11 universités du Portugal s’associent pour créer le premier centre portugais de cryo-microscopie électronique.

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Portugal | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie | Médecine individualisée
16 novembre 2017

Le chercheur Pedro Matias de l’Unité de Cristallographie de Macromolécules de l’Institut de Technologie Chimique et Biologique (ITQB de son acronyme portugais) de l’Université Nouvelle de Lisbonne, connaît bien le terrain exploré par les trois scientifiques ayant reçu le prix Nobel de 2017 annoncé mercredi (date).

La cryo-microscopie électronique permet d’obtenir directement des images tridimensionnelles des objets étudiés, que ce soit des molécules individuelles ou des cellules entières par exemple. Au lieu de lumière visible, les microscopes électroniques utilisent un faisceau d’électrons pour illuminer les objets à étudier. L’utilisation de ce type de microscope est apparue dans les années 1980 et 1990, avec la contribution fondamentale de Richard Hendersen.

Toutefois, les chercheurs utilisant cette technique se sont vite rendus compte qu’exposer des molécules biologiques à ce type de faisceau d’électrons avec une intensité nécessaire à l’obtention d’images de bonne qualité où l’on pouvait apercevoir les atomes, détruisait les échantillons avant même d’obtenir ces images. Pour éviter cela, la solution proposée était de congeler les échantillons à l’aide d’un gaz, l’éthane, préservant toutes ses caractéristiques, en descendant leur température rapidement à -196°C, technique développée notamment par Jacques Dubochet.

De plus, les faisceaux utilisés sont désormais d’intensités inférieures, afin de minimiser les dommages produits ; de la même manière, les détecteurs développés sont également extrêmement sensibles. Les images ainsi obtenues sont de meilleure qualité, et permettent d’observer les ombres des molécules causées par la luminosité des faisceaux. Joaquim Frank a par la suite développé des algorithmes de traitement d’image afin de retranscrire la réalité à partir des ombres observées, afin d’obtenir des images tridimensionnelles des molécules. Ce sont ici les fondations du fonctionnement du cryo-microscope.

Ce type de microscope trouve une place importante dans le secteur pharmaceutique, dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments, notamment dans le domaine des médicaments basés sur les anticorps. A l’heure actuelle ce procédé est fondamentalement basé sur la cristallographie aux rayons X, qui nécessite la production de cristaux de biomolécules avec les ligands pouvant donner naissance à de nouveaux médicaments. Mais ce procédé comporte un problème, résidant dans le fait que les biomolécules cibles des médicaments ne sont pas toujours facilement cristallisables, de sorte que la cryo-microscopie électronique représente une alternative extrêmement intéressante.

Cette technique est liée à un avenir prometteur en termes de traitement d’images et méthodes de préparation d’échantillons, ainsi que d’un point de vue économique et de création de valeur. A l’heure actuelle, il n’existe pas au Portugal de microscope de ce type. S’en munir pourrait coûter plus de 7 millions d’euros, car au-delà de l’appareil, il est nécessaire de disposer d’une salle spéciale anti-vibration, à atmosphère contrôlée pour empêcher toute contamination.

Le groupe de scientifiques portugais, qui inclut notamment le chercheur Pedro Matias, travaille sur la mise en place d’un centre national pour la cryo-microscopie électronique appliquée aux sciences de la vie, couvrant un spectre allant des biomolécules aux cellules et tissus cellulaires. Ce groupe compte notamment la participation de chercheurs de 11 universités et instituts du Portugal : Universidade Nova de Lisboa, Universidade do Porto, Instituto Gulbenkian da Ciência, Laboratorio Internacional de Nanotecnologie, Universidade do Minho, Universidade do Algarve, Universidade de Coimbra, Universidade de Lisboa, Universidade da Beira Interior, Instituto Nacional da Saúde Dr. Ricardo Jorge et la Fundação Champalimaud.

Cette technologie permettra à Pedro Matias d’étudier la protéine humaine RuvBL2 qui est impliquée dans de nombreux types de cancers, afin d’en établir la structure tridimensionnelle. Selon lui, l’ITQB est une des institutions de référence au Portugal, dans le domaine de la biologie structurale, notamment la cristallographie aux rayons X, la résonance magnétique et la simulation biomoléculaire. Le développement de la cryo-microscopie électronique au Portugal, en tant que méthodologie complémentaire des méthodes existantes, aurait donc un impact énorme sur ses recherches. Il devrait également permettre le renforcement du savoir-faire scientifique et technologique des institutions du pays, dans l’ensemble de la recherche en sciences de la vie.

Sources :

Rédacteur : Amaury HOCQUET, Chargé de coopération scientifique à l’Institut Français du Portugal amaury.hocquet[at]ifp-lisboa.com