Le rhénium : le futur du stockage de l’énergie ?

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Pologne | Science de la matière : matériaux, physique, chimie, optique | Stockage de l’énergie
19 octobre 2018

Le centre national de recherche nucléaire (NCBJ) situé à Świerk a lancé son programme de recherche sur l’isomère nucléaire du rhénium (186mRe).
Cet isomère possède la caractéristique particulière de libérer une énergie considérable lors de sa désintégration radioactive, largement supérieure à l’énergie requise pour enclencher ce processus.

Cette propriété des noyaux de rhénium pourrait, dans un avenir proche, être utilisée comme moyen de stocker de l’énergie. Ce programme de recherche bénéficiera de l’appui financier du laboratoire de Recherche de l’Armée Américaine (ARL).

Produire et stocker

Le problème du stockage de l’énergie affecte de nombreux aspects de notre vie - du secteur énergétique mondial au transport, en passant par l’exploration spatiale. Le plus grand défi consiste à trouver un moyen de stocker le plus d’énergie possible dans un volume et une masse les plus faibles possibles – fortes densités énergétiques.

Le noyau atomique répond à de telles exigences. Il est déjà utilisé dans le cas des centrales nucléaires, où accumulée dans les noyaux d’uranium à la suite d’un processus naturels, l’énergie dégagée est utilisée pour produire de l’électricité. Dans ce cas l’uranium agit comme un combustible, et non pas un dispositif de stockage d’énergie.

A Świerk, les physiciens polonais ambitionnent de trouver de nouveaux moyens de stocker et d’obtenir de l’énergie à partir de noyaux atomiques. Une idée prometteuse consiste à utiliser des noyaux métastables à vie longue. On sait depuis longtemps que certains noyaux atomiques peuvent être excités dans un état quantique de longue durée de vie - avec une demi-vie pouvant atteindre des centaines ou des millions d’années - pendant laquelle ils peuvent maintenir l’énergie d’excitation.

Un noyau métastable peut être « convaincu » de libérer l’énergie d’excitation qu’il a stockée. La seule chose à faire est de fournir une autre partie de l’énergie, ce qui la rend plus instable.

Le Rhénium-186m : pure énergie

Le rhénium 186-m est l’un des candidats les plus prometteurs pour les batteries à isotopes. La demi-vie de cet isomère est d’environ 200 000 ans et la quantité d’énergie libérée lors du processus de désexcitation est d’environ 150 keV (Electron-volt). Cela signifie que 1 gramme de rhénium 186-m contient environ 30 kWh d’énergie : autant qu’une batterie de voiture électrique ordinaire !

Cette source d’énergie est très attrayante, mais nécessite dans un premier temps de savoir comment charger et décharger une telle « batterie ». Le nouveau programme de recherche menée par le NCBJ permettra d’apporter les premières réponses.

Une coopération polono-américaine grandissante

Le projet résulte d’une coopération antérieure entre le NCBJ et l’ARL, élargie à d’autres institutions telles que l’University of North Carolina et l’Università degli Studi di Milano. En Février 2018 cette collaboration a permis la publication d’un article dans Nature [1].

Le calendrier de travail sur les 12 prochains mois ne se limitera pas à la recherche sur les réacteurs et le stockage de l’énergie. Les résultats seront également importants pour la recherche fondamentale et notamment pour les astrophysiciens qui verront peut-être apparaitre quelques réponses sur l’évolution de l’univers et la nucléosynthèse.

[1] Isomer depletion as experimental evidence of nuclear excitation by electron capture, Nature, 18/10/2018 - https://doi.org/10.1038/nature25483

Rédacteur :
Thibaud DUBRULE, Chargé de Mission Scientifique à l’Ambassade de France en Pologne, thibaud.dubrule[at]diplomatie.gouv.fr