurité. Je crois qu’il y a des progrès concrets sur ce qu’on appelle défense européenne, sécurité européenne, mais on est dans un monde, on le voit, qui n’est pas un monde gentil, qui n’est pas un monde facile. Les Européens doivent être fermes et unis.

Q : Sur la levée des restrictions de voyage, est-ce que c’est un geste d’apaisement ?

R : Je ne le prends pas comme tel. Je ne pense pas que ces sujets doivent être traités de manière politique. J’espère qu’ils ne le sont pas. Nous, nous définissons nos règles sur des critères sanitaires. Je pense que les Américains font de même. Cette bonne nouvelle, car nous pensons que sur le plan sanitaire elle était justifiée de longue date, a mis du temps à arriver. Elle est arrivée hier. Tant mieux.

Q  : Ça ne suffira pas pour apaiser la colère de la France ?

R : Si je puis dire, on ne met pas dans la balance des règles sanitaires ou des règles de voyage, aussi importantes soient elles, elles sont très importantes pour un certain nombre de nos ressortissants, et une question géopolitique ou stratégique qui doit continuer à être discutée avec les difficultés que l’on connaît et l’unité européenne qui s’est exprimée.

Q : Sur le Brexit, comment allez-vous en parler, justement, ce matin ? Comment voyez-vous les choses, avec " la cinquième roue du carrosse " ?

R : Écoutez, on le voit, là aussi, de manière toujours calme et constante, on ne mélange pas les sujets. Il y a une relation avec le Royaume-Uni qui est difficile sur ce plan-là, de longue date, parce que nous avons signé un accord, nous l’avons négocié patiemment, nous l’avons ratifié de part et d’autre et nous constatons encore aujourd’hui, ça ne date pas de la semaine dernière, que, en matière de pêche, que sur le protocole nord-irlandais, ces accords ne sont pas bien appliqués et ne sont pas parfaitement respectés. Et donc, nous serons extrêmement clairs et, là aussi je crois, toujours unis. Cela a été le succès de la méthode européenne ces dernières années, pour dire : l’accord doit être respecté, c’est aussi une question de confiance, c’est aussi une question de parole donnée et puis c’est une question, soyons clairs, d’intérêt des européens.

Nous avons cet accord qui protège nos intérêts dans les domaines que j’ai évoqués, je pense à la pêche en particulier. On ne peut pas dire on prend ce qui nous arrange et on laisse tomber ce qui ne nous arrange pas quand on est britannique. Donc là aussi, cette confiance, cette constance, ce respect des accords sont je crois essentiels, ça devrait aller de soi, malheureusement, ça ne va pas toujours de soi, donc nous le rappellerons avec fermeté, c’est le sens de mon entretien avec M. Sefčovič et du point que je ferai tout à l’heure à la réunion des ministres.

Q : Au-delà des explications et de l’indignation, qu’est-ce que vous attendez des Etats-Unis, qu’ils annulent le contrat ?

R : Écoutez, il y a des discussions qui sont en cours. Le Président de la République et M. Biden se parleront. Ce n’est pas à moi de commenter cela. Ce n’est pas tellement le sujet. Le sujet c’est de savoir quel est l’état de notre alliance, de notre coopération, il y a eu manifestement, le ministre Le Drian l’a dit, des choses qui ont été cachées. Le ministre a parlé de duplicité, donc on a une situation grave, nous verrons l’étape qui s’ouvre après la discussion entre les deux présidents.