Nouveau regard sur les gènes

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Israël | Biologie : médecine, santé, pharmacie, biotechnologie
4 septembre 2015

Chercheur de l’IMRIC (Institute for Medical Research Israel-Canada) à l’Université Hébraïque, le Dr Tabach se sert de son œil évolutionniste pour décrypter les réseaux de gènes et leur implication dans des maladies.

Si on vous dit "évolution", que vous vient-il à l’esprit ? Des ammonites, l’échelle des temps géologiques, un portrait de Darwin ? Yuval Tabach verrait plutôt quelque chose comme ceci :

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Serveur PhyloGene pour l’identification et la visualisation de la co-évolution des protéines utilisant des profiles phylogénétiques normalisées | Crédits : Oxford University Press

Principe de l’étude phylogénétique des gènes

Un mécanisme biochimique peut être commun à plusieurs voire à beaucoup d’espèces. S’il est nécessaire à une espèce donnée, il sera maintenu. S’il ne l’est pas, il aura plus de chances d’être modifié au cours du temps et de finir de ce fait par ne plus être fonctionnel. Les acteurs d’un mécanisme biochimiques sont des protéines- ce sont elles qui sont modifiées au cours du temps, à cause de mutations survenant dans les gènes qui les codent. Les mutations se multiplient dans les gènes qui ne sont plus nécessaires à l’espèce (le principe en est que des mutations surviennent en permanence- si elles affectent une fonction nécessaire, elles sont létales et on ne les observe pas dans la population. Le fait même d’observer une accumulation de mutations dans un gène montre qu’il n’est pas indispensable).
Si on considère par exemple un gène humain, on peut par des alignements de séquences nucléotidiques retrouver ses orthologues (ses homologues biologiques) dans d’autres espèces, et déterminer le pourcentage de conservation des séquences. On obtient ainsi un profil phylogénétique du gène (qui correspond à une ligne de l’image ci-dessus- chaque colonne correspond à une espèce et chaque ligne à un gène). Ce profil tient compte de la distance évolutive qui existe entre les espèces considérées. Par exemple pour un gène humain, 50% de conservation avec un gène murin n’est pas un très bon score, alors que 50% de conservation avec un gène de levure correspond à une bonne conservation. Les scores de conservation sont donc normalisés en fonction de la conservation moyenne observée entre l’ensemble des génomes des deux espèces considérées.

Mise en application pour l’étude phylogénétique des réseaux de gènes

Mettons que l’on considère cent espèces. Et que du mécanisme biologique qui nous intéresse on ne connaisse qu’un acteur. En regardant comment cette protéine est conservée dans ces cent espèces on va obtenir son profil phylogénétique. Si on cherche d’autres protéines avec un profil de conservation similaire, on a de fortes chances de tomber sur les camarades de notre molécule de départ, c’est-à-dire sur des protéines qui travaillent avec elle dans le même processus. En effet ce sont des fonctions biologiques qui sont conservées, pas des molécules isolées. Autrement dit ce sont des groupes de molécules qui sont conservés, chaque groupe comprenant les acteurs d’un processus cellulaire donné.
L’équipe de Yuval Tabach a développé un algorithme disponible sur le serveur PhyloGene (1) qui est capable de fournir de cette façon, pour une protéine donnée, une liste de protéines possédant des profils de conservation phylogénétique proches, et qui sont des candidats potentiellement impliqués dans le même processus biochimique. Dans ces listes on retrouve évidemment aussi les protéines dont on a déjà démontré le lien fonctionnel avec celle qui est l’objet de la recherche.

Résultats obtenus par ce type d’études

Les résultats obtenus jusque là sont très prometteurs. Y. Tabach a classé un très grand nombre de gènes en groupes de coévolution (groupes présentant des profils de conservation similaires) et s’est rendu compte que de nombreux gènes associés à des maladies différentes faisaient partie du même groupe. Ce classement a aussi permis de repérer des groupes contenant une forte proportion de gènes associés à des maladies, et dont les autres constituants sont par conséquent possiblement associés aussi à ces maladies.
Ce type d’analyse permet donc de relier des phénotypes pathologiques à des groupes fonctionnels de gènes et devrait mener à de grandes avancées dans la compréhension des pathologies en question. Mais en dehors des aspects pathologiques il a aussi montré sa pertinence en recherche fondamentale : par la même méthode, Yuval Tabach a identifié de nouveaux gènes impliqués dans une voie particulière de régulation de l’expression génétique, celle des petits ARN. Par la même occasion il a montré que nombre de ces nouveaux gènes étaient très similaires à des gènes impliqués dans la maturation des ARN messagers. Etablir des parallèles entre ces deux processus pourrait permettre de mieux comprendre et l’un et l’autre.
Comme on le constate, cette méthode permet d’obtenir une certaine compréhension d’ensemble des fonctions biologiques qui est très précieuse à la fois en termes de recherche fondamentale et de recherche médicale.

Sources :

  • Y. Tabach et al., « Human disease locus discovery and mapping to molecular pathways through phylogenetic profiling », Mol. Syst. Biol. 9, 692, 2013.

Auteurs :

Tirtsa Toledano, VI chercheuse à l’Université Hébraïque de Jérusalem
Angélique Toulon, Chargée de mission scientifique et universitaire